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Correspondant de France 24 blessé dans une attaque de la guérilla
Colombie: Roméo Langlois est-il vraiment "prisonnier" des Farc?
 

Lundi 30 avril 2012 (LatinReporters.com) - En reportage aux côtés de l'armée colombienne, Roméo Langlois, correspondant en Colombie de la chaîne de télévision France 24 et du quotidien Le Figaro, a été blessé au bras gauche et est porté disparu après une attaque menée le 28 avril par la guérilla des Farc a déclaré dimanche le ministre colombien de la Défense, Juan Carlos Pinzon. Il n'a pas confirmé que le journaliste soit "prisonnier" des rebelles, comme l'a affirmé le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé.

Fondée en 1964, les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie; marxistes), dernière grande guérilla d'Amérique latine, comptent encore 9.000 combattants, essentiellement repliés dans les régions de montagnes et de forêts. Depuis le début de l'année, elles proposent au gouvernement du président de centre droit Juan Manuel Santos l'ouverture de négociations. Les rebelles ont libéré les derniers policiers et militaires qu'ils retenaient en otage, depuis 12 ans pour certains.

Le 26 février dernier, la guérilla disait en outre renoncer définitivement à l'enlèvement de civils. Théoriquement, quoique dans le passé la bonne foi des Farc ait rarement été accréditée, la disparition de Roméo Langlois ne sera donc pas une nouvelle affaire Betancourt. (La Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, libérée par l'armée le 2 juillet 2008, fut pendant plus de six ans otage de la guérilla).

Et même si Roméo Langlois était actuellement au mains des Farc, il n'en serait pas nécessairement le prisonnier. Il serait alors plutôt probable que la guérilla cherche à orchestrer la mise en scène qui lui serait politiquement la plus favorable pour remettre rapidement le journaliste français aux mains de la Croix-Rouge ou d'une autre organisation agréée tant par les rebelles que par le gouvernement. Cette hypothèse n'exclut pas une prompte réapparition en solitaire de Roméo Langlois.

Il s'est dirigé "vers la zone d'où venaient les tirs"

D'après "ce que m'ont raconté les personnes qui étaient avec lui jusqu'au dernier moment" avant sa disparition, "il a été touché par une balle au bras gauche" et dans la "confusion" qui régnait alors sur le terrain, "il a certainement pris la décision d'enlever son gilet [pare-balles] et son casque" pour signaler à la guérilla qu'il était un civil, se dirigeant alors "vers la zone d'où  venaient les tirs des guérilleros" a expliqué le ministre Juan Carlos Pinzon.

"Nous devons exiger de l'organisation terroriste des Farc, si elle le détient, de préserver sa vie et elle sera tenue pour responsable de tout ce qui arrivera [à Roméo Langlois], s'il est en son pouvoir", a poursuivi le ministre colombien de la Défense, qui s'adressait aux journalistes.

Selon l'armée, quatre militaires ont été tués et huit autres blessés dans l'attaque, survenue samedi dans le département de Caqueta (sud) lors d'une opération antidrogue. Cinq soldats ainsi que le journaliste français qui les accompagnait étaient portés disparus, mais les soldats ont ensuite été retrouvés vivants.

En France, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a affirmé dimanche en marge d'une réunion politique à Lyon que Roméo Langlois avait "été enlevé à l'occasion d'un affrontement entre les troupes colombiennes et les Farc" et "fait prisonnier". Il a ajouté, cité par l'AFP, que "le centre de crise [du ministère des Affaires étrangères] est mobilisé, on est en liaison avec les autorités colombiennes".

"Nous faisons confiance à Roméo, qui connaît bien le terrain"

Journaliste indépendant âgé de 35 ans, Roméo Langlois vit depuis plus de dix ans en Colombie. Il y a réalisé de nombreux reportages d'investigation, particulièrement sur la guérilla marxiste des Farc dont il est l'un des spécialistes.

"Nous savons que c'est une région dangereuse. Nous sommes bien sûr inquiets, mais nous faisons confiance à Roméo, qui connaît bien le terrain et qui a beaucoup d'expérience. Nous espérons donc qu'il est sain et sauf", a déclaré Nahida Nakad, directrice des rédactions de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF).

Sur son site Internet, Anncol (Agencia de Noticias Nueva Colombia), souvent considérée comme une agence officieuse des Farc, accusait dimanche le gouvernement colombien d'avoir "programmé l'attaque cinématographique d'un camp de guérilleros, le directeur du film étant le directeur de ciné Roméo Langlois, de nationalité française".

"Il est à supposer que la responsabilité du gouvernement colombien est engagée lorsqu'il inclut dans ses rangs militaires un citoyen étranger en tant que correspondant de guerre" ajoutait Anncol.

Ces coups de griffe n'empêcheront sans doute pas la réapparition rapide du journaliste français.

PRÉSIDENT SANTOS : "INDICES TRÈS CLAIRS QUE LE JOURNALISTE FRANÇAIS EST AU POUVOIR DES FARC"

BOGOTA, mardi 1er mai 2012 (LatinReporters.com) - "Nous avons des indices très clairs indiquant que le journaliste français [Roméo Langlois] est au pouvoir des Farc" a déclaré lundi soir à Bogota le président colombien Juan  Manuel Santos lors d'un acte institutionnel au palais présidentiel.

C'est la première fois que le gouvernement colombien accuse la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) de détenir le correspondant du Figaro et de la chaîne d'information France 24, Roméo Langlois, disparu le 28 avril lorsque les rebelles ont attaqué dans le département de Caqueta (sud) un détachement de l'armée qu'accompagnait le journaliste pour faire un reportage sur la lutte antidrogue. (Voir article ci-dessus).

Le président Santos a rappelé que les Farc avaient annoncé en février qu'ils abandonnaient définitivement les enlèvements. "Le monde entier et la Colombie seront attentifs au respect de cette promesse" a poursuivi le chef de l'État.

Il a prié la guérilla "de libérer le plus vite possible ce journaliste, notamment parce que nous avons appris qu'il est blessé ... et parce que tout ce qui peut lui arriver relève de la responsabilité absolue et totale des Farc".

Des soldats rescapés de l'affrontement de samedi avec la guérilla, au cours duquel quatre militaires ont été tués et huit autres blessés, ont rapporté que Roméo Langlois avait été blessé au bras gauche. Il avait alors ôté son casque et son gilet pare-balles, manifestant ainsi clairement sa condition de civil en se dirigeant vers la zone d'où venaient les tirs des guérilleros.

Le ministre colombien de la Défense, Juan Carlos Pinzon, a précisé lundi que toute éventuelle tentative militaire de récupération du journaliste serait au préalable concertée avec la France et ne serait effectuée qu'avec l'accord de Paris.


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