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Pleins pouvoirs au président
L'Equateur de Rafael Correa : cap sur le socialisme sud-américaniste avec la Constituante

QUITO, mardi 2 octobre 2007 (LatinReporters) - "Socialisme du 21e siècle" et union de l'Amérique du Sud sont les deux grandes aspirations confirmées par Rafael Correa, président de l'Equateur. Il jouit des pleins pouvoirs après l'élection, le 30 septembre, des 130 membres de l'Assemblée constituante, dominée à la majorité absolue par le mouvement présidentiel Alliance Pays.

Comme en 1998 au Venezuela, l'effondrement des partis traditionnels de la gauche sociale-démocrate et de la droite démocrate-chrétienne est confirmé. Elu en novembre 2006 pour un mandat de quatre ans, le président Correa a désormais les moyens légaux de concrétiser des ambitions que l'opposition, très affaiblie, juge autoritaires.

A ce propos, la légalité n'était jusqu'à présent qu'une barrière relative, comme l'illustre la destitution, en mars dernier avec la bénédiction du chef de l'Etat, de 57 députés récalcitrants, remplacés par leurs suppléants sur décision du Tribunal suprême... électoral!

Dès son installation, le 30 octobre à Montecristi (province occidentale de Manabi), l'Assemblée constituante disposera d'un maximum de huit mois pour forger une Constitution de gauche, avec contrôle accru de l'Etat sur l'économie et renforcement probable du pouvoir présidentiel sur le destin des 13,9 millions d'Equatoriens, dont un tiers d'Amérindiens.

Discrédité mais élu légitimement en octobre 2006 sous l'oeil d'observateurs internationaux, l'actuel Congrès (Parlement monocaméral) devra, aux dires de Rafael Correa qui ne le domine pas, être remplacé immédiatement par une "commission législative" désignée par l'Assemblée constituante.

S'exprimant lundi à Quito devant l'Association de la presse étrangère, M. Correa a ajouté que de nouvelles élections générales anticipées, législatives et présidentielle, "pourraient" être convoquées en 2008, après l'approbation par référendum de la future Constitution. D'ici là, la "commission législative" approuvera des "lois clefs" urgentes en matière notamment de fiscalité, ainsi que d'entreprises et de contrats publics.

En clair, pendant au moins un an, Rafael Correa va pouvoir forger sans aucun contrôle parlementaire -conséquence paradoxale d'élections démocratiques- de grands axes de ce "socialisme du 21e siècle" dont il partage la philosophie avec son allié et ami vénézuélien Hugo Chavez. La philosophie, mais non nécessairement les modalités d'application.

"Je ne crois pas aux modèles. Je vais vous surprendre, mais je ne connais pas la Constitution du Venezuela" a affirmé le président Correa. Selon lui, le "socialisme du 21e siècle" met l'accent "plus sur des principes que sur des modèles" et chaque pays "doit prendre ses décisions conformément à ses propres réalités". Là résiderait "la différence par rapport au socialisme classique".

Rejetant "le système néolibéral" qui imprégnerait l'actuelle Constitution de 1998 et voulant "reconstruire la capacité de planification de l'Etat", Rafael Correa n'en facilitera pas moins les investissements étrangers pour favoriser la concurrence, y compris dans le secteur bancaire, prié par le chef de l'Etat de réduire ses taux d'intérêt.

Le président a confirmé sa volonté de renégocier la dette extérieure et les contrats avec les sociétés minières et pétrolières. Avec 540.000 barils quotidiens, l'Equateur est le 5e producteur latino-américain de pétrole.

Mais, a poursuivi le président, la planification, régulation et promotion de l'économie par l'Etat se feront "sans nationaliser les moyens de production". Assurance qu'il faudra concilier avec une autre, selon laquelle les ressources naturelles demeurent, elles, "propriété inaliénable" de l'Equateur.

Qu'y a-t-il de propre au 21e siècle dans ce socialisme? Probablement le sud-américanisme militant, revigoré par le président vénézuélien Hugo Chavez depuis 1999 et plus discrètement, quoique peut-être plus efficacement, par ses homologues brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et argentin Nestor Kirchner, principaux fossoyeurs du projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou ALCA en espagnol) longtemps caressé à Washington par George W. Bush.

"On sent que l'épée de Bolivar ["libertador" historique de l'Amérique du Sud contre la domination espagnole; ndlr] parcourt l'Amérique latine" s'était exclamé Rafael Correa, dimanche soir à Quito, devant une multitude de partisans en liesse après le triomphe à l'élection de l'Assemblée constituante.

"La vocation intégrationniste [sud-américaine] est pleinement partagée par les gouvernements de la région qui s'inscrivent dans le socialisme du 21e siècle" ajoutait lundi le président Correa devant la presse étrangère.

Soulignant que cette ambition "intégrationniste" touche même désormais "des gouvernements d'autres tendances, tels le colombien et le péruvien", Rafael Correa croit qu'existe aujourd'hui "une grande conjoncture favorable à la recherche de la forme définitive d'une intégration des citoyens d'Amérique latine", loin du néolibéralisme "qui voulait nous convertir en grands marchés".

Dans cette perspective, le chef de l'Etat équatorien souhaite, comme d'autres présidents de la région, que l'intégration sud-américaine soit à la fois commerciale, politique, financière et monétaire. Rafael Correa traite de "barbarisme technique" la dollarisation de l'Equateur. Le billet vert nord-américain est l'unique monnaie légale du pays depuis 2000. "C'est insoutenable à moyen et long terme" se lamente le président Correa en admettant son impuissance dans l'immédiat. Selon lui, le salut et l'honneur résideraient à terme dans l'avènement d'une monnaie sud-américaine.




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