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La Navarre, cactus du scrutin régional
Espagne - élections : la droite bat les socialistes de Zapatero aux municipales à dix mois des législatives de 2008

Euphorie au soir du 27 mai 2007 au siège du Parti populaire (PP, droite). Le président du PP, Mariano Rajoy (centre), est entouré d'Esperanza Aguirre, réélue présidente de la Communauté (région) de Madrid, et d'Alberto Ruiz-Gallardon, qui reste maire de la capitale avec le score historique de 55,54% des voix. Photo www.pp.es
par Christian Galloy

MADRID, lundi 28 mai 2007 (LatinReporters.com) - Trois ans à peine après la victoire des socialistes de José Luis Rodriguez Zapatero aux élections législatives de 2004, le Parti populaire (PP, droite) est redevenu aux élections municipales du 27 mai le premier parti d'Espagne en nombre de voix. Cette réalité concrète, au-delà du pouvoir local réel qui dépendra souvent d'alliances, est un facteur psychologique national essentiel. Le PP apparaît en effet à nouveau comme une alternative de pouvoir, malgré sa diabolisation par la gauche gouvernementale et par les importants médias pro-socialistes du groupe Prisa (quotidien El Pais, radio Cadena Ser, etc.). Par ailleurs, le scrutin régional partiel parallèle (dans 13 des 17 communautés autonomes) fait rebondir en Navarre le problème basque.


A dix mois des législatives de mars 2008, les socialistes et la droite avaient transformé les municipales en primaires. M. Zapatero et le président du PP, Mariano Rajoy, furent les vedettes absolues de la campagne électorale. Les élections locales constituent un baromètre grandeur nature d'autant plus significatif en Espagne que depuis 1983 le vainqueur en voix aux municipales a toujours remporté dans la foulée les législatives.

Le gagnant des municipales sera celui obtenant le plus de suffrages avaient annoncé avant les élections tant le président du gouvernement, M. Zapatero, que d'autres personnalités de son Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Ils se prétendent néanmoins victorieux, alors que le PP (7.914.084 voix - 35,6% du total) surpasse d'exactement 155.991 voix le score du PSOE (7.758.093 - 34,9%). Une baisse de la participation (63,78% contre 67,68% en 2003) a favorisé la droite.

Il y a quatre ans, le PSOE n'avait devancé le PP que de 123.417 voix avant de l'emporter aux législatives du 14 mars 2004, dénaturées il est vrai par les attentats islamistes de Madrid (191 morts, 1.824 blessés) perpétrés trois jours plus tôt.

Les socialistes font notamment valoir leur nombre global de conseillers municipaux légèrement supérieur. Le PP l'emporte toutefois en nombre de mairies conquises d'emblée à la majorité absolue, 2.879 contre 2.329 aux socialistes. La droite est en outre en tête dans la majorité des 52 capitales provinciales.

Madrid, joyau de la couronne, confirme son statut de citadelle conservatrice. Le candidat du PP, Alberto Ruiz-Gallardon, y est réélu maire sur le score historique de 55,54%. Le candidat socialiste, Miguel Sebastian, désigné personnellement par M. Zapatero, dont il fut le conseiller économique, se traîne à 30,88%. Un score quasi historique aussi, car jamais le PSOE n'avait subi pareille débâcle dans la capitale, si l'on excepte ses 27,84% de 1995.

C'est la cinquième fois consécutive que la droite décroche la majorité absolue à la mairie de Madrid et la quatrième fois au Parlement régional, la liste de la présidente de la région, Esperanza Aguirre, étant reconduite elle aussi avec un imposant 53,3%.

D'autres places fortes municipales et régionales du PP -Valence, Murcie, la Rioja, Castilla y Leon, Grenade, Malaga, Valladolid, etc.- sont conservées à la majorité absolue. Et Marbella, paradis de la jet-set et de scandales immobiliers dénoncés par les socialistes pourtant eux-mêmes éclaboussés, est entièrement confiée au PP par les électeurs.

