Retour / Back

Echec de la réunion de Quito sur les mesures de confiance
Bases en Colombie : Etats-Unis prêts à dialoguer avec l'Unasur, mais préoccupés par le Venezuela

WASHINGTON / QUITO, mercredi 16 septembre 2009 (LatinReporters.com) - Selon Mariano Fernandez, ministre chilien des Relations extérieures, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a exprimé par lettre sa "disponibilité" à ouvrir avec l'Unasur (Union des nations sud-américaines) un dialogue sur l'accord polémique conclu le 14 août entre les Etats-Unis et la Colombie pour l'utilisation par les forces américaines d'au moins sept bases militaires colombiennes.

"Ces sept bases sont une déclaration de guerre contre la révolution bolivarienne et c'est ainsi que nous l'assumons" avertissait le 25 août le président du Venezuela, Hugo Chavez. Chef de file des gauches radicales latino-américaines, il prétend que les Etats-Unis veulent provoquer un conflit armé entre Bogota et Caracas dans le but de s'emparer des champs pétroliers vénézuéliens et de dynamiter tant l'Unasur que les régimes de gauche en Amérique latine. Le président Chavez utilise cette hypothèse pour justifier ses acquisitions massives d'armes russes, en cours néanmoins depuis cinq ans. Elles portent au total sur près de sept milliards de dollars, compte tenu des 92 chars et des systèmes antiaériens commandés la semaine dernière à Moscou par le chef d'Etat vénézuélien.

Dans des déclarations téléphoniques faites le 15 septembre de Quito, capitale de l'Equateur, à des médias diffusés au Chili, le ministre chilien Mariano Fernandez a indiqué que la lettre d'Hillary Clinton était adressée à tous les ministres des Relations extérieures des 12 pays de l'Unasur, réunis le même jour à Quito. Les ministres de la Défense participaient également à cette réunion destinée à élaborer des mécanismes de sécurité régionaux, conformément au mandat issu du Sommet extraordinaire de l'Unasur tenu le 28 août à Bariloche (Argentine) pour évaluer les implications régionales de l'accord militaire américano-colombien.

Achat d'armes : Hillary Clinton réclame la "transparence" du Venezuela

"[Hillary] Clinton montre qu'elle se rend compte de l'existence d'une inquiétude" et, a précisé le chef de la diplomatie chilienne, elle garantit dans sa lettre que l'accord américano-colombien respectera la "souveraineté" des pays de la région et qu'il n'aurait pas d'ambition "extraterritoriale" le faisant déborder du cadre colombien.

Le ministre chilien Mariano Fernandez révéla alors que la secrétaire d'Etat américaine exprimait dans la même lettre sa "disponibilité" à dialoguer sur ce dossier avec les pays de l'Unasur (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Equateur, Guyana, Paraguay, Pérou, Surinam, Uruguay et Venezuela).

Recherchant ce dialogue sur l'accord américano-colombien et des garanties au plus haut niveau, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva avait téléphoné le 21 août au président des Etats-Unis, Barack Obama, lui proposant une réunion à la date et au lieu qui lui conviendraient, sans obtenir de réponse précise. Le ministre brésilien des Relations extérieures, Celso Amorim, affirma qu'au cours de cette conversation Lula dit à Barack Obama qu'il jugeait nécessaire "des garanties formelles, juridiquement valables, que l'équipement et le personnel [américains en Colombie] ne seront pas utilisés au-delà de leur but strictement déclaré, soit le combat contre le trafic de drogue, les FARC et le terrorisme". [FARC = Forces armées révolutionnaires de Colombie; guérilla marxiste].

Mardi, alors que la réunion ministérielle de Quito avait commencé, Hillary Clinton exprimait à Washington son "inquiétude quant à l'importance des achats d'armes vénézuéliens". "Nous demandons au Venezuela qu'il soit transparent, clair" concernant l'objectif de ces achats d'armes déclarait Mme Clinton lors d'une conférence de presse conjointe avec le président uruguayen Tabaré Vazquez. Tous deux ont dit craindre "une course aux armements" en Amérique du Sud.

"Ils [les dirigeants du Venezuela) doivent mettre en place des procédures afin de s'assurer que les armes qu'ils achètent ne vont pas être détournées par des groupes insurgés ou des organisations illégales comme les réseaux de trafic de drogue ou autres cartels criminels", ajoutait Hillary Clinton.

Echec à Quito de la réunion ministérielle de l'Unasur

La réunion de Quito n'a débouché sur aucun consensus ni communiqué. Le ministre équatorien des Relations extérieures, Fander Falconi, dont le pays assume la présidence annuelle de l'Unasur, a reporté les débats sur l'élaboration de mesures de confiance et de mécanismes de sécurité régionaux à une date postérieure à l'Assemblée générale des Nations unies, qui s'ouvrira la semaine prochaine à New York.

La délégation colombienne n'a pas accepté que, contrairement au mandat général issu du sommet extraordinaire de l'Unasur, l'accord américano-colombien soit, comme le prétendaient le Venezuela et ses alliés, l'unique accord militaire soumis à examen, critique de surcroît. Les mesures de confiance ne doivent pas seulement apaiser les préoccupations de certains pays sur l'accord entre Washington et Bogota, mais aussi la préoccupation de la Colombie sur les achats d'armes et les pactes conclus avec des pays tiers par d'autres membres de l'Unasur, tel le Venezuela, a estimé en substance à Quito le ministre Jaime Bermudez, chef de la diplomatie colombienne.

Le ministre vénézuélien des Relations extérieures, Nicolas Maduro, a reproché à la Colombie de n'avoir pas soumis à la réunion de Quito le texte de son accord avec les Etats-Unis. Le ministre colombien de la Défense, Gabriel Silva, a répliqué que lorsque l'accord sera définitivement ratifié, Bogota n'aura pas d'objection à le mettre sur la table, à condition que le soient aussi tous les accords militaires conclus par des pays d'Amérique du Sud.

Emise dans une lettre adressée par le président péruvien Alan Garcia aux ministres de l'Unasur réunis dans la capitale équatorienne, la proposition d'un "pacte de non agression militaire" n'a pas été retenue. Selon le ministre chilien des Relations extérieures, Mariano Fernandez, cette proposition aurait le tort de suggérer que les pays d'Amérique du Sud "sont au bord d'un conflit guerrier".

"Les bases [dont la Colombie autorise l'usage par les Etats-Unis] seraient beaucoup moins importantes si les autres pays de la région aidaient la Colombie à résoudre des problèmes tels que ceux posés par les FARC et les drogues... Mais il évident que cette aide n'existe pas" constatait mardi à Londres John Chipman, directeur général de l'Institut international d'études stratégiques (IISS).

Le président vénézuélien Hugo Chavez avait conforté par anticipation ce diagnostic, déclarant trois plus tôt à Madrid, dans une interview au quotidien El Pais, que "les FARC ne sont pas terroristes, mais une force insurgée, qu'il faut reconnaître comme telle pour pouvoir faire la paix" en Colombie. M. Chavez avait déjà appelé plusieurs fois dans le passé la communauté internationale à reconnaître la guérilla colombienne. Pourtant, le 28 août dernier à Bariloche, le sommet extraordinaire de l'Unasur s'engageait dans sa déclaration finale, approuvée par le Venezuela, à "rejeter la présence ou les actions de groupes armés en marge de la loi".



© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne