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"Nationalisme désespéré" de Hugo Chavez face aux problèmes internes?
La Colombie veut la guerre contre le Venezuela prétend Chavez, en difficulté dans son pays

CARACAS, samedi 26 janvier 2008 (LatinReporters.com) - "J'accuse la Colombie de fomenter une conspiration, agissant comme pion de l'empire nord-américain, de fomenter une confrontation guerrière avec le Venezuela" a déclaré le 25 janvier à Caracas le président vénézuélien Hugo Chavez. Il est lui-même accusé par ses opposants de recourir à un "nationalisme désespéré" face aux problèmes internes du Venezuela, notamment la criminalité et les pénuries alimentaires.

"On prépare une agression militaire à partir de la Colombie contre le Venezuela et il s'agit des Etats-Unis. On prépare une provocation contre le Venezuela pour nous obliger à y donner une réponse qui pourrait ensuite allumer la guerre" a insisté Hugo Chavez. Il s'adressait à la presse lors de la signature, télévisée, d'un accord alimentaire avec son homologue du Nicaragua, le sandiniste Daniel Ortega.

En relation avec son accusation de "conspiration", le président Chavez s'est référé à la polémique entourant l'un de ses partisans, Giancarlo di Martino, maire de Maracaibo, la seconde ville du Venezuela. Le 23 janvier, un reportage (visible sur You Tube) de la télévision régionale vénézuélienne Zuvision le montrait fournissant des vivres à de supposés membres des guérillas colombiennes. En dépit de démentis, l'opposition antichaviste y voit une possible preuve de la présence, acceptée et protégée, de rebelles colombiens au Venezuela.

"Nous devrions agir, les capturer et les mettre en prison" en cas de confirmation de ces faits a averti le vice-président de la Colombie, Francisco Santos. Si cet avertissement se concrétisait, si pour capturer de présumés guérilleros des éléments colombiens franchissaient la frontière, a expliqué Hugo Chavez, "ils devraient nous envahir et ce serait la guerre".

Le président Chavez a prévenu qu'il suspendrait les exportations de pétrole en cas d'attaque militaire contre le Venezuela. Selon lui, "le prix du baril pourrait même atteindre alors 300 dollars, car il n'y aura plus de pétrole pour personne".

C'est toujours dans le cadre d'une "conspiration" pour fomenter la guerre que le chef de l'Etat vénézuélien à situé les visites de hautes personnalités des Etats-Unis ce mois de janvier en Colombie. Dans ce pays collé au Venezuela par 2.219 km de frontière commune viennent de se succéder le chef de l'état-major conjoint des Etats-Unis, l'amiral Michael Mullen, le "tsar" antidrogue de l'administration Bush, John P. Walters, et la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice.

"Ce n'est pas une coïncidence"
s'ils ont mis leur visite à profit pour "agresser le Venezuela" a affirmé Hugo Chavez. A Bogota, John P. Walters avait estimé impossible que 200 à 300 tonnes de cocaïne transitent chaque année par le Venezuela sans que le gouvernement de Hugo Chavez ne s'en rende compte. "Il y a un point où la négligence se convertit en complicité" avait conclu le "tsar" antidrogue.

Le président Chavez a pronostiqué un effondrement du commerce avec la Colombie, évaluant le niveau des échanges bilatéraux pour 2008 à seulement quelque 100 millions de dollars, contre près de 5 milliards de dollars en 2007. "Nous achèterons au Nicaragua, à Cuba, au Brésil et à l'Argentine nombre de choses que nous importions de Colombie" a précisé le leader bolivarien. Il a même brandi l'histoire pour fustiger son voisin, affirmant qu'au 19e siècle la Colombie aurait "fait assassiner Simon Bolivar et volé au Venezuela 300.000 km² de son territoire".

Tendues depuis novembre, les relations entre Bogota et Caracas ont atteint une crispation sans précédent le 11 janvier dernier. Hugo Chavez clamait alors ses affinités idéologiques "bolivariennes" avec les guérillas colombiennes d'extrême gauche, l'ELN (Armée de libération nationale) et surtout les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), qui détiennent des centaines d'otages, dont la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt.

