Élections en Espagne: gauche versus droite
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Espagne - Le Congrès des députés. (Photo Pool Moncloa / Fernando Calvo)

par Pilar VALERO

Madrid, 21 mars 2019 (LatinReporters.com) - "Gauche versus droite" décrit l'atmosphère d'une Espagne, plus polarisée que jamais depuis la mort de Franco, appelée à voter aux élections législatives du 28 avril.

Le rejet par le Congrès des députés, le 13 février, du budget 2019 présenté par le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez a justifié la convocation de ces élections anticipées. Refusant de reconnaître le droit de la Catalogne à l'autodétermination, Sánchez avait perdu le soutien décisif des députés catalans indépendantistes.

Les deux Espagnes, représentées principalement par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de Sánchez et le Parti populaire (PP, conservateur) de Pablo Casado, s'affrontent dans une campagne acerbe dans laquelle les politiciens font appel aux sentiments plutôt qu'à la raison ou aux programmes.

Une stratégie électorale à la recherche d'un vote émotionnel semble s'imposer sur la base de messages très simples, d'exagérations et même d'insultes ou d'affirmations mensongères qui, réfutées par certains médias, sont pourtant maintenues et continuent à circuler dans les influents réseaux sociaux.

Irruption de l'extrême droite

C'est une campagne de nerfs qui s'est emparée des sièges des partis, troublant la population, d'autant que les sondages dressent un panorama incertain qui confirme que la mort du bipartisme traditionnel PSOE-PP débouchera sur une grande fragmentation du Parlement.

La grande nouveauté est la forte irruption probable au niveau national du parti d'extrême droite Vox, fondé en 2013 par d'ex-militants du PP nostalgiques du franquisme. Ce parti diffuse un message xénophobe et homophobe, propose l'abrogation de la loi sur la violence sexiste, la vente libre d'armes à feu et même l'interdiction de partis politiques sur la base de leur idéologie.

Les dirigeants de Vox se déclarent admirateurs du président des États-Unis, Donald Trump, et de son homologue brésilien, Jair Bolsonaro, dont ils partagent le discours populiste ultranationaliste et la théorie de l'obsolescence du système politique actuel.

Le socialiste Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol, à Madrid le 19 mars 2019. (Photo Pool Moncloa / Fernando Calvo)
Bien que les sondages placent en tête le Parti socialiste, suivi du Parti populaire, ils s'accordent à souligner que ces deux forces auraient besoin d'alliances pour former un gouvernement et là réside la grande bataille qui décidera du destin politique de l'Espagne dans les années à venir.

Sánchez conduit depuis juin 2018 un gouvernement minoritaire fragile après avoir évincé de la présidence de l'exécutif, par une motion de censure, le conservateur Mariano Rajoy, acculé par la sentence d'un tribunal certifiant que son Parti populaire bénéficia, via des contrats publics, de commissions millionnaires illégales dissimulées dans une comptabilité parallèle.

Pour accéder à la présidence du gouvernement, avec seulement 84 des 350 sièges du Congrès des députés, Sánchez nécessita les voix de la gauche radicale de Podemos, des séparatistes catalans et des nationalistes basques, des soutiens qui pourraient être à nouveau cruciaux pour demeurer au Palais de la Moncloa.

Ce sont précisément ces soutiens et l'ouverture d'un dialogue avec les partis indépendantistes catalans qui constituent l'attaque électorale la plus récurrente de l'opposition de droite contre Sánchez, l'accusant d'être un allié de ceux qui déclarent vouloir "briser l'Espagne".

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Face à ces critiques qui prennent corps aux yeux d'une grande partie de la population, Sánchez affirme qu'avec un gouvernement de son PSOE "jamais ne se concrétisera l'indépendance de la Catalogne", mais qu'il maintiendra son offre de dialogue dans le cadre de la Constitution afin d'améliorer la coexistence.

La campagne électorale coïncide avec le procès de douze leaders politiques catalans impliqués dans l'organisation du référendum indépendantiste illégal du 1er octobre 2017, pour lequel ils sont accusés des délits graves de rébellion, sédition et malversation de fonds publics.

Les conservateurs de plus en plus radicaux de Pablo Casado semblent s'incliner pour un futur pacte de gouvernement avec les libéraux de Ciudadanos et l'extrême droite de Vox, généralisant ainsi l’alliance qu’ils forgèrent à trois pour prendre le contrôle du gouvernement régional de l’Andalousie en décembre dernier.

Le bloc progressiste met en garde contre l'éventualité d'un tel gouvernement "Francostein", répliquant ainsi à ce que les conservateurs appellent le gouvernement "Frankenstein" du socialiste Sánchez en raison du soutien qu'il reçut des séparatistes catalans, nationalistes basques et populistes de gauche.

Un mois après les élections législatives, retour aux urnes

Face à la difficulté prévisible de former des majorités et de fuir l'extrémisme, certains analystes parient sur un pacte gouvernemental entre socialistes et libéraux (PSOE et Ciudadanos), rejeté toutefois par le dirigeant libéral Albert Rivera, furieux contre le socialiste Sánchez pour son dialogue avec les indépendantistes. En outre, comme le PP, Rivera rejette de dresser un "cordon sanitaire" autour de Vox.

Le 26 mai, un mois après les législatives, les Espagnols voteront de nouveau aux élections municipales, régionales et européennes, complétant ainsi la nouvelle carte politique de l'Espagne.

Et en marge des luttes partisanes enflammées, le puissant mouvement féministe transversal, qui surprit à nouveau en Espagne le 8 mars dernier par l'ampleur de ses manifestations pour l'égalité des droits, est un net avertissement que le vote des femmes peut se révéler décisif dans ce marathon électoral agité.

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