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"Marche mondiale" contre Hugo Chavez : utile, malgré l'échec

BOGOTA, dimanche 6 septembre 2009 (LatinReporters.com) - "Nous calculons que 50 à 60 millions de personnes uniront leurs voix contre les ingérences et le manque de respect du président vénézuélien Hugo Chavez" estimait à Bogota, trois jours avant la "Marche mondiale" anti-Chavez du 4 septembre, l'un de ses organisateurs, le Colombien Juan David Lacouture. Mais le décompte global des manifestants dans des dizaines de villes d'une trentaine de pays se chiffre au mieux à 50.000. Echec donc d'une initiative néanmoins utile.

Le 4 février 2008, près de 5 millions de Colombiens et quelque 100.000 personnes dans le reste du monde avaient manifesté pour dire "Non aux FARC" (Forces armées révolutionnaires de Colombie), s'insurgeant contre la violence de cette guérilla marxiste qui jouit de la sympathie de Hugo Chavez. Internet assura et coordonna cette mobilisation spectaculaire.

Avec le site NoMasChavez.org et ses extensions sur Facebook, Twitter et You Tube, c'est également par Internet que quatre jeunes particuliers colombiens, convaincus de surpasser le succès du "Non aux FARC", convoquèrent la "Marche mondiale" du 4 septembre dernier sous le slogan "No mas Chavez" (Assez de Chavez).

Mais ils le firent douze jours seulement avant l'événement et sans appui institutionnel ni des grands médias. Le "Non aux FARC", lui, bénéficia de plusieurs semaines de promotion de la part des pouvoirs publics et des principaux médias colombiens, ainsi que d'une forte sensibilité internationale découlant du fait qu'à l'époque Ingrid Betancourt était encore otage des FARC.

Le lancement de la "Marche mondiale" contre Chavez fut décidé le 23 août. Ce jour-là, à la télévision vénézuélienne, qualifiant à nouveau de "traître" le président colombien Alvaro Uribe, Hugo Chavez s'était écrié: "Peuple colombien, ne tombe pas dans le piège, joins-toi à nous pour faire la grande patrie de Bolivar, la Grande Colombie!"

Le nouvel accord militaire américano-colombien, qui permet aux Etats-Unis d'utiliser sept bases colombiennes contre le narcotrafic et la guérilla, alimente la fureur du maître de Caracas. "Ces sept bases sont une déclaration de guerre contre la révolution bolivarienne et c'est ainsi que nous l'assumons" avertissait-il.

Si un million de manifestants contre les FARC avaient submergé en février 2008 la capitale colombienne, Bogota, ils n'y étaient le 4 septembre que quelque 10.000 pour conspuer le président vénézuélien et son entêtement à exporter sa révolution. Dans d'autres villes colombiennes -Medellin, Cali, Bucaramanga, Cucuta, Cartagena, Barranquilla, etc.- le millier de marcheurs était rarement surpassé.

Dans le reste du monde, on comptait deux mille manifestants à Miami et quelques centaines, voire quelques dizaines seulement à Caracas, New York, Madrid, Barcelone, Buenos Aires, Santiago du Chili, Panama, Managua, Quito, La Paz, Paris ou Berlin.

Seule Tegucigalpa, capitale du Honduras, se mobilisa autant que Bogota, avec une foule haranguée par le président hondurien en fonction, Roberto Micheletti, successeur du président Manuel Zelaya, l'allié de Hugo Chavez renversé le 28 juin dernier par un coup d'Etat. Chavez a cru "qu'avec un peu de carburant, non le sien mais celui du peuple vénézuélien, il pouvait acheter des consciences dans notre pays. Il s'est trompé. Nous n'avons pas de pétrole, mais de la dignité" a déclaré Roberto Micheletti, très applaudi.

En visite officielle à Téhéran, Hugo Chavez téléphona au soir du 4 septembre à Caracas pour émettre en direct à la télévision publique du Venezuela son diagnostic sur la "Marche mondiale" qui le visait. "C'est un échec et ils continueront à échouer", car "il s'agit de la lutte entre le passé obscur, horrible et ténébreux dont nous sortons et le nouveau jour qui se lève" estima Chavez. "Nous savons que derrière cela se trouve la CIA, avec son grand pouvoir, beaucoup d'argent et les ressources technologiques du capitalisme occidental" ajoutait le président vénézuélien.

Malgré son échec numérique dans la rue, la "Marche mondiale" offre plusieurs enseignements utiles:

- En moins de deux semaines un branle-bas de combat digital inédit, car dirigé explicitement contre un chef d'Etat, a mis très visiblement un président sur la défensive. Un précédent existe désormais. Il permet de spéculer sur les conséquences potentielles de campagnes digitales plus longues et très ciblées, par exemple pour soutenir la liberté d'expression dans un pays déterminé.

- Des attributs de la démocratie telles que l'initiative et la liberté individuelles, en l'occurrence de quatre jeunes particuliers colombiens, semblent négligeables dans la vision politique de Hugo Chavez lorsqu'il désigne la CIA comme organisatrice de la "Marche mondiale".

- Il existe une sensibilité internationale hostile aux ingérences de Hugo Chavez dans les affaires intérieures d'autres pays et un effet de répétition des protestations, si la "Marche mondiale" n'était qu'un premier pas, pourrait accentuer cette sensibilité.

- L'impopularité de Hugo Chavez au Honduras est manifeste. Cela complique le retour au pouvoir à Tegucigalpa de son allié Manuel Zelaya, pourtant soutenu par la communauté internationale depuis le coup d'Etat du 28 juin.



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