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Espagne : le torero José Tomas, nouveau mythe de la corrida

MADRID, samedi 7 juin 2008 (LatinReporters.com) - Moribonde, la corrida? Divertissement nauséabond pour vieux franquistes en voie de disparition? Des gourous de journaux autoproclamés de référence l'ont parfois prétendu. José Tomas leur fait soutenir aujourd'hui le contraire. Ce torero madrilène de bientôt 33 ans, l'âge ultime du Christ, est en Espagne le nouveau messie des arènes.

Grâce ou plutôt à cause de lui, c'est à la culture et même à l'art, mais non à une violence atavique, que les Espagnols continueront de lier la tauromachie.

Télévisions, radios, sites Internet et quotidiens, tous les médias espagnols vénéraient le 6 juin José Tomas, Dieu réincarné de l'épée et de la muleta, au lendemain de sa réapparition à Madrid sur le sable des arènes de Las Ventas, les plus grandioses de la planète.

Sous les "olé! olé!" et "torero! torero!" du roi Juan Carlos, de l'infante Elena, de politiciens, d'artistes, d'hommes d'affaires, de journalistes et au total de 24.000 aficionados, dont certains payèrent leur place 3.000 (bien 3.000!) euros au marché noir, José Tomas eut droit, honneur suprême, à couper les quatre oreilles de ses deux taureaux occis à l'épée. Il les a brandies sanglantes en signe de triomphe avant de sortir par la grande porte, autre honneur rare, sur les épaules de la foule enthousiaste.

Voilà 40 ans, notent les spécialistes, qu'un torero n'avait pas mérité à Madrid quatre oreilles en une seule après-midi. Mais comment José Tomas soulève-t-il pareille euphorie?

En tendant l'oreille (de préférence non coupée) aux bavards professionnels appelés tertulianos qui remplissent les heures creuses de l'audio-visuel espagnol, on arrive à retenir au moins deux qualités essentielles supposées de l'idole des arènes: il torée au plus près, signe de courage, et affiche un visage impassible, presque triste, qui confère à la corrida une solennité inhabituelle, accentuée à chaque charge du taureau contre la muleta par une fine et lente esquive du corps, style Noureev dans le Lac des cygnes.

En somme, comparés à la noble retenue du nouveau mythe des arènes, les sauts de grenouille d'El Cordobes, grande célébrité tauromachique des années 1960, ont soudain l'allure de grossièretés primitives.

"Apothéose de José Tomas" titrait sur toute la largeur de sa une le quotidien madrilène La Razon. Quasi tous ses confrères ont souligné avec la même ampleur le triomphe du torero. "Il est désormais légendaire. José Tomas a coupé quatre oreilles à Las Ventas lors d'une après-midi historique" indiquait ainsi El Pais sous la photo de l'estocade d'un premier taureau, dont le sang macule l'habit de lumière de José qui vient de lui enfoncer jusqu'au pommeau l'épée sous l'échine.

Cette photo barbare qu'aurait appréciée Hemingway est entourée d'infos planétaires: Barack Obama, premier candidat noir à la présidence des Etats-Unis et durcissement décomplexé de l'Union européenne envers les immigrés. Qu'une corrida de José Tomas côtoie à la une de tels événements est d'autant plus significatif que le pro-socialiste El Pais est la bible présumée de la tout aussi présumée intelligentsia espagnole.

Autant ne pas résister à traduire l'amorce de première page d'El Pais: "Un génie appelé José Tomas a brodé la tauromachie et l'a élevée aux plus hauts sommets de la beauté. Madrid a vécu l'une des plus grandes après-midi d'apothéose des dernières décennies. Son tour de l'arène avec les deux oreilles de son second taureau est inénarrable. Tomas souriait, toujours si apparemment triste. La place criait en choeur 'torero, torero, torero'. Cela doit être la gloire. [...] Il a saisi le public avec la conception la plus pure de la tauromachie. Une oeuvre d'art total".

Suivent pas moins de quatre articles en pages culture d'El Pais. Pas moribonde donc la corrida. Dommage? Dites-le à Zapatero, le chef du gouvernement (formulaire de contact). Il ne pipe mot afin qu'on ne torée pas sa popularité, mais l'amphithéâtre de Las Ventas n'est pas son sanctuaire culturel.




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