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Trois chaînes de télévision saisies, une radio fermée
Equateur: razzia du président Correa sur les médias avant un référendum constitutionnel

TC Televisión est l'une des chaînes saisies par le président Rafael Correa. L'information devient propagande gouvernementale garantie par la police équatorienne - Photo © La Hora.
QUITO, jeudi 10 juillet 2008 (LatinReporters.com) - Dans l'école du socialisme radical sud-américain, l'élève surpasse le maître. Si le président vénézuélien Hugo Chavez avait fermé en mai 2007 une chaîne de télévision inamicale, son allié Rafael Correa, président de l'Equateur, en saisit aujourd'hui trois et ferme une radio. Il interdit en sus tout recours en justice. Et cela deux mois avant le référendum, à l'issue incertaine, sur une nouvelle Constitution socialiste.

Au nom du gouvernement, la police équatorienne a pris possession le 8 juillet de 195 sociétés censées appartenir au groupe Isaias, dont les chaînes de télévision privées Gamavisión, TC Televisión et Cablevisión, qui jouissent de plus de la moitié de l'audience nationale. Dans un processus différent mais simultané, la populaire Radio Sucre, critique du pouvoir, a été fermée pour problèmes présumés de fréquence. Le Consejo Nacional de Radiodifusión y Televisión (Conartel) analyse en outre, pour indices supposés d'irrégularités, l'exploitation de 597 fréquences locales et nationales, y compris celles des autres chaînes privées de télévision d'audience nationale, RedTeleSistema, Telerama, Ecuavisa y Teleamazonas.

Jamais peut-être, dans un pays que la communauté internationale considère encore comme démocratique, le pouvoir n'avait fait une telle razzia sur les médias. Les trois télévisions passées sous contrôle public continuent à émettre, mais la ligne éditoriale de l'information y est dictée par un gérant nommé par le gouvernement. La propagande s'y substitue à l'analyse à l'approche du référendum auquel sera soumis, en septembre, la nouvelle Constitution socialiste. L'Assemblée constituante la peaufine sous la domination du parti présidentiel Acuerdo Pais (Accord Pays). Les derniers sondages jettent un doute sur la victoire du oui.

Perpétrant son coup de force à un moment qu'il croit politiquement opportun, Rafael Correa le justifie par un argument qu'applaudissent de nombreux Equatoriens. Il s'agit, officiellement, de récupérer les 661 millions de dollars qu'aurait coûté à l'Etat et aux épargnants la faillite frauduleuse, il y a dix ans, de la banque Filanbanco. Roberto et William Isaias, ex-administrateurs de Filanbanco et propriétaires supposés des sociétés et chaînes de télévisions saisies le 8 juillet, sont réfugiés aux Etats-Unis. L'Equateur demande leur extradition.

Soixante mille clients de Filanbanco furent victimes du crash bancaire national qui déboucha en 2000 sur l'adoption du dollar américain comme monnaie officielle de l'Equateur. Le président Correa affirme que les télévisions et autres sociétés du groupe Isaias seront vendues aux enchères pour compenser les pertes de l'Etat et des épargnants. Toutefois, le quotidien El Telégrafo, saisi l'an dernier et devant lui aussi être vendu pour dédommager des victimes du crash bancaire, est devenu et demeure un organe officiel de défense du pouvoir.

Les avocats du groupe Isaias contestent le caractère administratif des saisies, ordonnées au nom du gouvernement, sans la moindre décision de justice, par l'Agencia de Garantía de Depósitos (Agence de garantie des dépôts, AGD). Ils prétendent aussi que nombre de sociétés visées n'appartiendraient plus au groupe Isaias.

Pour empêcher toute contestation juridique, l'Assemblée constituante a adopté par 87 voix, 14 abstentions et 2 votes blancs une résolution préparée par le bureau politique du parti présidentiel Acuerdo Pais. Aux termes de cette résolution, les saisies opérées le 8 juillet ne peuvent faire l'objet d'aucun recours en justice et tout juge qui admettrait l'ouverture d'une procédure de recours serait destitué.

Les décisions de l'Assemblée constituante, dont la première fut la dissolution du Parlement, sont souveraines et sans appel. Siégeant depuis novembre 2007 à Montecristi, dans la province côtière de Manabi, la Constituante monopolise en effet, jusqu'aux élections générales qui suivront l'adoption (incertaine) d'une nouvelle Constitution, les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, constitutionnel et électoral. Cela explique notamment pourquoi le président Correa n'aura pas à répondre devant les tribunaux de l'accusation de financement illégal, en 2006, de sa campagne électorale présidentielle. L'un des ordinateurs saisis à la guérilla colombienne marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) contient des messages, dont l'intégrité a été avalisée par Interpol, mentionnant le financement partiel, par les FARC, de la campagne de Rafael Correa.

Réactions

Sous le titre "Manoeuvre électorale", un éditorial inhabituel d'El Universo, principal quotidien de l'Equateur, reflète le malaise des professionnels de l'information. Le journal affirme que, sous prétexte de satisfaire une légitime revendication de justice sociale, le gouvernement du président Correa cherche, en saisissant des médias, à "élargir le contrôle de l'Etat sur les moyens de communication au début d'une campagne électorale difficile".

A Miami, la Société interaméricaine de presse (SIP), qui regroupe 1.400 éditeurs de médias du continent américain, y voit "un grave outrage au droit à l'information". Comme El Universo, la SIP s'indigne de "la soumission de la politique éditoriale" [des télévisions saisies] à un "directeur de l'information nommé par le gouvernement", ce qui reviendrait à pratiquer "une politique de censure déguisée en mesures légales".

A Montevideo, l'Association internationale de Radiodiffusion (AIR), parle "d'attentat contre la liberté d'expression". Au nom des 17.000 émetteurs privés de radio et de télévision d'Amérique, d'Europe et d'Asie qu'elle représente, l'AIR dénonce elle aussi l'utilisation d'un contentieux social et bancaire pour établir un contrôle gouvernemental sur l'information de chaînes importantes de télévision.

A Paris, Reporters sans frontières (RSF) regrette, "sans préjuger du fond de l'affaire", une "mesure inopportune à l'approche du référendum constitutionnel" et rappelle qu'en désaccord avec la saisie, le ministre équatorien de l'Economie, Fausto Ortiz, a démissionné.

Enfin, en Colombie voisine, l'influent quotidien libéral El Tiempo note que la fermeture politique, en mai 2007 par le président vénézuélien Hugo Chavez, du très populaire canal privé d'opposition Radio Caracas Televisión (RCTV) servit de déclic à une mobilisation de l'opinion contre l'autoritarisme grandissant du leader bolivarien. Quelques mois plus tard, Chavez subissait sa première défaite électorale. Sa réforme socialiste de la Constitution était rejetée par référendum le 2 décembre 2007.

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