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Elu député, l'ex-dictateur Rios Montt jouira de l'immunité
Guatemala - présidentielle : second tour Colom-Pérez, Rigoberta Menchu humiliée

CIUDAD DE GUATEMALA, mardi 11 septembre 2007 (LatinReporters.com) - En tête du premier tour de l'élection présidentielle du 9 septembre au Guatemala après dépouillement de 99,13% des bulletins de vote, le social-démocrate Alvaro Colom (28,26%) et l'ancien général Otto Pérez Molina (droite - 23,55%) s'affronteront le 4 novembre lors d'un second tour théoriquement plus favorable à la droite. La candidate amérindienne et prix Nobel Rigoberta Menchu est éliminée et humiliée.

Prix Nobel de la Paix 1992 "en reconnaissance de son travail pour la justice sociale et la réconciliation ethno-culturelle fondées sur le respect pour les droits des peuples autochtones", Rigoberta Menchu était à la fois première femme et premier membre de l'importante communauté autochtone maya à se présenter à la présidence du Guatemala. Elle était la candidate du parti de centre gauche Rencontre pour le Guatemala (EG, Encuentro por Guatemala).

Septième des 14 candidats du premier tour, Rigoberta Menchu n'a réuni que 3,09% des suffrages. Pourtant, parmi les quasi 13 millions de Guatémaltèques, dont 5.990.029 étaient appelés aux urnes, la proportion de population amérindienne est de 42 à 56% selon diverses estimations.

En outre, même dans le département de Quiché (Rigoberta Menchu est une Quiché, la principale des 21 ethnies mayas du Guatemala), le score de la célèbre indigène surprend par son inconsistance. Elle y plafonne à... 2,87% (bien 2,87)!

Pour comble, et là réside l'humiliation, l'un des vainqueurs du scrutin tant présidentiel que législatif et municipal dans ce département de Quiché est le Front Républicain Guatémaltèque (FRG) de l'ex-général putschiste et dictateur José Efrain Rios Montt.

Accusé de crimes contre l'humanité frappant surtout les Mayas lors de la longue guerre civile (1960-1996) contre des guérillas d'extrême gauche, Rios Montt est actuellement poursuivi en justice pour génocide par Rigoberta Menchu, via la compétence universelle que s'attribue en la matière la justice espagnole. Mais, dimanche, Rios Montt et sa fille Zury Rios ont été élus députés. L'ex-dictateur jouira de l'immunité parlementaire au cours des quatre prochaines années. Son FRG contrôlera près de la moitié des mairies du département de Quiché, où furent commises pendant le conflit les deux tiers des violations de droits humains recensées.

L'impact électoral très réduit de Rigoberta Menchu sur ses compatriotes, à l'opposé de sa grande audience parmi les indigénistes onusiens et européens, s'explique par de multiples facteurs que soulignaient divers sociologues latino-américains dès avant le premier tour: faible appui financier interne conjugué à l'interdiction légale d'un appui électoral international; propositions politiques modérées de centre gauche offrant un "Etat multiethnique" trop flou pour mobiliser en masse les autochtones; style de communication peu performant; tabous racistes des blancs et métis; machisme ancestral des Amérindiens; désunion entre les 21 ethnies mayas du Guatemala; insuffisance de relais et appuis sociaux, en particulier syndicaux.

Alliances pour affronter le second tour

Pour les deux rescapés du premier tour de la présidentielle, le social-démocrate Alvaro Colom et le général à la retraite Otto Pérez Molina, l'heure est à la recherche d'alliances avant leur duel du 4 novembre.

Quoique devancé au premier tour, Pérez Molina, candidat du Parti Patriote (PP), affiche un optimisme fondé sur la prédominance de la droite, tous partis confondus. Les deux derniers sondages publiés avant le premier tour le donnaient vainqueur au second. Il est vrai que les quatre formations se réclamant de diverses gauches, dont l'Union Nationale de l'Espoir (UNE) d'Alvaro Colom et Rencontre pour le Guatemala de Rigoberta Menchu, n'ont rassemblé le 9 septembre que 34% des suffrages à la présidentielle et 33% au scrutin législatif.

