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Victoire nationale, mais gifle régionale
Bolivie: Evo Morales reste président d'un pays plus divisé encore par le référendum révocatoire

LA PAZ, lundi 11 août 2008 (LatinReporters.com) - Le président socialiste de la Bolivie, l'Amérindien Evo Morales, a été confirmé le 10 août à la présidence du pays lors du référendum dit révocatoire par lequel il mettait en jeu son mandat. Mais les préfets [gouverneurs élus; ndlr] de l'est bolivien sont aussi sortis victorieux du même référendum et ils ont aussitôt confirmé l'approfondissement d'autonomies régionales rejetées par le pouvoir central. La division de la Bolivie que les urnes étaient censées conjurer semble au contraire s'accentuer.

Plus de quatre millions d'électeurs boliviens, sur une population globale de 10 millions d'habitants, étaient appelés à répondre oui ou non à ces deux questions séparées:
-Etes-vous d'accord avec la continuité du processus de changement conduit par le président Evo Morales Ayma et le vice-président Alvaro Garcia Linera?
-Etes-vous d'accord avec la continuité des politiques, des actions et de la gestion du préfet du département?


Trois sondages différents effectués à la sortie des urnes donnaient dimanche soir à Evo Morales et à son vice-président, arrivés à l'équateur de leur mandat de 5 ans, un appui national allant de 56,7% à 60,1% des votes. Si la Cour nationale électorale (CNE) confirmait ce résultat, il s'agirait d'un triomphe soulignant l'accroissement de popularité du président Morales et de sa politique indigéniste et d'étatisation de l'économie, appuyée et financée par le président vénézuélien Hugo Chavez. Evo Morales fut élu à la présidence le 18 décembre 2005 avec 53,74% des suffrages.

Toutefois, selon les mêmes sondages, cinq départements sur neuf ont dit non à Evo Morales, qui a fait le plein de voix parmi la population amérindienne de La Paz, Oruro et Potosi. En outre, les résultats diffusés lundi matin par la CNE après dépouillement de 23% des bulletins de vote réduisaient provisoirement à 52,05% le score du oui à Evo Morales, sans remettre en question son maintien à la présidence.

Clamant victoire devant une foule de partisans, dimanche soir au balcon du palais présidentiel de La Paz, Evo Morales appelait à l'unité des Boliviens. Elle se réalisera, affirmait-il, "en unissant la nouvelle Constitution politique de l'Etat et les statuts d'autonomies [régionales]", mais dans le respect de la légalité.

Selon le président Morales, les urnes ont exprimé une volonté "de consolider le changement", d'avancer "dans la récupération des ressources naturelles, la consolidation des nationalisations et la récupération d'entreprises de l'Etat".

Mais les gouverneurs de Santa Cruz, Tarija, Beni et Pando, les 4 départements qui couvrent la moitié orientale de la Bolivie, ont eux aussi été plébiscités lors du référendum du 10 août. Selon les sondages, ils recueilleraient jusqu'à 71% de oui à Santa Cruz (contre 47,8% en 2005), 67% à Beni (44,6% en 2005), quasi 60% à Tarija (45,6% en 2005) et 58,4% à Pando (48% en 2005).

Or, ces quatre gouverneurs victorieux rejettent pour vice de forme (inexistence d'une approbation à la majorité parlementaire des deux tiers) et de fond le projet de nouvelle Constitution socialiste et indigéniste du président Morales. Tarija, Santa Cruz, Pando et Beni ont fait plébisciter à plus de 80%, en mai et juin derniers, leur autonomie régionale qu'Evo Morales juge illégale et séparatiste. La crise est à la fois idéologique, économique et ethnique puisqu'elle oppose l'ouest andin défavorisé et dominé par des autochtones de gauche à l'est amazonien riche en produits agricoles, en industries et surtout en hydrocarbures (85% du gaz naturel) que veut gérer une majorité de libéraux blancs et métis.

