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Uribe au Sommet extraordinaire de l'Unasur le 28 août
Colombie / Etats-Unis : accord conclu sur l'utilisation de 7 bases militaires

BOGOTA, samedi 15 août 2009 (LatinReporters.com) - Malgré de vifs remous diplomatiques en Amérique latine, la Colombie et les Etats-Unis ont conclu le 14 août, après plusieurs mois de négociations, l'accord permettant aux forces américaines d'utiliser sept bases militaires colombiennes. Le président conservateur colombien Alvaro Uribe participera le 28 août en Argentine au sommet extraordinaire de l'Unasur (Union des nations sud-américaines), qui évaluera les conséquences de cet accord pour la sécurité régionale.

L'accord avive la tension entre la Colombie et deux de ses voisins gouvernés par la gauche radicale, le Venezuela et l'Equateur. Washington s'est tourné vers Bogota pour compenser la fin de la présence militaire américaine sur la base équatorienne de Manta, Quito ayant interdit le maintien de forces étrangères sur son sol.

"Le gouvernement colombien informe qu'aujourd'hui ont été conclues les négociations de l'Accord en Matière de Coopération et d'Assistance Technique à la Défense et à la Sécurité entre les gouvernements de Colombie et des Etats-Unis. Cet accord réaffirme l'engagement des parties dans la lutte contre le trafic de drogue et le terrorisme. Le texte conclu va être soumis à l'examen technique des instances gouvernementales de chaque pays avant signature" annonçait vendredi à Bogota, sans autre précision, ce bref communiqué du ministère des Relations extérieures.

"Ennemis transnationaux"

Peu avant cette annonce, le porte-parole du département d'Etat américain, Philip Crowley, indiquait à Washington que l'accord permettra de mener avec la Colombie des actions conjointes contre "le trafic de drogue, le crime transnational et le terrorisme". Deux jours plus tôt, le ministre colombien de la Défense, Gabriel Silva, voyait en l'accord "un effort pour défendre la souveraineté de la patrie contre les ennemis transnationaux".

Le narcotrafic entre l'Amérique du Sud et les Etats-Unis, que Washington entend combattre à partir de la Colombie, premier producteur mondial de cocaïne, est certes "transnational". Mais l'ambiguïté de ce terme permet de spéculer. Car si la lutte contre la drogue et le terrorisme vise manifestement la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), financée notamment par le trafic de cocaïne et étiquetée comme terroriste par les Etats-Unis et l'Union européenne, qui sont "les ennemis transnationaux" de la Colombie? Peut-être les FARC encore, dans la mesure où ils disposent, selon les preuves de Bogota, de complicités et de bases arrières au-delà des frontières, en Equateur et au Venezuela, qui le nient malgré les évidences. Ou s'agit-il aussi de ces deux pays, dont les présidents dérivent vers l'autocratie?

Au sommet annuel ordinaire de l'Unasur, le 10 août à Quito, capitale de l'Equateur, le président vénézuélien Hugo Chavez affirmait que le renforcement de la présence militaire américaine en Colombie "fait souffler des vents de guerre" sur la région. Chef de file des gauches radicales latino-américaines, le président Chavez prétend que les Etats-Unis veulent provoquer un conflit armé entre Bogota et Caracas dans le but de s'emparer des champs pétroliers vénézuéliens et de dynamiter tant l'Unasur que les régimes de gauche en Amérique latine. Les présidents de l'Equateur, Rafael Correa, et de la Bolivie, Evo Morales, souscrivent à ce discours alarmiste.

"Ce que nous faisons contre le terrorisme convient à nos voisins" a répliqué vendredi le président colombien Alvaro Uribe, affirmant que la guérilla des FARC se livre également au-delà des frontières colombiennes au narcotrafic et aux enlèvements pour rançon. Tant Washington que Bogota ont par ailleurs assuré récemment à diverses reprises que les bases utilisées par les forces américaines en Colombie ne serviraient pas de tremplin à des actions contre d'autres pays. Appelant à une normalisation de ses relations avec Quito et Caracas, le président Uribe s'est même à nouveau excusé, vendredi, de la destruction par l'armée colombienne, le 1er mars 2008, d'un important camp des FARC au nord de l'Equateur. Quito rompait alors ses relations diplomatiques avec Bogota et se refuse jusqu'à présent à les renouer.

Le Brésil veut des garanties de Barack Obama

Au Brésil, le ministre des Relations extérieures, Celso Amorim, a réclamé vendredi tant de la Colombie que des Etats-Unis la "garantie juridique" que l'utilisation des bases colombiennes "ne compromettra pas la sécurité d'autres pays de la région". Le ministre a en outre confirmé que le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva souhaite débattre de ce dossier avec le président des Etats-Unis, Barack Obama.

Le 10 août, au sommet ordinaire de l'Unasur, le président Lula recommandait de "songer qu'à un certain moment l'Unasur puisse inviter le gouvernement des Etats-Unis à une discussion profonde sur sa relation avec l'Amérique du Sud". Hugo Chavez appuyait cette démarche et estimait qu'un débat collectif avec Barack Obama pourrait avoir lieu en septembre à New York, en marge de l'Assemblée générale annuelle des Nations unies. Des analystes ont aussi émis l'hypothèse que Barack Obama soit invité à s'exprimer devant le sommet extraordinaire que l'Unasur dédiera le 28 août à Bariloche, dans le sud argentin, aux implications régionales de l'accord américano-colombien.

Bien qu'admettant qu'un dialogue sur cet accord pourrait être ouvert par les Etats-Unis avec d'autres nations, le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley, a marqué clairement les limites de cet éventuel dialogue, estimant que l'accord est "strictement bilatéral" et n'est pas du ressort de la région. Il est donc improbable que Barack Obama s'explique formellement devant les douze pays de l'Unasur (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Equateur, Guyana, Paraguay, Pérou, Surinam, Uruguay et Venezuela).

Elargir le débat

Absent au sommet ordinaire de Quito à cause de la tension persistante avec l'Equateur, le président colombien Alvaro Uribe a annoncé qu'il participera au sommet extraordinaire de l'Unasur du 28 août en Argentine. Mais il a laissé entendre qu'il n'y viendrait pas en accusé. Sa participation, a-t-il précisé, ne conditionnera en rien l'accord conclu avec les Etats-Unis. En outre, le président colombien prétend élargir les débats du sommet à d'autres accords militaires souscrits dans la région, au trafic illégal d'armes et au terrorisme.

Au-delà de l'accord américano-colombien, l'Unasur devrait donc, si Alvaro Uribe est écouté, soupeser les conséquences du soutien de certains pays à la guérilla des FARC, ainsi que de l'achat massif d'avions, d'hélicoptères et d'autres engins militaires et armes diverses ces cinq dernières années par le Venezuela pour un montant global d'au moins quatre milliards de dollars. On évaluerait aussi les conséquences potentielles pour la sécurité de la région des facilités, pour l'heure seulement ponctuelles, offertes par le Venezuela à l'aviation et à la marine de guerre russes. Mais il est probable que Hugo Chavez n'acceptera pas plus qu'Alvaro Uribe de faire figure d'accusé. S'il n'est pas ajourné, le sommet du 28 août risque donc d'être agité.



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