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DEUX ÉLECTIONS RÉGIONALES SECOUENT LE PAYSAGE POLITIQUE
Espagne - Parlement basque dominé par les "espagnolistes". La droite récupère la Galice
Echec personnel du socialiste Zapatero

par Christian GALLOY

MADRID, lundi 2 mars 2009 (LatinReporters.com) - Une majorité "espagnoliste" domine pour la première fois le nationalisme au Parlement basque. Simultanément, le Parti Populaire (PP, droite) récupère la Galice et y renvoie dans l'opposition socialistes et nationalistes. Ces résultats des deux élections régionales du 1er mars secouent le paysage politique de l'Espagne. Le président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, subit un notable échec personnel.

Comme les 17 régions dites autonomes qui configurent aujourd'hui l'Espagne, la Galice et plus encore le Pays basque gèrent un important budget régional et jouissent de larges prérogatives en matière notamment d'éducation, de santé, de police, d'impôts, d'aménagement du territoire, etc.

Jusqu'au dernier jour de la double campagne électorale, M. Zapatero, renforcé par plusieurs de ses ministres et l'état-major du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), mena une intense campagne sur le terrain pour soutenir ses candidats à la présidence du Pays basque et de la Galice. L'échec du président du gouvernement est relatif dans la première de ces régions et total dans la seconde.

Ce revers socialiste est attribué par plusieurs analystes à la dureté, longtemps niée par M. Zapatero, avec laquelle la crise financière et économique internationale frappe l'Espagne. Les dernières statistiques trimestrielles attestent d'une progression du chômage en Espagne au rythme stupéfiant de 200.000 sans emploi supplémentaires chaque mois. L'Espagne est la championne d'Europe du chômage avec un taux qui devrait aujourd'hui atteindre ou surpasser 15% (officiellement 13,9% fin 2008).

Les élections européennes de juin mesureront mieux l'évolution globale des sensibilités politiques. Pour l'heure et malgré le présumé scandale de corruption qui la vise, la droite incarnée par le Parti Populaire est remise en selle comme alternative nationale au socialisme. Renforcé dans la foulée face à la contestation interne de l'aile la plus conservatrice de son parti, le président du PP, Mariano Rajoy, se déclare "très heureux".

Célibataire de 47 ans et candidat du PP, Alberto Nuñez Feijoo devient pour 4 ans le plus jeune président de l'histoire de la Galice. Avec une participation historique aussi de 70,4% -qui, croyait-on, devait favoriser la gauche- les 2,6 millions de Galiciens appelés aux urnes lui ont octroyé 47,1% des suffrages et une majorité absolue de 39 députés sur 75 au Parlement régional. Les socialistes du président régional sortant Emilio Perez Touriño reculent de 33% à 29,9% des voix et leurs alliés du Bloc nationaliste galicien (BNG) d'Anxo Quintana de 18,5% à 16,5%. En 2005, leur alliance avait brisé, passagèrement semble-t-il aujourd'hui, 15 années consécutives de règne local d'un PP alors englué dans les conséquences politiques de la guerre en Irak et de la marée noire que provoqua le naufrage du pétrolier "Prestige". Les excès nationalistes assumés par les socialistes, notamment à propos de l'imposition de la langue galicienne, semblent avoir contribué, comme la crise économique, à la victoire du PP.

Inédite, la majorité "espagnoliste" pousse les socialistes à revendiquer la présidence du Pays basque

Au Pays basque, la situation est complexe. Quelque 1,77 million d'électeurs étaient appelés à renouveler aussi les 75 députés locaux, qui éliront le président régional. Les socialistes de Patxi Lopez, candidat à la présidence basque soutenu par M. Zapatero, font un grand bond en avant, passant de 22,6% à 30,7% des suffrages et de 18 à 24 députés. Mais contrairement à leurs espoirs, ils sont à nouveau devancés par le vieux Parti nationaliste basque (PNV - 38,5% et 30 députés), au pouvoir dans la région depuis 1980, année des premières élections au Parlement basque. Patxi Lopez n'en revendique pas moins "le droit légitime de conduire le changement", c'est-à-dire d'être investi président.