Ignorant l'appel à l'unité lancé par Evo Morales, les quatre gouverneurs ont durci leur discours. "La liberté a vaincu le totalitarisme" s'est exclamé dimanche soir celui de Santa Cruz, Ruben Costas, en interprétant devant ses partisans son triomphe régional. Allant jusqu'à qualifier Evo Morales de "dictateur" et de "macaque", il s'est engagé à approfondir l'autonomie du département de Santa Cruz, "où on peut désormais vivre sans le fouet du fondamentalisme aymara". [Evo Morales appartient à l'ethnie aymara; ndlr].

"Nous avertissons les gouvernants corrompus et superbes [de La Paz]: qu'ils ne tentent pas d'imposer leur projet illégal et raciste de Constitution, car ils s'engageraient alors dans une impasse" a poursuivi Ruben Costas devant une foule qui criait "indépendance" et traitait "d'assassin" le président Morales.

Des discours du même calibre ont résonné à Tarija, Beni et Pando. Le gouverneur de Beni, Ernesto Suarez, a assimilé les résultats du vote départemental à la défaite de "l'empire des chèques-Chavez". Une allusion à l'aide du président du Venezuela, Hugo Chavez, à son allié socialiste Evo Morales.

Les gouverneurs de La Paz et de Cochabamba, hostiles au chef de l'Etat, sont apparemment déboulonnés. L'incertitude plane sur le sort de celui d'Oruro, allié à Evo Morales. Ce dernier à la faculté de remplacer les gouverneurs désapprouvés par des mandataires de son choix qui resteront en place jusqu'aux prochaines élections.

Après le référendum révocatoire et toujours sous réserve des résultats officiels définitifs, cinq départements boliviens sur neuf resteront gouvernés par des préfets hostiles au président Morales. Aux quatre de l'est bolivien, il faut ajouter le département central de Chuquisaca, régi par l'indigène quechua Savina Cuellar. Son mandat n'était pas en jeu dimanche, car elle fut élue récemment, le 29 juin dernier. Elle battait alors le candidat d'Evo Morales.

Le référendum que le chef de l'Etat avait convoqué pour mettre fin à la fronde régionaliste grâce au raffermissement de son autorité n'a donc probablement pas atteint son but.

Une consolation toutefois pour le président Morales: le référendum révocatoire à divisé l'opposition. Des gouverneurs de l'est bolivien, en particulier Ruben Costas, critiquent désormais le parti Podemos (centre droit, majoritaire au Sénat) de l'ex-président Jorge Quiroga. Ruben Costas va jusqu'à l'assimiler à "l'extrême droite" pour avoir contribué à la convocation du référendum révocatoire sans évaluer correctement ses conséquences et les risques qu'il faisait courir à des gouverneurs alliés à Podemos.


Dernière heure
67,4% DE OUI À EVO MORALES

LA PAZ, vendredi 15 août 2008 (LatinReporters) - Les résultats du référendum révocatoire diffusés vendredi par la Cour nationale électorale (CNE) de Bolivie après dépouillement de 99,99% des bulletins de vote octroient 2.103.732 oui, soit 67,41% des suffrages, au maintien d'Evo Morales à la présidence du pays. La participation au scrutin a été de 83,33%

Mais les résultats départementaux, complets à 100%, confirment aussi une forte proportion de oui à la poursuite du mandat des quatre principaux adversaires régionaux du président Morales, à savoir les gouverneurs (appelés officiellement préfets) des départements de Santa Cruz (66,43%), Tarija (58,06%), Beni (64,25%) et Pando (56,21%). Evo Morales les a invités à rouvrir le dialogue. Une réunion tenue le 13 août à La Paz a échoué.

Ces quatre départements couvrent la moitié orientale de la Bolivie. Ils détiennent l'essentiel de la production agricole et la quasi totalité des gisements de gaz et de pétrole du pays. En mai et juin derniers, ils ont chacun fait plébisciter leur autonomie régionale, qu'Evo Morales juge illégale et séparatiste.




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