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Élections présidentielle et législatives du 1er octobre 2006
Brésil - Lula sera réélu président pour la dernière fois... et Chavez guette

Les présidents Lula (à gauche) et Chavez: frères, mais pas dans la révolution
Photo Prensa Presidencial - Caracas
BRASILIA, jeudi 28 septembre 2006 (LatinReporters.com) - Au premier tour, dimanche? Ou au second, le 29 octobre? C'est la seule incertitude qui entoure la réélection à la présidence du Brésil de l'ex-ouvrier métallurgiste Luiz Inacio Lula da Silva. Que son second mandat de 4 ans soit aussi le dernier pèsera sur l'évolution de la gauche latino-américaine, dont Lula est une icône.

Mêler la joie de la victoire proche à la tristesse d'un départ lointain permet de distinguer Lula d'autres stars de la gauche d'Amérique latine. A Cuba, Fidel Castro règne depuis 47 ans. Au Venezuela, Hugo Chavez, sûr de sa réélection le 3 décembre prochain, a déjà promis pour 2010 un référendum sur sa réélection "indéfinie", c'est-à-dire illimitée. En Bolivie, Evo Morales nourrit la même ambition.

Dans toutes les Amériques, du Nord, centrale et du Sud, la limitation à un ou deux mandats présidentiels est aujourd'hui la norme constitutionnelle et démocratique habituelle. Au Brésil, comme en Colombie ou aux Etats-Unis, le président s'efface après deux mandats consécutifs. Mais à La Havane, Caracas et La Paz, les messies castro-bolivariens ont besoin, eux, de plusieurs générations pour réécrire les Evangiles. Bush-fils prendra sa retraite avant Chavez. Dommage, car leurs télescopages amusent.

La perception de l'effacement à moyen terme de Lula, dont seule l'auréole personnelle permet à son Parti des travailleurs (PT) de survivre aux scandales de corruption, pourrait préparer progressivement le pays à un retour au centre droit ou à un glissement vers la gauche radicale.

Première femme, ainsi qu'Ana Maria Teixeira Rangel du modeste Parti républicain progressiste, à briguer la présidence du Brésil, la fondatrice et présidente du Parti socialiste de la liberté (PSOL), Heloisa Helena Lima de Moraes Carvalho, 44 ans, ne surpasse actuellement Lula que par la longueur de son nom. Parmi les huit candidats, elle est en 3e place dans les sondages pour la présidentielle, avec de 8 à 9% des intentions de vote, derrière Lula (48 à 53%) et Geraldo Alckmin (28 à 33%), ex-gouverneur du puissant Etat de Sao Paulo. Alckmin conduit une coalition dominée par le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB, centre droit), qui a pour référence idéologique le respecté ex-président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002). Les analystes classaient néanmoins ce dernier au centre gauche.

Neuf pour cent semble un score dérisoire. Mais les électeurs d'Heloisa Helena peuvent forcer un second tour Lula-Alckmin, dont ils seraient les arbitres, en mordant sensiblement sur l'électorat du PT. En outre, Heloisa Helena sera déjà très connue lorsqu'elle briguera à nouveau la présidence, en 2010, avec peut-être l'appui du président vénézuélien Hugo Chavez. Le Mouvement de libération des sans terre, qui mit à sac le Congrès (Parlement) de Brasilia en juin dernier, pourrait être son bataillon de choc.

Sénatrice expulsée du PT de Lula pour son opposition à une réforme sociale qui soumettait les retraités à l'impôt, dénonçant "l'embourgeoisement" du PT, Heloina Helena a une fibre d'apparence bolivarienne. Et en Amérique latine, les candidats proches de la "révolution bolivarienne" du président Chavez ne sont pas longtemps de simples figurants. Ils peuvent gagner ou prendre une seconde place augurant d'un triomphe futur. On l'a vu récemment en Bolivie, au Pérou et au Mexique. On le verra à nouveau ce mois d'octobre en Equateur et en novembre au Nicaragua.

