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Le Kosovo, "exemple" à suivre dit le gouvernement basque
Espagne-élections: l'indépendance du Kosovo n'aide pas Zapatero

L'indépendance du Kosovo monopolise la une du journal nationaliste catalan Avui. Il titre "Naissance du 14e Etat européen depuis 1990".
par Christian Galloy, directeur de LatinReporters

MADRID, lundi 18 février 2008
(LatinReporters.com) - A vingt jours des élections législatives espagnoles du 9 mars 2008, la proclamation unilatérale de l'indépendance du Kosovo, applaudie en Espagne par les nationalistes basques, catalans et galiciens, n'aide pas le président du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero. Les socialistes, qui tentent de faire oublier leurs vaines négociations avec les indépendantistes basques de l'ETA, sont talonnés dans les sondages par les conservateurs du Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy.


Craignant en principe -comme Chypre, la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et, hors de l'Union européenne (UE), la Russie- que la naissance du Kosovo n'encourage les séparatismes, l'Espagne est l'unique grand pays de l'UE à ne pas saluer le nouvel Etat. "Nous ne sommes pas partisans de la déclaration unilatérale... L'Espagne ne reconnaîtra pas l'indépendance" déclarait le 16 février à Madrid la porte-parole et vice-présidente du gouvernement socialiste, Maria Teresa Fernandez de la Vega.

Le ministre espagnol des Relations extérieures, Miguel Angel Moratinos, a confirmé le 18 février à Bruxelles que l'Espagne n'avalisera pas la "déclaration unilatérale", car "nous considérons qu'elle ne respecte pas la légalité internationale" en l'absence d'un accord entre les parties [Serbie et Kosovo; ndlr] ou d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

Depuis plusieurs semaines, le gouvernement de M. Zapatero se croisait les doigts pour que le grand saut décidé dimanche à Pristina ne soit pas antérieur aux législatives espagnoles du 9 mars. Madrid craignait l'impact sur la campagne électorale d'une déclaration d'indépendance, certes venue des Balkans, mais rappelant trop, et risquant en plus de leur donner des ailes, les nationalismes problématiques de la périphérie de l'Espagne.

Cette crainte s'est vérifiée. Dans une déclaration institutionnelle, le gouvernement régional basque que domine le PNV (Parti nationaliste basque; hostile à la violence) voit en l'indépendance du Kosovo "un nouvel exemple de la vigueur du droit démocratique à la libre détermination établi dans la législation internationale, démentant une fois de plus ceux qui soutiennent que ce droit n'existe dans aucun pays démocratique".

Il s'agit, insiste le gouvernement basque, "d'une nouvelle démonstration de l'utilité de ce principe pour canaliser de façon pacifique et démocratique des conflits d'identité et d'appartenance dans des sociétés modernes et avancées, du Québec au Montenegro en passant par l'Irlande".

Des élus basques en profitent pour confirmer que sera organisée la consultation populaire souverainiste -un référendum illégal, selon Madrid- annoncée pour le 25 octobre 2008 par le président basque Juan José Ibarretxe. Et un poids lourd du PNV, Joseba Egibar, président de ce parti dans la remuante province du Guipuzcoa, met l'Espagne en garde contre le risque de se convertir en "prison de nations".

Dans la mouvance des indépendantistes basques armés de l'ETA, considérés comme terroristes par l'Union européenne, le journal radical Gara écrit que "le cas du Kosovo -comme celui de l'Ecosse, du Québec ou de l'Irlande et il y a moins de deux décennies des républiques baltes et d'autres- marque une tendance. Une tendance qui a pour expression en Euskal Herria [appellation d'un Pays basque qui serait élargi à la Navarre et au Pays basque français; ndlr] l'avance imparable de la demande d'autodétermination, de souveraineté, du droit à décider".

En Catalogne, les indépendantistes de la Gauche républicaine catalane (ERC), les nationalistes de centre droit de la coalition Convergence et Union (CyU), les écolos-communistes d'ICV et même l'aile catalane des socialistes de M. Zapatero, soit la quasi totalité de l'éventail politique régional, envisagent de présenter conjointement une résolution appuyant ouvertement l'indépendance du Kosovo.

"Au delà de la position diplomatique et des craintes politiques de l'Etat espagnol, l'indépendance du Kosovo est positive pour tous ceux qui croient au droit des nations à décider de leur destin" écrit l'éditorialiste du quotidien nationaliste catalan Avui.

Même son de cloche en Galice où, comme en Catalogne, les socialistes exercent le pouvoir régional en coalition avec les indépendantistes. "Tout processus d'autodétermination est légitime dans une quelconque partie de l'Europe" soutient Francisco Rodriguez, porte-parole du Bloc national galicien (BNG), allié local de M. Zapatero.

La grande presse nationale espagnole, toutes tendances confondues, et l'opposition conservatrice conduite par Mariano Rajoy se prononcent, comme le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, contre l'indépendance proclamée unilatéralement par le Kosovo. L'influent quotidien pro-socialiste El Pais va même jusqu'à redouter, sous la plume de son analyste Andres Ortega, que "le Kosovo, où règnent les mafias, ne dégénère en un trou noir au sein de l'Europe, avec l'ingrédient supplémentaire de mouvements islamistes radicaux".

Contacts trop intimes avec l'ETA

Si, à propos du Kosovo, l'attitude négative de Mariano Rajoy et de son Parti populaire relève logiquement de l'unitarisme de la droite espagnole, la distance affichée par M. Zapatero à l'égard du nouvel Etat kosovar ne peut pas, elle, s'inscrire dans la même cohérence aux yeux des électeurs.

Au cours de la législature finissante, les Espagnols ont entendu José Luis Rodriguez Zapatero relativiser les Etats et les frontières. "Le concept de nation est discuté et discutable" disait-il au moment d'élargir la déjà large autonomie de la Catalogne, lui offrant un nouveau statut régional dont le préambule caresse le mot "nation". En échange, à Madrid, les élus catalans aux Cortes ont longtemps conforté la majorité seulement relative du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) gouvernemental.

Avec les Basques, c'est la promesse du "respect de la décision des citoyens sur leur futur", sans s'arrêter, selon le journal indépendantiste Gara, aux "limites de la Constitution espagnole et de la légalité" invoquées ensuite, qui aurait permis à M. Zapatero de lancer le processus dit de paix associé au "cessez-le-feu permanent" annoncé par l'ETA le 22 mars 2006.

Ce processus de paix était l'un des piliers de la législature. Mais il a échoué et les attentats ont repris après une longue trêve. Les socialistes redoutent le coût électoral de cet échec, d'autant plus qu'à droite les conservateurs du PP et même l'Eglise reprochent à M. Zapatero moins d'avoir négocié comme d'autres avec des terroristes que de l'avoir fait sur la base de l'agenda politique de l'ETA, qui réclame la reconnaissance du droit à l'autodétermination et l'annexion de la Navarre au Pays basque. Cette critique fondamentale et les contradictions officielles sur la durée et la substance des pourparlers avec l'ETA ont marqué l'opinion.

Dans ces conditions, en pleine campagne électorale, alors que les sondages n'accordent qu'un avantage de 1,5 à 4 points aux socialistes sur le PP, la proclamation de l'indépendance du Kosovo rappelle crûment aux électeurs les flirts anciens et actuels de M. Zapatero avec les nationalismes locaux. Depuis l'annonce de cette indépendance, les contacts trop intimes des socialistes avec l'ETA sont redevenus les boulets rouges des canons de la droite, malgré les nombreuses arrestations de sympathisants et de pistoleros de l'organisation séparatiste.




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