|
Bolivie, Cuba et Venezuela unis par un "Traité commercial des peuples" (TCP)
Chavez, alliance bolivarienne et élections en Amérique latine
|
Hugo Chavez (à g.), Fidel Castro et Evo Morales le 28 avril 2006 à l'aéroport de La Havane - Prensa Presidencial (Venezuela) |
par Christian Galloy
Analyste politique Directeur de LatinReporters.com
MADRID, lundi 1er mai 2006 (LatinReporters.com) - Renforcée par un "Traité
commercial des peuples" (TCP) conclu samedi à La Havane avec la Bolivie, l'alliance "bolivarienne"
contre "l'impérialisme américain" promue par les présidents du Venezuela, Hugo
Chavez, et de Cuba, Fidel Castro, veut attirer d'autres pays à la faveur
d'élections présidentielles en Amérique latine. Pérou,
Colombie, Mexique, Equateur et Nicaragua sont en ligne de mire.
Le sommet "révolutionnaire" qui réunissait dans la capitale
cubaine les présidents Chavez, Castro et leur homologue bolivien,
l'Amérindien Evo Morales, a débouché sur l'incorporation
formelle de la Bolivie à l'Alternative bolivarienne pour les Amériques
(ALBA) lancée par Hugo Chavez.
Se réclamant du libertador vénézuélien Simon
Bolivar, héros au 19e siècle de l'indépendance sud-américaine,
le président Chavez oppose l'ALBA à l'ALCA, appellation
espagnole de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA)
que le président américain George W. Bush voudrait instaurer
de l'Alaska à la Terre de Feu. Les revenus pétroliers du Venezuela,
5e exportateur mondial de brut, crédibilisent Hugo Chavez.
Texte intégral, en espagnol, de l'accord principal signé le 29 avril 2006 à La Havane par les
présidents Fidel Castro, Hugo Chavez et Evo Morales dans le cadre du TCP et de l'ALBA
|
Signé samedi à La Havane, un accord tripartite
(texte intégral
en espagnol) se réclamant à la fois de l'ALBA et d'un "Traité
commercial des peuples" (concept non codifié apporté par Evo
Morales) articule les relations économiques entre Cuba, le Venezuela
et la Bolivie.
Pétrole vénézuélien à prix préférentiel,
assistance cubaine dans les secteurs de la santé et de l'éducation
et contribution de la Bolivie à "la sécurité énergétique
de nos pays avec sa production excédentaire d'hydrocarbures" seront
les piliers des relations triangulaires La Paz-Caracas-La Havane. Avantages
douaniers et investissements libres d'impôts sur les bénéfices
sont également prévus.
Le Venezuela s'engage "à promouvoir une ample collaboration dans le
secteur énergétique et minier" bolivien. Possédant les
plus importantes réserves de gaz naturel d'Amérique du Sud
après celles du Venezuela, la Bolivie les intègre de fait dans
la vision bolivarienne avant même d'avoir redéfini ses relations
avec les multinationales.
La brésilienne Petrobras, l'hispano-argentine
Repsol-YPF, la française Total, l'américaine Exxon Mobil, British
Gas et une vingtaine d'autres sociétés ont gelé ou freiné
depuis décembre leurs investissements en Bolivie dans l'attente des modalités
de la nationalisation des hydrocarbures promise par Evo Morales. La signature imminente du
décret de nationalisation par le président Morales au cours de la journée du 1er
mai, choisie pour être la fête du travail, était annoncée
de manière inattendue vers midi par l'Agence bolivienne d'information (ABI).
L'adhésion de la Bolivie à l'ALBA et l'idée de "Traité
commercial des peuples" jouissent d'un fort impact médiatique au moment
où Hugo Chavez ébranle la plus vieille assise d'une éventuelle
unité sud-américaine. Le président Chavez annonçait
en effet le 19 avril le retrait du Venezuela de la Communauté andine
de nations (CAN), plongeant dans la crise cet ensemble de 120 millions d'habitants
et cinq pays (Venezuela, Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie) qui assurent
le tiers du commerce sud-américain.
Hugo Chavez justifiait sa décision par les coups mortels qu'auraient
portés à la CAN les accords de libre-échange avec les
Etats-Unis signés, mais non encore ratifiés, par le Pérou
et la Colombie. (L'Equateur tente à son tour de finaliser un accord
semblable avec Washington).