Dimanche soir à Madrid, une marée de sympathisants acclamait le président du PP, Mariano Rajoy, entouré d'Esperanza Aguirre et d'Alberto Ruiz-Gallardon. Tous trois, euphoriques, saluaient la foule du haut du balcon du siège du parti. Mariano Rajoy lançait alors son premier discours de candidat à la présidence du gouvernement, se référant explicitement aux prochaines législatives. Il invitait les Espagnols à adhérer au "projet de centre modéré" du PP redevenu, insistait-il, "le premier parti d'Espagne".

José Luis Rodriguez Zapatero s'est limité à noter ironiquement, au lendemain du scrutin, que l'une des vertus de la démocratie est que tout le monde semble content. Les notables du PSOE revendiquent en effet la victoire qu'ils dénient au PP malgré son nombre supérieur de voix. Ce paramètre est probablement le seul ayant valeur de sondage national en vue des législatives, mais les socialistes ont raison de souligner que les élections du 27 mai leur permettront d'élargir leur influence municipale et régionale grâce à des alliances, notamment avec les écolos-communistes d'Izquierda Unida (Gauche unie). Le PP, lui, manque d'alliés. La droite n'accédera au pouvoir que là où elle dispose de la majorité absolue.

Les Baléares risquent ainsi d'échapper au contrôle du parti de Mariano Rajoy, le PP perdant dans l'archipel sa majorité absolue, quoiqu'il y demeure, et de loin, le premier parti en nombre de voix.

Ce scénario se répète en Navarre. L'Union du Peuple Navarrais (UPN), marque locale du PP, domine à nouveau largement les autres formations, mais elle perd sa majorité absolue au parlement régional sous la poussée de la coalition Nafarroa Bai. Cette dernière prône, comme les nationalistes basques dits modérés et leurs cousins terroristes de l'ETA, le rattachement de la Navarre au Pays basque dans l'optique d'une indépendance globale visant à inclure aussi un jour le Pays basque français. (Les Basques appellent cet ensemble l'Euskal Herria).

Les socialistes de M. Zapatero font grand cas des résultats en Navarre pour contester globalement la victoire du PP aux élections du 27 mai. Mais, pour que la droite perde effectivement le contrôle de cette région, il faudrait que les socialistes forment une coalition de parlementaires locaux avec Nafarroa Bai. Coalition qui devrait aussi inclure l'Action nationaliste basque (ANV), directement liée à ETA-Batasuna, pour ravir à la droite Pampelune, la capitale Navarraise.

Dans ce contexte, les socialistes sont en réalité plus exposés au danger que le PP. Le rebondissement de la problématique basque en Navarre est en effet directement lié aux ouvertures faites depuis plus d'un an à la galaxie nationaliste par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero dans l'espoir de mener à bien avec l'ETA un processus dit de paix théoriquement suspendu depuis l'attentat du 30 décembre 2006 contre l'aéroport de Madrid. C'est probablement la poursuite discrète de ce processus qui explique le retour, sous les habits de l'ANV, de Batasuna (vitrine politique de l'ETA) dans une quarantaine de mairies à la faveur des élections de dimanche. En 2003, Batasuna et autres complices de l'ETA n'avaient pas eu le droit de briguer les suffrages.

Toute coalition, en Navarre, des socialistes avec les nationalistes et/ou indépendantistes d'obédience basque permettra au PP de Mariano Rajoy d'y voir la preuve de concessions secrètes de M. Zapatero à l'ETA. La droite clamerait alors plus fort encore qu'elle refuse la négociation avec les terroristes d'une paix honteuse mettant en péril l'unité nationale.

A dix mois des législatives, pareil discours déstabiliserait davantage José Luis Rodriguez Zapatero, dont l'ambiguë et contestée politique territoriale explique au moins en partie le renouveau du PP aux élections municipales.




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