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Fidel Castro remplacé par son frère à la tête du Parti communiste
Le 6e Congrès du parti a laissé la vieille garde aux commandes
Cuba: le PCC couronne Raul Castro et l'ouverture économique; Fidel s'efface
 

LA HAVANE, mercredi 20 avril 2011 (LatinReporters.com) - Devant paradoxalement être menée par la vieille garde révolutionnaire, puisqu'elle reste aux commandes, l'ouverture économique défendue par le président Raul Castro a été approuvée par le 6e Congrès du Parti communiste de Cuba (PCC), tenu à La Havane du 16 au 19 avril. Raul Castro, 79 ans, a été élu premier secrétaire du PCC, poste qu'occupait son frère Fidel depuis la fondation du parti, en 1965.

Fidel Castro, 84 ans, n'a désormais plus aucune fonction officielle. Il s'était en fait retiré du pouvoir dès juillet 2006 à la suite d'une grave hémorragie intestinale. Sa relève à la tête du PCC n'était plus qu'une formalité, comme le fut en février 2008 son remplacement par Raul à la présidence du pays et du gouvernement (soit, formellement, à la présidence du Conseil d'Etat et du Conseil des ministres).

En perpétuelle convalescence, le père de la Révolution a surpris par sa présence soudaine à la clôture du congrès. Les mille congressistes l'ont ovationné. Visiblement fragile, il n'a pas pris la parole. Pour symboliser la communion d'idées entre lui et son frère et bien signifier qui désormais tient les rênes du pouvoir, Fidel a levé le bras de Raul lorsque tous chantaient l'Internationale.

"Fidel, c'est Fidel et il n'a besoin d'aucun mandat pour occuper toujours une place à la cime de l'histoire, du présent et du futur de la nation cubaine" a déclaré Raul Castro. La veille, dans l'une des "Réflexions" dont il inonde la presse cubaine, le Lider Maximo, devenu selon sa propre expression simple "soldat des idées", avait confirmé qu'il souhaitait être relevé de la charge qu'il n'occupait plus que symboliquement à la tête du Parti communiste de Cuba.

Parmi les 115 membres du nouveau comité central du PCC, la proportion de femmes, de noirs et de métis a été augmentée afin de remédier à leur traditionnelle sous-représentation, que Raul Castro avait qualifiée de "honte". Mais au sein du comité, la vieille garde -dont 24 généraux, deux commandants historiques et le président cubain lui-même- demeure un bastion incontournable.

Le bureau politique, ramené de 24 à 15 membres, ne compte, lui, que trois visages nouveaux. Six généraux continuent à y siéger. La réduction du nombre de membres accroît leur poids relatif, ainsi que celui de Raul Castro, qui fut ministre des Forces armées révolutionnaires pendant quasi un demi-siècle (1959-2008). A noter tout de même l'entrée au bureau de Marino Murillo, 50 ans, en charge depuis plusieurs mois, au sein du gouvernement, de la supervision de l'application des réformes économiques.

Quant au nouveau second secrétaire du parti, José Ramon Machado Ventura, déjà vice-président de Cuba, il est à 80 ans l'un des symboles historiques de la Révolution et de l'orthodoxie communiste. Il lui reviendrait d'assumer au moins provisoirement le pouvoir suprême en cas d'empêchement de Raul Castro.

Manque d'une "réserve de remplaçants dûment préparés"

Cette composition des instances dirigeantes contredit l'appel au rajeunissement des cadres lancé par Raul Castro à l'ouverture du congrès, le 16 avril. "Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il est recommandable de limiter à un maximum de deux périodes consécutives de cinq ans l'exercice des mandats politiques et étatiques fondamentaux" déclarait-il alors. Mais il regrettait aussitôt "de ne pas disposer d'une réserve de remplaçants dûment préparés".

La Conférence nationale du PCC annoncée pour le 28 janvier 2012, afin notamment "d'actualiser les méthodes de travail, les structures et la politique de cadres" du parti permettra peut-être d'y voir plus clair. Une résolution adoptée par les congressistes octroie à cette conférence "la faculté d'élire de nouveaux membres du comité central, au-delà du nombre approuvé au 6e Congrès". Il est raisonnable de supposer qu'on ne confirmera pas alors que parmi 11,5 millions de Cubains nul ne serait à même de prendre la succession d'une poignée d'anciens révolutionnaires au bord de l'extinction biologique, quoique l'impossibilité de dictateurs à assurer une relève répondant à leurs critères serait une excellente nouvelle pour la dissidence et la démocratie.

En attendant, c'est donc essentiellement avec la vieille garde, dont l'aile militaire gère depuis longtemps des pans entiers de l'économie nationale, que Cuba prétend, selon l'expression officielle, "actualiser le modèle socialiste". Et ce, a précisé Raul Castro, "sans jamais permettre le retour du régime capitaliste".

Pour justifier cette "actualisation", le président cubain agitait en décembre dernier le risque de banqueroute, déclarant à l'Assemblée nationale : "Il n'est plus temps de marcher au bord du précipice. Ou nous rectifions ou nous nous effondrons, emportant l'effort de générations entières". Ce diagnostic suffit peut-être à mettre en doute de supposées qualités de gestion attribuées parfois aux militaires.

Planification prépondérante, mais en "tenant compte des tendances du marché"

Débattu des semaines durant au sein d'assemblées diverses, le plan de réformes soutenu par Raul Castro, intitulé "Directives de la politique économique et sociale du Parti et de la Révolution", a été entériné par le 6e Congrès du PCC. L'ossature du plan est le "Projet des grandes lignes de la politique économique et sociale" rendu public en novembre dernier. Il a été l'objet de nombreux amendements et d'ajouts portant à 313 ses 291 propositions initiales. Le texte intégral final n'a pas encore été diffusé.

Selon une résolution approuvée à l'unanimité des congressistes, l'objectif du plan est de "garantir la continuité et le caractère irréversible du socialisme, le développement économique et l'élévation du niveau de vie de la population". Le texte souligne que "dans l'actualisation du modèle économique, la planification sera prépondérante, tout en tenant compte des tendances du marché".

La résolution indique encore que l'entreprise d'Etat socialiste occupera la place principale dans l'économie nationale, mais le nouveau modèle "reconnaîtra et favorisera" notamment "les investissements étrangers, les coopératives, les petits agriculteurs et les travailleurs indépendants". Il est aussi mentionné que "socialisme signifie égalité de droits et d'opportunités pour tous les citoyens, mais non égalitarisme".

Certaines réformes vont bouleverser la vie quotidienne des Cubains : vendre ou acheter une voiture ou un appartement, recevoir un crédit bancaire, ou décupler les surfaces cultivables par des paysans autonomes.

Les petits travailleurs indépendants vont pouvoir continuer à se multiplier. En contrepartie, la suppression progressive de centaines de milliers d'emplois publics est déjà lancée. Pour éviter le vertige collectif, Raul Castro assure que l'Etat ne laissera aucun Cubain dans la nécessité.


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