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9,7 millions d'électeurs appelés aux urnes ce 28 septembre
Equateur-référendum constitutionnel: "choix entre 2 mondes" selon le président Rafael Correa

QUITO, dimanche 28 septembre 2008 (LatinReporters.com) - Allié de son homologue vénézuélien Hugo Chavez, le président équatorien Rafael Correa estime que l'Equateur va "choisir entre deux mondes, deux systèmes, deux propositions de développement complètement différentes", c'est-à-dire entre le néolibéralisme et le socialisme dit du 21e siècle. En pleine crise financière du capitalisme mondial, présenter ainsi le référendum constitutionnel de ce 28 septembre favorise théoriquement le oui à une nouvelle Constitution antilibérale.

Ce sera, si elle est plébiscitée, la 20e Charte suprême depuis l'indépendance, en 1822, de ce pays sud-américain de 14 millions d'habitants, dont 9,7 millions sont appelés aux urnes. Les sondages prédisent la victoire du oui avec près de 60%. Le non plafonnerait à 30%.

Tant le Centre Carter -par la voix de son représentant Francisco Diez (1)- que l'Organisation des Etats américains -via son chef de mission Enrique Correa (2), sans parenté avec le président Correa-, deux organismes dont les émissaires côtoient ceux de l'Union européenne pour observer le scrutin, estiment que la propagande gouvernementale, non réglementée contrairement à celle des partis, a clairement déséquilibré en faveur du oui la campagne référendaire. Des éditorialistes notent que les chaînes de télévision saisies par le gouvernement en juillet dernier ont contribué à ce déséquilibre.

Elu en novembre 2006, le président Correa, économiste de 45 ans, a situé l'Equateur dans le camp de la gauche latino-américaine radicale, aux côtés du Venezuela, de Cuba, de la Bolivie et du Nicaragua. Très applaudi par la forte minorité amérindienne (le tiers de la population), ce positionnement a été symbolisé par une intense coopération économique avec le Venezuela, le retour de l'Equateur au sein de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), l'expulsion du représentant de la Banque mondiale à Quito et la décision de ne pas renouveler, à son échéance en 2009, l'accord cédant depuis 1999 aux Etats-Unis l'usage de la base militaire aérienne équatorienne de Manta.

L'économie "sociale et solidaire" remplace l'économie de marché

Quoique le "socialisme du 21e siècle" prôné par Hugo Chavez soit aussi l'ambition proclamée de Rafael Correa, le mot "socialisme" est totalement absent du projet de nouvelle Constitution issu de l'Assemblée constituante dominée par le parti présidentiel Alianza Pais. Il s'agit peut-être d'une prudence tactique après l'échec référendaire, en décembre 2007, de la révision de la Constitution vénézuélienne. Hugo Chavez tenta alors d'y introduire 16 fois les mots "socialisme" ou "socialiste(s)" pour incliner davantage encore à gauche l'organisation politique, sociale, économique, militaire et territoriale du Venezuela.

Le projet constitutionnel de Rafael Correa n'en remplace pas moins l'économie de marché par un "système économique social et solidaire" (article 283 du projet de nouvelle Constitution), dans lequel la propriété privée est relativisée par d'autres formes de propriétés -communautaire, de l'Etat, associative, coopérative, mixte- toutes sujettes à l'accomplissement d'une fonction à la fois "sociale" et liée au "milieu ambiant" (article 321).

"L'Etat se réserve le droit d'administrer, de réguler, de contrôler et de gérer les secteurs stratégiques", définis comme "l'énergie sous toutes ses formes, les télécommunications, les ressources naturelles non renouvelables, le transport et le raffinage des hydrocarbures, la biodiversité et le patrimoine génétique, le spectre radioélectrique, l'eau, et les autres que détermine la loi" (article 313). La plupart de ces secteurs sont en outre déclarés "propriété inaliénable de l'Etat" (article 408).

"L'Etat planifiera le développement du pays" (article 275) et "la formulation des politiques monétaire, de crédit, de change et financière sera la faculté exclusive" de l'Exécutif (article 303), tandis que les "entités ou groupes financiers ne pourront pas posséder de participations permanentes, totales ou partielles, dans des entreprises ne relevant pas de l'activité financière", en particulier dans les médias (article 312).

La gratuité de la justice (article 75) et des réseaux publics d'éducation (article 348) et de santé (article 362) est proclamée sans les limitations et conditions auxquelles la Constitution de 1998 soumet cette gratuité.

"L'Etat réglementera l'usage et l'accès à la terre, qui devra remplir la fonction sociale et écologique. Un fonds national de la terre réglementera l'accès équitable des paysans à la terre. Sont prohibés le latifundium et la concentration de la terre, ainsi que l'accaparement ou la privatisation de l'eau et de ses sources" (article 282).

