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Bolivie - Evo Morales nationalise: Espagne et Brésil les plus frappés

A la une du journal bolivien La Razon, Evo Morales le 1er mai sur le champ gazier de San Alberto (avec casque blanc, 1er à gauche du militaire avec fusil)
LA PAZ / MADRID, mardi 2 mai 2006 (LatinReporters.com) - L'Espagne et le Brésil, deux pays socialistes "amis" de la Bolivie sont les plus touchés par la nationalisation des hydrocarbures décrétée le 1er mai par le président socialiste bolivien Evo Morales, adversaire déclaré de "l'impérialisme américain". L'armée contrôle les gisements. La nationalisation s'étendra à d'autres secteurs.

A peine rentré de La Havane, où il signait le 29 avril un "Traité commercial des peuples" l'unissant à Cuba et au Venezuela, Evo Morales, casqué et entouré de militaires armés sur le champ gazier de San Alberto, le plus riche du pays, annonçait le lundi 1er mai, choisi pour être la fête des travailleurs, la nationalisation immédiate des hydrocarbures.

Les réserves de gaz naturel de la Bolivie sont les plus importantes d'Amérique du Sud après celles du Venezuela. Des réserves limitées de pétrole sont aussi exploitées.

"Le pillage de nos ressources naturelles par des entreprises étrangères est terminé... L'Etat récupère la propriété, la possession et le contrôle total et absolu de ces ressources" clamait dans un discours radio-télévisé le président Morales, premier Amérindien élu à la charge suprême en Bolivie. Il remerciait avec insistance l'armée de sa collaboration.

Les militaires contrôlent les champs gaziers et pétroliers, les raffineries et les gazoducs. La plupart des observateurs n'y voient qu'une mesure passagère de précaution, dont le caractère spectaculaire accroîtra la popularité d'Evo Morales au sein de son électorat, constitué en majorité d'Amérindiens déshérités. Le président Morales devrait en récolter des fruits immédiats lors de l'élection, le 2 juillet au suffrage universel, des 255 membres de l'Assemblée constituante qui élaborera une nouvelle Constitution.

Selon Evo Morales, cette troisième nationalisation des hydrocarbures sera "définitive". En 1937 et en 1969, des gouvernements militaires de gauche avaient déjà nationalisé les hydrocarbures boliviens, chaque fois rouverts quelques années plus tard aux investissements privés au nom de l'efficacité. Ni le dirigisme étatique ni le libéralisme économique n'ont jusqu'à présent résolu les problèmes sociaux de la Bolivie, qui reste le pays le plus pauvre d'Amérique du Sud.

Lundi soir, à La Paz, Evo Morales annonçait à la foule qui l'acclamait sur la place Murillo que la nationalisation s'étendra bientôt "aux mines, aux ressources forestières et à toutes les ressources naturelles". Des décrets que préparent le gouvernement permettront en outre de "récupérer la terre".

La nationalisation des hydrocarbures fut la principale promesse électorale d'Evo Morales, qui remporta l'élection présidentielle du 18 décembre dernier avec près de 54% des suffrages. Il affirmait alors que les multinationales auraient un statut "d'associé, non de propriétaire ni de patron" et que leurs biens ne seraient ni expropriés ni confisqués. Dans l'attente d'une publication de l'intégralité du décret de nationalisation et de l'observation de son application, il est trop tôt pour dire si ce schéma relativement rassurant sera respecté.

Dans l'immédiat, selon les fragments du décret de nationalisation lus par Evo Morales, les compagnies exploitant les hydrocarbures doivent "remettre en propriété toute leur production" à la société publique bolivienne YPFB (Yacimientos Petroliferos Fiscales Bolivianos). Celle-ci prend aussi le contrôle de la commercialisation nationale et internationale des hydrocarbures.

Dans un délai de 180 jours, les compagnies du secteur devront accepter de conclure de nouveaux contrats, sous peine de n'être plus autorisées à opérer en Bolivie. Selon une source gouvernementale, le rôle de ces compagnies se résumera à celui de "prestataires de service".

Le décret impose aussi une nouvelle répartition des revenus de l'exploitation des hydrocarbures, la part de l'Etat passant à 82% sur les principaux gisements.

Vingt-six multinationales sont concernées. Parmi elles figurent la brésilienne Petrobras, l'hispano-argentine Repsol-YPF, la française Total, l'américaine Exxon Mobil et British Gas. Les plus frappées par la nationalisation en fonction de leurs investissements et de l'importance des gisements de gaz naturel qu'elles contrôlaient sont, de loin, Petrobras et Repsol-YPF.

Petrobras, dominée par des capitaux publics, est le géant brésilien des hydrocarbures. Plus de 50% du gaz naturel consommé au Brésil vient de Bolivie dans un gazoduc de 3.200 km. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva examinait mardi en conseil exceptionnel des ministres les conséquences de la nationalisation bolivienne. Elle est qualifiée "d'inamicale" par le ministre brésilien des Mines et de l'Energie, Silas Rondeau, et par le président de Petrobras, José Sergio Gabrielli.

Quant à Repsol-YPF, dont le siège est en Espagne, son actionnaire de référence est La Caixa, puissante caisse d'épargne catalane. Une partie des dirigeants de La Caixa sont, directement ou indirectement, des mandataires des institutions politiques de la Catalogne, région gérée par des partis de gauche, dont les socialistes de José Luis Rodriguez Zapatero, le président du gouvernement national espagnol.

Ce gouvernement, dans un communiqué diffusé à Madrid par le ministère des Affaires extérieures, exprime sa "plus profonde préoccupation" et espère que les autorités boliviennes ouvriront "une véritable négociation" afin que "soient respectés les intérêts des uns et des autres".

Le ministre espagnol de l'Industrie, le socialiste José Montilla, ajoute: "Evidemment, elle [la nationalisation] ne nous plaît pas et je pense qu'elle n'est bonne ni pour les entreprises espagnoles ni pour la Bolivie".

Enfin, à Bruxelles, la Commission européenne dit "avoir pris note avec préoccupation" du décret de nationalisation des hydrocarbures en Bolivie et regrette que cette décision n'ait pas été précédée d'un "processus de consultation et de discussion".




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