Le président Chavez appelait en outre la communauté internationale à reconnaître ces guérillas et à les sortir des listes d'organisations terroristes. L'Union européenne, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne et l'Espagne ont rejeté officiellement cet appel. En Amérique latine, seul le Nicaragua l'a approuvé.

Hugo Chavez, dont les bonnes relations avec les FARC n'ont permis jusqu'à présent que la libération de deux otages de cette guérilla, semble utiliser la tragédie des séquestrés pour étendre en Colombie sa révolution dite bolivarienne. En novembre dernier, il avait contacté sans autorisation le haut commandement militaire colombien et le président Alvaro Uribe avait en conséquence révoqué le mandat de médiateur avec les FARC confié à son homologue vénézuélien.

Problèmes internes

Les derniers sondages situent à près de 40% la popularité du président Chavez, soit le taux le plus bas depuis 2003 et 10 à 12% de moins qu'en 2007. Début janvier, un mois après sa première défaite électorale en neuf ans de pouvoir, au référendum du 2 décembre 2007 sur son projet de réforme socialiste de la Constitution, Hugo Chavez reconnaissait la priorité de problèmes quotidiens tels que l'inflation (22,5% en 2007), la criminalité (le taux d'homicides à Caracas est près de cinq fois plus élevé qu'à Bogota), la corruption (la pire des Amériques, selon Transparency International, après celle en Haïti) et les pénuries alimentaires.

Sucre, lait, huile, viande, farine et certains légumes se font rares dans un Venezuela riche en pétrole. Les queues de consommateurs s'allongent lorsqu'un point de vente est momentanément approvisionné. Le contrôle des prix en vigueur depuis 2003 sur quelque 400 produits et services, au bénéfice théorique des plus démunis, a découragé les producteurs et réduit leur activité, car les coûts, grossis par l'inflation, surpassent désormais souvent les prix de vente imposés.

Pour n'être pas acculés à la faillite, des agriculteurs vendent leur production à la Colombie voisine, où les prix ne sont pas plafonnés. Hugo Chavez y voit une "trahison à la patrie". Depuis plus d'une semaine, il militarise la frontière, envoyant des milliers de soldats fermer les points de passage de la contrebande vers la Colombie. A court terme, cela pourrait signifier la mort économique de petits producteurs qui avaient applaudi la révolution agraire bolivarienne. Pour nourrir les 27 millions de Vénézuéliens, il faut aujourd'hui importer massivement.

Selon l'opposition, Hugo Chavez tenterait d'amortir l'impact des errements de son "socialisme du 21è siècle" en attisant la crise avec la Colombie. A la question "Pourquoi l'hostilité de Chavez envers la Colombie?", le général à la retraite Raul Isaias Baduel, ministre de la Défense de Hugo Chavez jusqu'en juillet 2007, répond au quotidien colombien El Tiempo: "Il prétend, sous la menace d'un ennemi extérieur supposé, qu'on s'agglutine autour de lui, recourant à un nationalisme désespéré qu'il invoque lorsque les gens commencent à percevoir des problèmes internes".

Le général Baduel, auquel Chavez doit son retour au pouvoir après le putsch qui l'avait évincé pendant 48 heures en avril 2002, jouit encore d'un certain prestige dans les casernes. Il affirme "avoir pu palper l'inquiétude croissante" qu'aurait fait naître au sein de l'armée vénézuélienne l'appui diplomatique et idéologique de Hugo Chavez aux guérillas colombiennes.

Raul Isaias Baduel n'a que 52 ans (un de moins que Chavez) et il n'écarte pas une éventuelle candidature à la charge suprême lors de la prochaine élection présidentielle, en décembre 2012. En la qualifiant de tentative déguisée de "coup d'Etat", il avait contribué à l'échec de la réforme socialiste de la Constitution soumise au référendum perdu par Hugo Chavez le 2 décembre dernier.




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