"Les autorités des communautés, peuples et nationalités indigènes exerceront sur leur territoire des fonctions juridictionnelles basées sur leurs traditions ancestrales et leur propre droit" (article 171).

En politique extérieure, la création d'un ensemble intégré "avec les pays d'Amérique latine et des Caraïbes sera un objectif stratégique de l'Etat" (article 423).

Le projet de nouvelle Charte suprême renforce les pouvoirs du président, notamment à l'égard de l'Assemblée nationale (Parlement monocaméral), dont les projets de loi pourraient être gelés pendant un an par la présidence (article 138) et dont le chef de l'Etat pourra proclamer la dissolution "lorsqu'il estimera qu'elle [l'Assemblée nationale] se serait arrogée des fonctions qui ne sont pas constitutionnellement de sa compétence" (article 148). Toutefois, à la demande de 15% des électeurs inscrits, le président pourrait, comme au Venezuela et en Bolivie, être soumis à un référendum révocatoire (articles 105 et 106).

Au mandat présidentiel unique de quatre ans se substitue le droit de briguer un second mandat, consécutif ou non, mais non davantage (article 144). Cette faculté s'appliquera à partir des élections générales anticipées qui seront convoquées début 2009 si la nouvelle Constitution est approuvée. Le président Correa pourrait donc se perpétuer au pouvoir jusqu'en 2017 si les électeurs en décident ainsi... et si la justice équatorienne continue d'ignorer les indices d'un possible financement illégal partiel, en 2006, de la campagne présidentielle de Rafael Correa par la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), considérée comme terroriste par l'Union européenne et les Etats-Unis. Le 1er mars dernier, l'attaque par l'armée colombienne d'un camp des FARC au nord de l'Equateur déboucha sur la mort du numéro deux (Raul Reyes) de cette guérilla et souleva une grave crise régionale.

Guayaquil, poumon économique de l'Equateur et citadelle du non à la nouvelle Constitution

Quant aux partisans du non -patronat, démocratie chrétienne, divers médias, Eglise, parti Société patriotique de l'ex-président Lucio Gutierrez et certains notables locaux-, ils dénoncent un ou plusieurs des vices supposés prêtés au projet de nouvelle Constitution: excès d'étatisme et de collectivisme, centralisme abusif, pouvoirs dictatoriaux octroyés au président, réduction de la liberté des médias et porte ouverte au mariage homosexuel et à l'avortement.

Sur ce dernier point, sensible alors que le chef de l'Etat est catholique pratiquant et que le projet constitutionnel a été rédigé, selon son préambule, "en invoquant le nom de Dieu", le président Correa réplique en citant l'article 45 du projet: "L'Etat reconnaîtra et garantira la vie dès la conception". L'article 66/10 garantit toutefois aux Equatoriens et Equatoriennes "le droit à prendre des décisions libres, responsables et informées relatives à leur santé et à leur vie reproductive et à décider quand ils veulent avoir des enfants et combien".

Quant à l'article 68 qui pourrait permettre la reconnaissance juridique des couples homosexuels, il est précédé, à l'article 67, de cette affirmation très vaticane: "Le mariage est l'union entre un homme et une femme". La légalisation du mariage homosexuel n'est donc pas envisagée.

L'opposition la plus redoutée est celle du social-chrétien Jaime Nebot, maire de Guayaquil, principale ville équatorienne (3 millions d'habitants), grand port du Pacifique et poumon économique du pays. Jaime Nebot promet de "faire respecter" la décision des Guayaquileños si, comme les sondages l'indiquent, ils rejetaient une Constitution "contraire à la liberté, totalitaire, centraliste, qui porte atteinte aux municipalités et est dangereuse économiquement".

Rafael Correa et son allié vénézuélien Hugo Chavez prétendent que la victoire à Guayaquil et dans sa région du non au projet constitutionnel servirait de prétexte à un séparatisme semblable à celui qu'ils attribuent aux riches départements orientaux de la Bolivie. L'axe socialiste Quito-Caracas-La Paz accuse les Etats-Unis d'exacerber le régionalisme, y compris dans l'Etat pétrolier vénézuélien de Zulia, pour tenter de précipiter la chute des présidents Correa, Chavez et Evo Morales.



(1) Déclarations au quotidien équatorien El Telégrafo de Francisco Diez, représentant du Centre Carter en Amérique latine - 25 septembre 2008

(2) Conférence de presse à Quito du Chilien Enrique Correa, chef de la mission d'observation électorale de l'OEA - Agencia EFE, 11 septembre 2008




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