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Le plus grand succès militaire contre la guérilla
Colombie: l'armée abat Raul Reyes, nº2 (ou nº1?) des FARC

BOGOTA, samedi/dimanche 1er et 2 mars 2008 (LatinReporters.com) - Raul Reyes, porte-parole international, membre du secrétariat et nº2 théorique (peut-être de fait le nº1) de la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) a été abattu samedi, ainsi que 16 autres rebelles, par l'aviation colombienne dans un camp des guérilleros au nord de l'Equateur, à proximité de la frontière avec la Colombie. Des complications internationales se dessinent.

Tête la plus visible des FARC et selon certains son leader actuel (car le nº1 supposé, Manuel Marulanda, est invisible du commun des mortels depuis 2002), Raul Reyes, 59 ans, avait signé la plupart des communiqués contenant les exigences posées par les FARC à l'ouverture d'une introuvable négociation dont dépendrait la libération d'Ingrid Betancourt et d'autres otages de la guérilla.

La mort du chef terroriste est une réussite militaire sans précédent, car jamais l'un des sept membres du secrétariat des FARC, commandement collectif suprême, n'avait été tué par l'ennemi. C'est aussi une victoire politique importante pour le président conservateur colombien Alvaro Uribe au moment où il subit de fortes pressions internationales le poussant à négocier avec les guérilleros en acceptant leurs conditions.

Les 3.197 morts ou disparus imputés à feu le général et dictateur chilien Augusto Pinochet ne représentent peut-être même pas le dixième des victimes des massacres dont Raul Reyes était l'un des responsables directs ou indirects. Créées en 1964, les FARC sont considérées officiellement comme organisation terroriste par les 27 pays de l'Union européenne, par les Etats-Unis et par la Colombie.

Le succès politico-militaire d'Alvaro Uribe est nécessairement une défaite de son turbulent voisin, le président Hugo Chavez du Venezuela, qui a clamé ses affinités idéologiques "bolivariennes" avec les FARC. Il réclame la reconnaissance internationale de la guérilla sur la base de la libération récente de six seulement des plus de 700 otages des FARC. La libération au compte-gouttes d'otages remis par les FARC au président Chavez focalise sur lui les médias internationaux, qu'il utilise comme haut-parleurs pour tenter de propager ses idées et sa révolution "bolivarienne" en Amérique latine.

La disparition de Raul Reyes -dont le vrai nom est Luis Edgar Devia Silva- porte un coup sérieux, moral et peut-être aussi opérationnel, à ce commerce politique de la douleur des otages et de leurs proches exercé par le couple FARC-Chavez. Que Reyes ait été frappé en Equateur, pays que préside le socialiste radical Rafael Correa, allié de Hugo Chavez, est un avertissement à ce dernier. Le Venezuela, voisin comme l'Equateur de la Colombie, sert en effet aussi de base arrière aux guérilleros. Au moins deux chefs des FARC, Ivan Marquez et German Briceño Suarez, y ont une résidence localisée par plusieurs témoins.

Confirmant aux journalistes la mort de Raul Reyes, le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos y voit "le coup le plus dur porté aux FARC dans toute leur histoire". Il a expliqué que les guérilleros attaqués samedi se trouvaient en territoire équatorien, mais à seulement 1.800 mètres de la Colombie, et qu'ils ont été frappés par l'aviation [probablement par un ou plusieurs tirs de missiles; ndlr] "à partir du territoire colombien". Le président Alvaro Uribe, a poursuivi le ministre, en a informé son homologue équatorien Rafael Correa.

Une incursion -qui soulève des vagues diplomatiques- de l'armée colombienne en territoire équatorien s'est néanmoins nécessairement produite puisque, toujours selon le ministre Santos, les cadavres de Raul Reyes et d'un idéologue des FARC, Guillermo Enrique Torres (alias Julian Conrado), "sont aux mains des autorités colombiennes" pour éviter que la guérilla ne les récupère. Juan Manuel Santos a en effet reconnu que l'attaque aérienne a été suivie d'une attaque terrestre de soldats héliportés.

Les cadavres de 15 guérilleros ont été laissés sur place. Le soldat colombien Carlos Hernandez Leon a aussi été tué au cours de l'opération.

Raul Reyes a été trahi par son téléphone satellitaire. L'interception d'une communication du chef des FARC a permis sa localisation exacte. Plusieurs observateurs y voient le fruit de l'assistance technologique et militaire des Etats-Unis au gouvernement de Bogota.

Cette assistance pourrait désormais jouer un rôle décisif dans le vieux conflit intérieur colombien. Au cours des derniers mois, des opérations similaires à celle dirigée contre Raul Reyes ont en effet frappé en Colombie de hauts responsables militaires des FARC. La mort violente de Raul Reyes succède ainsi à celle de ses subordonnés Tomas Medina Caracas (alias Negro Acacio, longtemps homme clef du trafic de cocaïne qui finance la guérilla) et Martin Cabellero, deux chefs de fronts régionaux des FARC. D'autres tels que Hely Mejia Mendoza (alias Martin Sombra) et Lucio Gomez Brinez (alias Mañe) ont été capturés ces derniers jours.

RÉACTIONS

- Hugo Chavez met en garde la Colombie contre un "casus belli"
- L'Equateur rappelle son ambassadeur en Colombie


Alvaro Uribe, président de la Colombie:
"Nous avons franchi aujourd'hui un autre pas vers la déroute du terrorisme sanguinaire... Comme président constitutionnel de la nation, j'assume la responsabilité totale des faits".

Hugo Chavez, président du Venezuela:

"Président Uribe, pensez-y bien, qu'il ne vous arrive pas de faire cela ici, de ce côté. Ce serait extrêmement grave. Ce serait un casus belli, une cause de guerre, [en cas d'] une incursion militaire [colombienne] au Venezuela".
(NDLR - Des analystes assimilent cet avertissement à une reconnaissance implicite de la présence tolérée de la guérilla des FARC au Venezuela).

Nicolas Sarkozy, président de la République française:
"La mort d'un haut responsable des FARC, Raul Reyes, à la suite d'opérations militaires apparemment ciblées intervient à un moment crucial où tout devait être mis en oeuvre pour conforter la dynamique positive qui s'était amorcée avec la libération unilatérale de plusieurs otages. Le Président de la République appelle toutes les parties concernées à faire prévaloir les considérations humanitaires, à consolider la dynamique en cours, et à faciliter les efforts conduits pour la libération des otages en Colombie. Le Président de la République renouvelle son appel aux FARC pour qu'elles libèrent sans délai notre compatriote Ingrid Betancourt".

Nicolas Maduro, ministre vénézuélien des Relations extérieures:
La mort de Raul Reyes "porte un coup dur au processus d'accord humanitaire en Colombie".
(Référence à un éventuel accord humanitaire qui permettrait l'échange d'otages des FARC, dont Ingrid Betancourt, contre des guérilleros emprisonnés).

Rafael Correa, président de l'Equateur:
L'attaque visant Raul Reyes est "la pire agression qu'a souffert l'Equateur de la part de la Colombie... Ils [les guérilleros des FARC] ont été massacrés alors qu'ils dormaient, avec utilisation de technologie de pointe pour les localiser de nuit dans la jungle, certainement avec la collaboration de puissances étrangères".
Rafael Correa a indiqué que l'ambassadeur de l'Equateur en Colombie a été rappelé en consultation.

Ministère équatorien des Relations extérieures:
Dans un communiqué, il exige des "excuses formelles" de la Colombie et proteste contre "la flagrante violation du territoire de la République de l'Equateur, qui constitue une transgression des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale que défend le droit international".




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