Aussi Alvaro Colom tentera-t-il surtout de nouer des alliances sur le terrain, avec des maires, des députés locaux et des militants actifs de la société civile, espérant court-circuiter les mots d'ordre que les partis conservateurs pourraient lancer en faveur d'Otto Pérez Molina.

Le candidat social-démocrate est mieux implanté dans les campagnes que dans les villes. Tâtant l'indigénisme au point d'être l'un des rares blancs consacré "ministre du culte solaire maya", Colom verrait ses chances croître en cas de forte participation. Déjà candidat lors des deux élections présidentielles précédentes, il vient pour la première fois de remporter le premier tour. La participation, supérieure dimanche à 60% contre 57% en 2003 et 53% en 1999, y a probablement contribué.

Ingénieur industriel de 56 ans spécialisé dans l'industrie textile, dont sa femme est l'une des figures de proue au Guatemala, Alvaro Colom met en avant les mesures sociales pour combattre la pauvreté et la criminalité. Il affirme que sa victoire, le 4 novembre, mettrait fin à 50 ans de domination de la droite. Il ne remet toutefois pas en question l'inclusion du Guatemala dans le CAFTA (Central American Free Trade Agreement), l'accord de libre-échange signé en 2004 entre les Etats-Unis et cinq pays d'Amérique centrale. Alvaro Colom veut attirer les investissements et dynamiser les exportations pour mieux affronter la globalisation, non pour s'y opposer.

Quant à l'ancien général Otto Pérez Molina, 57 ans, il proclame que sa promesse de "mano dura" (main dure, un slogan qui a fait mouche) frappera non seulement la criminalité, contre laquelle il veut rétablir la peine de mort et si besoin mobiliser des militaires, mais aussi la fraude fiscale, la corruption et la mauvaise gestion de services sociaux, notamment ceux de santé.

Diabolisé pendant la campagne électorale du premier tour par Alvaro Colom ("La main dure est responsable de massacres") et par Rigoberta Menchu ("Nous ne pouvons pas laisser le pays aux mains d'un militaire. J'ai déjà eu l'expérience de cette triste histoire"), Otto Pérez Molina est néanmoins parfois qualifié de "général de la paix". Il signa en 1996 au nom de l'armée les accords de paix clôturant la guerre civile qui fit 200.000 morts et 60.000 disparus. On lui reconnaît son opposition à la dictature de Rios Montt, en 1983, et à la dérive anticonstitutionnelle du président Jorge Serrano Elias, en 1993.

Quel que soit le vainqueur final de l'élection présidentielle, il sera tributaire d'alliances parlementaires. L'UNE d'Alvaro Colom ne contrôlera qu'environ 50 députés sur les 158 du Congrès monocaméral et le PP de Pérez Molina n'en comptera qu'une trentaine.

Le nouveau chef de l'Etat succédera en janvier 2008 pour un mandat unique de quatre ans au président Oscar Berger, élu en 2003 comme candidat de la coalition conservatrice GANA (Grande Alliance Nationale), à laquelle appartenait alors le PP fondé par Pérez Molina. Candidat du gouvernement sortant et de la GANA, Alejandro Giammattei s'est classé le 9 septembre en 3e position du premier tour de l'élection présidentielle avec 17,2% des voix.

Union européenne:
"ÉLECTIONS EXEMPLAIRES"
 
Les élections générales du 9 septembre 2007 au Guatemala se sont déroulées généralement "de manière pacifique et ordonnée", avec une participation élevée, et elles sont "un exemple magnifique pour l'Amérique latine" a déclaré mardi dans la capitale guatémaltèque le chef de la mission d'observation électorale de l'Union européenne (UE), l'eurodéputé allemand Wolfgang Kreissl-Dörfler.



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