Cordiale, l'entente entre Lula et Chavez semble parfois fraternelle. Les deux hommes se côtoient davantage depuis que le Venezuela a rejoint, cette année, le Mercosur, marché commun sud-américain créé par le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay. Brasilia soutient le projet pharaonique d'un gazoduc de 8.000 km, promu par Caracas, qui desservirait l'Amérique du Sud sur quasi toute sa longueur et la structurerait, comme le charbon et l'acier structurèrent l'Europe communautaire naissante.

Mais deux visions essentielles différencient Lula d'Hugo Chavez. Comme tous ses prédécesseurs de droite ou de gauche depuis la seconde moitié du 20e siècle, le président du Brésil croit que son pays doit assumer un leadership sud-américain lié à son importance géographique, démographique et économique. Le Brésil veut être la référence de la Communauté sud-américaine de nations (CSN) créée en 2004.

Ce dessein risque d'entrer en collision avec les visées internationalistes d'Hugo Chavez, d'autant plus que, par ailleurs, Lula ne veut pas mêler, contrairement aux présidents vénézuélien, cubain et bolivien, l'idéologie aux relations commerciales. Le 1er mai dernier, la nationalisation très idéologique des hydrocarbures boliviens, que La Paz gère difficilement, a frappé non les "impérialistes américains", mais des fleurons de l'économie brésilienne (Petrobras), espagnole (Repsol) et française (Total). Entre Lula et le Bolivien Evo Morales, le climat est glacial en dépit de sourires médiatiques.

Moteur, avec notamment l'Inde et l'Afrique du Sud, du G20 qui mène la contestation aux puissances occidentales au sein de l'Organisation mondiale du commerce, Lula veut débarrasser les échanges internationaux de subventions agricoles qui, à ses yeux, pénalisent les pays moins développés. Mais le président brésilien, sur la même longueur d'onde que les gouvernements socialistes du Chili, du Pérou et d'Uruguay, ne prône ni la révolution ni la formule du "Traité commercial des peuples" qui unit depuis avril dernier Cuba, la Bolivie et le Venezuela.

Une offensive, discrète ou non, de la gauche castro-bolivarienne soutenue par Caracas, La Havane et La Paz ne devrait pas tarder à être lancée en vue de la relève de Lula en 2010. Faire basculer dans le camp de la gauche radicale le Brésil, première puissance du sous-continent, 5e pays du monde par sa population (185 millions) et 13e économie mondiale (en 2005) aurait des conséquences continentales et planétaires. Ce pourrait être la victoire la plus retentissante d'Hugo Chavez.

Dans l'immédiat, favori de l'élection présidentielle du 1er octobre, très populaire auprès des défavorisés et des femmes, Lula survit donc à la marée de scandales de corruption qui a englouti nombre de ses collaborateurs. Selon la Fondation Gertulio Vargas, il a réduit de 28,1% à 22,7% le taux de pauvreté, soit le taux le plus bas depuis 25 ans. Le programme "Faim zéro" a unifié une trentaine de programmes d'aide aux familles les plus humbles.

L'opposition sociale-démocrate reproche à Lula, outre la corruption, d'avoir freiné la croissance du pays. Les exportations et l'excédent commercial (45 milliards de dollars en 2005) ont néanmoins doublé en trois ans et Brasilia a remboursé l'intégralité de sa dette à l'égard du Fonds monétaire international, quoique sa dette globale reste supérieure à 50% du PIB. Le Brésil a d'autre part atteint l'autosuffisance pétrolière et il se profile comme le leader mondial des biocarburants.

L'insécurité liée à la délinquance, propre à de nombreux pays d'Amérique latine y compris le Venezuela, est un échec visible de Lula. En témoignent les révoltes sanglantes à répétition dans les prisons et les attaques quasi militaires de gangs contre des personnalités et établissements publics, surtout à Sao Paulo et Rio de Janeiro.




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