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Uribe : le petit Emmanuel n'est peut-être plus aux mains de la guérilla
Fiasco du plan Chavez en Colombie : libération d'otages des FARC suspendue

BOGOTA / CARACAS, mardi 1er janvier 2008 (LatinReporters.com) - Trois otages que la guérilla marxiste colombienne des FARC avait promis de relâcher n'ont pas été libérés. Colombie d'une part, Venezuela et guérilla d'autre part, s'en rejettent réciproquement la responsabilité. L'opération ne serait que "suspendue", mais l'impression de fiasco domine le spectacle médiatique international, plus politique qu'humanitaire, monté en Colombie et dans son pays par le président Hugo Chavez du Venezuela avec ses alliés idéologiques des FARC.

Le petit Emmanuel, né en captivité il y a près de quatre ans, sa mère Clara Rojas, enlevée par les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) en février 2002 avec Ingrid Betancourt dont elle était la plus proche collaboratrice politique, ainsi que l'ex-parlementaire Consuelo Gonzalez de Perdomo sont les trois otages colombiens que la guérilla promettait de remettre au président Chavez ou à la personne qu'il désignerait, selon un communiqué diffusé par les rebelles le 18 décembre dernier.

Le 31 décembre, au quatrième jour de l'arrivée à l'aéroport colombien de Villavicencio (100 km au sud-est de Bogota) d'hélicoptères envoyés par le Venezuela, avec le feu vert présidentiel et humanitaire de la Colombie voisine, pour aller recueillir les trois otages dans la jungle du sud colombien, Hugo Chavez lisait soudain à Caracas un communiqué des FARC.

"Les intenses opérations militaires [de l'armée colombienne] déployées dans la zone nous empêchent de vous remettre pour l'instant, comme c'était notre souhait, Clara Rojas, Emmanuel et l'ex-représentante Consuelo Gonzalez de Perdomo" disait le communiqué.

"Insister dans ces conditions serait exposer à un risque grave la vie des personnes à libérer, du reste des prisonniers de guerre et des guérilleros désignés pour accomplir cette mission" poursuivaient les FARC. Les insurgés indiquaient qu'ils "réactiveront" l'opération dès qu'ils auront "trouvé un lieu offrant toutes les garanties de sécurité".

En Colombie, à Villavicencio, le président colombien Alvaro Uribe répliquait devant des dizaines de journalistes nationaux et étrangers qu'aucun combat n'avait eu lieu récemment dans la zone probable de libération des trois otages. Le président Uribe déclarait avoir même accepté d'établir un éventuel "couloir humanitaire", jugé insuffisant par Hugo Chavez, quoique proposé par le ministre vénézuélien des Relations extérieures, Nicolas Maduro.

Alvaro Uribe lançait ensuite une hypothèse explosive, qui risque de réduire significativement sa crédibilité si elle n'est pas confirmée. Selon lui, si la guérilla n'a pas procédé à la triple libération attendue, si elle n'a pas communiqué comme convenu avec Hugo Chavez les coordonnées exactes d'un endroit où les hélicoptères vénézuéliens frappés de l'emblème de la Croix-Rouge auraient pu recueillir les trois otages, ce serait parce que les rebelles "n'ont plus l'enfant Emmanuel en leur pouvoir".

A ce propos, le chef de l'Etat colombien a mentionné une démarche administrative suspecte visant, ces derniers jours, à récupérer un petit garçon amené malade et dans un état de dénutrition, en juillet 2005 par un prétendu grand-oncle, à l'Institut colombien du bien-être familial de la ville de San José del Guaviare. Le département du Guaviare (sud-est de la Colombie) est l'un des fiefs de la guérilla.

Confié à une famille d'accueil et vivant avec elle à Bogota sous le nom de Juan David Gomez Tapiero, le garçonnet a aujourd'hui trois ans et demi, le même âge supposé qu'Emmanuel, l'enfant auquel Clara Rojas a donné naissance en captivité et dont le père serait un guérillero des FARC.

Selon Alvaro Uribe, le petit Juan David Gomez Tapiero porterait des marques corporelles correspondant à celles décrites par le sous-officier de police John Frank Pinchao qui a connu Ingrid Betancourt, Clara Rojas et son fils Emmanuel dans un camp des FARC. Séquestré pendant neuf ans par les rebelles, le sous-officier a pu fuir le 28 avril 2007.