Succession d'élections présidentielles
Opposer la notion de "Traité commercial des peuples" aux accords de
libre-échange avec l'administration nord-américaine, au plus
bas de sa popularité en Amérique latine, permet à Hugo
Chavez et à ses alliés de situer l'ALBA bolivarienne au centre
du débat politique d'une région animée par une succession
d'élections présidentielles.
En Colombie, le président conservateur Alvaro Uribe tentera le 28
mai de se succéder à lui-même. La montée dans
les sondages de Carlos Gaviria, candidat de gauche du PDA (Pôle Démocratique
Alternatif), hostile à la ratification de l'accord de libre-échange
avec les Etats-Unis, pourrait empêcher M. Uribe de réunir la
majorité absolue dès le premier tour.
Au Pérou, probablement aussi le 28 mai, un allié d'Hugo Chavez
et d'Evo Morales, l'ex-officier nationaliste Ollanta Humala, affrontera au
second tour de la présidentielle le social-démocrate Alan Garcia.
L'appui explicite d'Hugo Chavez à Ollanta Humala et les insultes échangées
entre MM. Garcia et Chavez provoquent une crise diplomatique entre Lima et
Caracas. En cas de victoire à la présidentielle, Ollanta Humala
mettrait vraisemblablement au frigo l'accord de libre-échange avec
Washington.
Le second tour de l'élection présidentielle péruvienne
sera un combat inédit entre les deux gauches qui dominent actuellement
l'Amérique du Sud. A savoir, selon Alan Garcia, la gauche "castriste"
et "chaviste" incarnée par Ollanta Humala, contre la gauche "démocrate-sociale"
que représenteraient le Brésil de Luiz Inacio Lula da Silva,
l'Uruguay de Tabaré Vazquez, l'Argentine de Nestor Kirchner et le
Chili de Michelle Bachelet.
Au Mexique, qui ira aux urnes le 2 juillet, Hugo Chavez soutient Andrés
Manuel Lopez Obrador, candidat du Parti de la Révolution Démocratique
(PRD, gauche). Mais ce dernier, longtemps favori, est désormais devancé
dans les sondages par le conservateur Felipe Calderon, candidat du Parti
de l'Action Nationale (PAN) du président Vicente Fox. Depuis janvier
1994, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) lie
le Mexique aux Etats-Unis et au Canada.
En Equateur, on votera le 15 octobre. Précandidat à la présidentielle,
l'ex-ministre de l'Economie Rafael Correa, très critique des Etats-Unis,
négocie avec les communautés amérindiennes une alliance
qu'applaudirait Hugo Chavez. Le ministre bolivien des Finances, Luis Arce,
a exprimé au journal équatorien El Comercio son "espoir d'un
changement de gouvernement au Pérou et en Equateur" qui pourrait ranimer
la CAN.
Présent samedi à La Havane aux côtés de MM. Castro,
Chavez et Morales, l'ex-président sandiniste Daniel Ortega a promis
de rallier l'ALBA s'il gagnait, le 5 novembre, l'élection présidentielle
au Nicaragua.
Le 29 octobre, Luiz Inacio Lula da Silva briguera sans doute un second mandat
présidentiel au Brésil. Une ingérence ouverte peu probable
dans la politique intérieure du géant sud-américain
ne servirait peut-être pas les intérêts d'Hugo Chavez, qui
sollicitera, lui, sa réélection le 3 décembre.
Mais le souhait d'Hugo Chavez de "restructurer à fond" le Mercosur (marché commun
sud-américain créé par le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay),
auquel le Venezuela adhère progressivement en promettant de financer un gazoduc quasi
continental, pourrait attiser à moyen terme les frictions entre "les deux gauches" dont parlait
le social-démocrate péruvien Alan Garcia.
version imprimable
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS
Bolivie - Evo Morales nationalise: Espagne et Brésil les plus frappés
Cuba-Venezuela-Bolivie: Traité de commerce des peuples (TCP)
Evo Morales prie Chavez de maintenir le Venezuela dans la CAN
Communauté andine en crise: retrait du Venezuela annoncé par Chavez
Dossier Venezuela
Dossier Bolivie
Dossier Pérou
Dossier Nicaragua
Dossier Globalisation
|
|