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Colombie-otages: 6 libérations et 11 assassinats des FARC confirmés

BOGOTA, vendredi 6 février 2009 (LatinReporters.com) - Libéré par les FARC le 5 février au sud-ouest de la Colombie, l'ex-député régional Sigifredo Lopez a accrédité la thèse de l'assassinat par cette guérilla de 11 autres députés de l'Assemblée départementale du Valle del Cauca, pris en otages en même temps que lui le 11 avril 2002. Du 1er au 5 février, les insurgés viennent de libérer unilatéralement 6 otages.

A peine débarqué à Cali d'un hélicoptère mis par le Brésil à la disposition de la Croix-Rouge internationale, Sigifredo Lopez déclarait en conférence de presse que ses onze compagnons furent massacrés par les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie; marxistes) le 18 juin 2007 et ne furent donc pas victimes d'un feu croisé avec l'armée comme le prétendit l'état-major des guérilleros.

Ce drame souleva une forte émotion nationale et internationale. La gauche démocratique colombienne, l'Eglise, les organisations humanitaires Amnesty International et Human Rights Watch, ainsi qu'entre autres l'Union européenne et le trio France-Suisse-Espagne, les trois pays alors accrédités pour tenter de favoriser la paix en Colombie, soulignèrent que ceux qui séquestrent sont responsables de la vie de leurs otages.

Effectuée par une commission internationale chapeautée par l'Organisation des Etats américains (OEA), une autopsie des cadavres en décomposition livrés à la Croix-Rouge trois mois après les faits par les FARC attestait que les onze députés périrent littéralement perforés d'une centaine de coups de feu. La commission se garda d'imputer le carnage à qui que ce soit. Néanmoins, le secrétaire général de l'OEA, le socialiste chilien José Miguel Insulza, déclara: "La responsabilité retombe sur les FARC en tant qu'auteurs de l'enlèvement. Il me semble que ce qui s'est passé ici fut intentionnel. Tous furent assassinés".

Le 27 mai 2008, les autorités colombiennes affirmaient avoir découvert dans les ordinateurs de Raul Reyes, le nº2 des FARC abattu le 1er mars 2008 par l'armée, un message électronique dans lequel Alfonso Cano, actuel chef suprême de la guérilla, reconnaissait "l'exécution" des 11 députés "à cause d'une grave confusion". Se croyant attaqués par l'armée, expliquerait en substance le message, les guérilleros auraient aussitôt exécuté leurs otages [conformément aux instructions générales de la direction des FARC en pareille circonstance; ndlr]. Mais les attaquants étaient en fait eux aussi des guérilleros des FARC, qui, toujours selon le message attribué à Alfonso Cano, croyaient donner l'assaut à un camp de la guérilla rivale de l'ELN (Armée de libération nationale; guévariste).

"Cette grave erreur nous causera de nombreux problèmes" aurait écrit Alfonso Cano. Dans un message postérieur récupéré des mêmes ordinateurs, il aurait recommandé à l'état-major des FARC d'accuser l'armée colombienne de la mort des députés.

Les FARC ne révélèrent le drame que le 28 juin 2007, dix jours après la tuerie, dans un communiqué annonçant la mort des 11 députés "sous un feu croisé lorsqu'un groupe militaire non identifié attaqua le campement" où ils étaient séquestrés. Le communiqué mettait en cause le président conservateur colombien Alvaro Uribe, dont "l'intransigeance démentielle à l'égard d'un échange humanitaire [de prisonniers] et sa stratégie de sauvetage militaire [d'otages]... mènent à des tragédies".

A Cali, vendredi devant la presse, le député rescapé Sigifredo Lopez a expliqué qu'il devait sa survie à "une punition" infligée par ses gardiens pour les avoir critiqués. Enchaîné à un arbre dans le même camp que ses compagnons, mais isolé et éloigné d'eux d'environ 200 mètres, il avait ainsi miraculeusement échappé aux conséquences de la "grave erreur" qu'aurait reconnue Alfonso Cano dans le message électronique que lui impute Bogota.

"Les FARC ont assassiné mes compagnons... Il n'y avait pas de tentative de sauvetage de l'armée, pas même d'hélicoptères" a affirmé Sigifredo Lopez. Selon lui, un commandant de la guérilla lui aurait expliqué plus tard que la fusillade, suivie de représailles sur les otages, aurait été provoquée par l'irruption inattendue de combattants du 19e front des FARC dans le camp où étaient détenus les députés.

Dévastateur pour la crédibilité de la guérilla, que Fidel Castro en personne écorchait récemment dans son livre "La paix en Colombie", le témoignage de l'ex-député régional faisait vendredi la une de la majorité des médias colombiens. "Les FARC ont assassiné mes 11 compagnons par paranoïa" titrait l'influent quotidien libéral El Tiempo au-dessus d'une photo de Sigifredo Lopez embrassant à son arrivée à l'aéroport de Cali ses deux fils qu'il n'avait plus vus depuis près de sept ans.

La confirmation ou pour le moins l'accréditation renforcée de l'assassinat multiple réduit considérablement le bénéfice politique que les FARC pouvaient espérer retirer de la libération unilatérale, du 1er au 5 février, de six otages. Le président Uribe n'y voit qu'une tentative de retrouver un espace politique après l'année catastrophique que fut 2008 pour la guérilla et avant les élections législatives et présidentielles de 2010. Les FARC ont subi l'an dernier la mort de leur fondateur et nº1 historique, Manuel Marulanda, de leur nº2 Raul Reyes, ainsi que d'Ivan Rios, le plus jeune des sept membres du commandement suprême. Divers chefs intermédiaires des rebelles ont par ailleurs été capturés ou ont déserté. Le plus cuisant revers des FARC fut la libération par l'armée, le 2 juillet 2008, de 15 otages, dont les plus précieux pour le chantage politique des insurgés, à savoir la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt et trois Américains.

Outre Sigifredo Lopez, trois policiers, un soldat et l'ancien gouverneur du département de Meta, Alan Jara, enlevé en 2001, ont retrouvé cette semaine avec émotion la liberté et leurs proches. Désormais, les FARC ne détiennent plus d'anciens mandataires politiques, mais il continuent à considérer comme otages "politiques" 22 officiers et sous-officiers de la police et de l'armée susceptibles d'être échangés contre des guérilleros prisonniers dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler échange ou accord humanitaire. Pareil échange est jugé indispensable par Sigifredo Lopez et Alan Jara. A peine libéré, ce dernier reprochait vivement au président Uribe de n'avoir "rien fait" en faveur des otages de la guérilla. On sait qu'Ingrid Betancourt n'est pas de cet avis.

La sénatrice de gauche Piedad Cordoba et les intellectuels du mouvement Colombiens pour la paix qui ont facilité les dernières libérations par leurs contacts avec les FARC espèrent que l'accord humanitaire, introuvable jusqu'à présent, déboucherait sur de véritables négociations de paix clôturant un conflit intérieur vieux de près d'un demi-siècle.

Quant aux centaines d'otages anonymes -hommes, femmes et enfants- que les FARC ne relâcheraient que contre rançon financière, on en parle beaucoup moins. Jusqu'à présent, la guérilla les a toujours exclus d'un éventuel échange humanitaire.




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