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Madrid sur le point de dialoguer avec les séparatistes basques
L'ETA presse la France de négocier (comme l'Espagne), sous peine de "poursuite du conflit"

Responsables clandestins de l'ETA
Archives LatinReporters.com
par Christian Galloy
Analyste politique
Directeur de LatinReporters.com


MADRID, mercredi 14 juin 2006 (LatinReporters.com) - La théorie des dominos se vérifie au Pays basque. Après avoir obtenu de l'Espagne socialiste l'ouverture imminente de négociations, les séparatistes armés de l'ETA exercent désormais leur pression sur la France, priée mercredi dans un communiqué de négocier elle aussi la solution du problème basque, sous peine de "poursuite du conflit".


Diffusé de Bayonne (France) par la radio basque Gure Irratia, le communiqué de l'ETA appelle les "citoyens de l'Etat français à ne pas collaborer au processus de colonisation territoriale de l'Euskal Herria" [la patrie basque]. Dans l'optique nationaliste, l'Euskal Herria comprend le Pays basque espagnol, la Navarre et le Pays basque français.

"Tant que la France ne reconnaîtra pas l'Euskal Herria, la lutte pour nos droits et le conflit se poursuivront" affirme l'ETA.

Les séparatistes indiquent que leur cessez-le-feu qui a débuté le 24 mars est toujours en vigueur et qu'ils ont la volonté "de mener jusqu'au bout le processus [de paix] ouvert [avec l'Espagne]". Les autorités françaises, ajoute l'ETA, ne peuvent pas être "des spectateurs passifs", car elles sont "parties au conflit et tôt ou tard, elles devront prendre part directement à sa solution".

L'ETA accuse le gouvernement de Paris "d'avoir caché pendant des années et de continuer à le faire actuellement" le conflit entre l'Euskal Herria et l'Etat français. Selon les indépendantistes, "les autorités françaises imposent la censure et le silence afin que le conflit ne soit ni connu ni résolu".

Les "citoyens de l'Etat français" sont invités par l'ETA à montrer "une attitude favorable aux droits et à la reconnaissance de l'Euskal Herria, en prenant position contre la politique d'imposition exercée par les autorités de la France", accusées "d'attitudes répressives" et de "porter atteinte aux droits de l'Euskal Herria et des citoyens basques".

Exprimant sa "disposition maximale à ouvrir un processus de dialogue" avec la France, l'ETA lui conseille de "ne pas perdre cette opportunité".

Les observateurs notent que l'ETA désigne depuis longtemps la France comme partie au conflit basque, mais ce pays n'a été que rarement le destinataire direct, comme ce mercredi, d'un communiqué des séparatistes.

Tant cette particularité que la teneur du communiqué confirment que l'ETA entend faire porter sur des aspects nettement politiques -"territorialité" et autodétermination- les négociations qui vont s'ouvrir avec l'Espagne socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero et auxquelles la France est donc priée de se joindre d'une façon ou d'une autre.

L'ETA apporte ainsi de l'eau au moulin de la droite espagnole. Le Parti populaire (PP, opposition de droite) est convaincu que, contrairement à sa promesse et au mandat que lui a donné le Parlement, M. Zapatero va négocier politiquement avec l'ETA et non se limiter à débattre de l'adieu aux armes et du sort des prisonniers séparatistes. Le quart des quelque 700 "etarras" incarcérés le sont en France.

Le PP épaulait samedi dernier à Madrid la manifestation de 240.000 Espagnols réunis par l'Association des victimes du terrorisme pour s'opposer au dialogue avec l'ETA.

Sous divers noms -notamment Batasuna, parti actuellement interdit- les sympathisants de l'ETA ont séduit entre 10% et 19% de l'électorat basque lors des diverses élections convoquées en Espagne depuis la fin de la dictature franquiste.

En chiffres absolus, les électeurs pro-ETA n'ont jamais été plus de deux cent trente mille. Leur nombre record est de 228.147 aux municipales basques de juin 1999. Mais les revendications des séparatistes armés portent atteinte aux intérêts de plus de cent millions de citoyens espagnols et français.




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