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Caricatures de Mahomet et Alliance des civilisations

Couverture controversée de l'hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo paru le 8 février 2006
MADRID / NEW YORK, vendredi 10 février 2006 (LatinReporters.com / Centre de nouvelles ONU) - La flambée de violence postérieure à la publication de caricatures du prophète Mahomet influera sur les travaux du Groupe de haut niveau de l'Alliance des civilisations conçue par le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, et le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.

De multiples manifestations, l'incendie de bâtiments diplomatiques, l'annonce de boycotts économiques et des menaces d'attaques de populations et d'intérêts occidentaux par des groupes palestiniens et islamiques ont agité le monde arabo-musulman après la publication au Danemark de caricatures de Mahomet. Ces caricatures et d'autres ont été publiées ensuite dans plusieurs journaux européens, au nom de la liberté d'expression.

Etabli en juillet dernier par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, le Groupe de haut niveau de l'Alliance des civilisations doit présenter avant la fin de 2006 un plan d'action pour combattre les divisions entre cultures, notamment entre le monde musulman et l'Occident, qui menacent de manière potentielle la paix dans le monde.

Assumée par l'ONU, la proposition d'une Alliance des civilisations avait été lancée le 21 septembre 2004 devant l'Assemblée générale des Nations unies par le socialiste espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, qui en partage aujourd'hui la paternité avec le chef du gouvernement turc.

Co-présidé par l'ancien directeur général de l'UNESCO, l'Espagnol Federico Mayor Zaragoza, et un ministre d'Etat et professeur de théologie turc, Mehmet Aydin, le Groupe de haut niveau -ou Comité des sages de l'Alliance- formulera des recommandations concrètes à l'intention non seulement des décideurs politiques et des leaders religieux, mais aussi des Nations unies et de la société civile.

Parmi les 19 "sages" figurent l'ancien président iranien Mohammad Khatami, l'ancien ministre des Affaires étrangères français Hubert Védrine, le conseiller spécial du roi Mohammed VI du Maroc André Azoulay et l'historienne britannique spécialiste des religions Karne Amstrong.

« Nous travaillons actuellement sur quatre grandes questions : engagement de la jeunesse, l'impact des médias et comment les médias pourraient avoir un impact plus constructif, l'intégration des immigrés et la réforme de l'éducation », a indiqué jeudi à New York l'Américain Shamil Idriss, directeur adjoint du Bureau de l'Alliance des civilisations.

« Il nous faut arriver au stade où les différentes sociétés possèdent un certain degré de compréhension des inquiétudes et des injustices et même des sensibilités des autres sociétés dans le monde... Ce degré de responsabilité et de complexité fait aujourd'hui très peur. Comment savoir tout ce qui pourrait provoquer de la violence chez les autres? Cela paraît être insurmontable, mais il nous faut pourtant y arriver. Il nous faut trouver les chemins qui nous permettront d'apprendre dès le plus jeune âge les différentes perspectives mondiales » estime Shamil Idriss.

« Ce que je trouve très compliqué dans cette affaire [des caricatures de Mahomet], c'est d'essayer d'expliquer aux gens les perceptions des différentes communautés. D'un côté il y a la liberté de la presse. Mais il y a aussi la responsabilité qui va avec. En tout cas, rien ne peut justifier la violence, qui n'est pas la solution », souligne-t-il.

« Avant même de commencer à penser comment régler ce problème, il faut aider les gens à comprendre d'où vient cette réaction viscérale. Quel impact peuvent avoir ces caricatures sur certaines populations. Après seulement, on peut se demander comment répondre à ce problème. C'est donc d'abord un problème d'éducation », poursuit Shamil Idriss.

« Qu'est-ce qui aurait pu être fait au cours des trois mois qui se sont écoulés entre la [première] publication [de caricatures de Mahomet dans un journal danois] et le début des violences? Qu'est-ce qui aurait pu être fait différemment au niveau politique, au niveau religieux et au niveau de la société civile pour prévenir ces violences? Qu'est-ce qui aurait pu être fait avant même la publication de ces dessins? » ... Autant de questions auxquelles Shamil Idriss souhaiterait que l'on puisse répondre.
 
Kofi Annan, Union européenne et Conférence islamique

« Nous sommes profondément alarmés par les répercussions de la publication au Danemark, il y a de cela plusieurs mois, de caricatures insultantes du prophète Mahomet et de leur publication subséquente par plusieurs autres journaux européens, ainsi que par les actes de violence qui sont intervenus en réaction », affirmaient, mardi, M. Kofi Annan, l'Union Européenne et l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) dans une déclaration conjointe.

« Nous soutenons pleinement le droit à la liberté d'expression. Mais nous comprenons les profondes blessures et l'indignation profonde ressentie dans le monde musulman », poursuivaient les trois signataires, estimant que  « la liberté de la presse comporte une responsabilité et exige une appréciation et devrait respecter les croyances et les piliers de toutes les religions ».

« Mais nous croyons aussi que les récents actes de violence dépassent les limites des protestations pacifiques. En particulier, nous condamnons fermement les déplorables attaques dirigées contre les missions diplomatiques intervenues à Damas, à Beyrouth et ailleurs. Les attaques contre les personnes et contre les biens ne peuvent qu'endommager l'image d'un Islam pacifique. Nous appelons les autorités de tous les pays à protéger tous les locaux diplomatiques et les citoyens étrangers contre de telles attaques arbitraires », poursuivait la déclaration.

« Ces événements rendent d'autant plus urgente une reprise du dialogue entre communautés de différentes confessions et autorités de différents pays », concluait le message.



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