Tests ADN pour déterminer si les FARC détiennent encore Emmanuel

Le président colombien a invité la famille de Clara Rojas, dont plusieurs membres ont accepté, à se soumettre à des tests ADN pour déterminer si le garçonnet vivant aujourd'hui à Bogota et Emmanuel sont ou non la même personne.

Hugo Chavez a accusé son homologue colombien "de lancer cette hypothèse pour dynamiter l'opération" humanitaire accordée avec les FARC et que le chef d'Etat vénézuélien avait baptisée ... "Opération Emmanuel"! Le président Chavez a toutefois admis que la guérilla "ferait très mauvaise figure face au monde" si elle a "menti ou manipulé" en offrant faussement la libération d'un enfant qui ne serait plus en son pouvoir.

Hugo Chavez a ranimé davantage la polémique avec la Colombie en affirmant n'avoir pas confiance dans ses dirigeants trop soumis, selon lui, aux Etats-Unis "qui souhaitent une guerre entre nos deux pays".

Par ses déclarations pouvant être assimilées à celles d'un allié et même d'un porte-parole de la guérilla marxiste colombienne, le président Chavez a justifié implicitement à posteriori et sans s'en rendre compte la révocation, en novembre par Bogota, de sa médiation dans le dossier d'un échange humanitaire de 45 otages dits politiques des FARC, dont Ingrid Betancourt, contre les quelque 500 guérilleros emprisonnés.

L'ex-président argentin Nestor Kirchner et les autres membres de la délégation internationale de sept pays (Argentine, Bolivie, Brésil, Cuba, Equateur, France, Suisse) qui devaient, en collaboration avec la Colombie et le Venezuela, avaliser et garantir la libération frustrée des trois otages des FARC ont quitté la base opérationnelle colombienne de Villavicencio. Ils reviendront théoriquement lorsque la libération ne ferait plus de doute. Le réalisateur américain Oliver Stone, désormais cinéaste officiel de la gauche castriste et bolivarienne, a maudit Alvaro Uribe en abandonnant Villavicencio.

Restent sur place une délégation du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) et les quatre hélicoptères envoyés par Hugo Chavez. Selon le président vénézuélien, "à moins qu'ils ne soient expulsés" par le gouvernement colombien, appareils et équipages demeureront à Villavicencio dans l'attente d'une reprise de l'opération suspendue par les FARC.

Le président Chavez n'a pas exclu une opération "clandestine", quoique plus "risquée", pour recueillir des mains de la guérilla Clara Rojas, Emmanuel et l'ex-parlementaire Consuelo Gonzalez. En maintenant l'attention des médias, le bouillant vénézuélien aide les FARC, en perpétuelle recherche de légitimité, à internationaliser le dossier du conflit intérieur colombien. Libérer les otages à Caracas ou en un point quelconque du Venezuela, où la guérilla colombienne a quasi pignon sur rue, serait trop facile, moins médiatique (sauf s'il s'agissait d'Ingrid Betancourt) et pas assez politique, car n'importunant en rien le président conservateur colombien Alvaro Uribe. Ce serait aussi confirmer trop clairement la connexion Chavez-FARC.

LES HÉLICOPTÈRES REVIENNENT AU VENEZUELA

CARACAS, jeudi 3 janvier 2007 - Sur décision du gouvernement de Caracas, les quatre hélicoptères envoyés à Villavicencio (Colombie) par le président Hugo Chavez ont regagné jeudi le Venezuela.

Les quatre appareils vénézuéliens, deux MI-17 de fabrication russe et deux Bell 212 de fabrication américaine, étaient engagés sous l'emblème de la Croix-Rouge dans la mission frustrée de récupération de trois otages de la guérilla marxiste colombienne des FARC. (Article ci-dessus)

Le 31 décembre, le président Chavez avait déclaré qu'appareils et équipages resteraient à Villavicencio dans l'attente d'une reprise de l'opération humanitaire suspendue par les FARC.

L'opération "se poursuit", entrant "dans une nouvelle phase", a affirmé Hugo Chavez ce 3 janvier à Caracas, sans fournir de précisions. Il s'exprimait par téléphone sur la chaîne de télévision publique VTV.




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