La même revendication est formulée par le président sortant Juan José Ibarretxe, qui briguait un 4e mandat consécutif sous la bannière du PNV et qui se prévaut de sa majorité relative. "Nous allons diriger ce pays, avec les autres, mais nous allons le diriger" affirmait-il dimanche soir. Néanmoins, les résultats du scrutin ne permettent plus au PNV d'être encore, comme pendant 29 ans, l'axe obligé de la majorité parlementaire au Parlement basque.

Pour la première fois, la majorité absolue, 38 députés sur 75, y revient aux partis dont le siège central est à Madrid et que les Basques appellent en conséquence "espagnolistes", soit les 24 élus socialistes de Patxi Lopez, les 13 du Parti Populaire mené dans la région par Antonio Basagoiti et l'unique élu de l'Union Progrès et Démocratie (UPyD), nouveau parti centriste antinationaliste. Malgré sa perte de deux députés par rapport à 2005, le PP contribue de manière numériquement déterminante à l'émergence de cette majorité "espagnoliste". Même les élections basques auront donc contribué à accroître l'influence tant régionale que nationale de la droite, la problématique basque concernant l'Espagne entière, par souci de son unité et à cause de l'extension à l'ensemble du pays du terrorisme des indépendantistes radicaux de l'ETA.

La disparition de la prépondérance nationaliste au Parlement basque est qualifiée d'historique par la quasi totalité des éditorialistes. "Elle a une valeur morale pour des millions de citoyens espagnols" estime le vice-secrétaire général du PSOE de M. Zapatero, José Blanco. Sa phrase est une allusion implicite au ressentiment collectif de l'Espagne à l'égard d'un nationalisme souvent accusé de harceler culturellement et moralement les "espagnolistes", exposés en outre aux attentats de l'ETA.

Mais José Blanco dit vouloir éviter "un choc de trains" au Pays basque. Cette image complète l'affirmation faite par Patxi Lopez au cours de la campagne électorale. "Il n'existe pas et n'existera pas un front espagnoliste" pour éjecter le PNV de la présidence basque déclarait alors le candidat socialiste.

La majorité "espagnoliste" ne déboucherait donc pas sur une alliance formelle de ses composantes. Patxi Lopez croit viable un gouvernement régional socialiste minoritaire reposant sur des appuis parlementaires ponctuels. Toutefois, la pacification du Pays basque aurait peut-être plus à gagner d'une réédition de la coalition qui, de 1986 à 1998, associa au pouvoir régional les socialistes et le PNV. Ils totalisent ensemble 69% des suffrages valables et 54 des 75 députés régionaux. Le plus difficile serait d'arbitrer les prétentions au poste de lehendakari (président basque) que Patxi Lopez et Juan José Ibarretxe réclament. Inventeront-ils une présidence bicéphale? Leur cohabitation au Pays basque permettrait sans doute à M. Zapatero de compter à Madrid sur l'appui stable des élus nationaux du PNV et d'éviter ainsi quelques surprises à la majorité seulement relative du PSOE au Congrès des députés et au Sénat.

Les votes nuls (8,84%) mesurent réellement l'audience de l'ETA

Quant aux partis proches des séparatistes radicaux de l'ETA, ils étaient pour la première fois officiellement absents des élections au Parlement basque. La justice les a prohibés, non pour leur revendication de l'indépendance, mais pour leur appui à un terrorisme qui va jusqu'à éliminer physiquement les adversaires politiques.

Les sympathisants de l'ETA avaient néanmoins pour consigne de voter le 1er mars pour le parti D3M (Démocratie 3 millions), interdit début février. Les votes pour D3M ont été comptabilisés parmi les nuls. Les suffrages annulés s'élèvent à 100.924, soit 8,84% des bulletins de vote, contre à peine 4035 (0,33%) en 2005. Cette comparaison indique que les votes nuls mesurent effectivement l'audience de l'ETA, d'autant que la participation au scrutin du 1er mars (65,9%) diffère peu de celle enregistrée en 2005 (68%). Il y a quatre ans, sous le sigle PCTV du Parti communiste des terres basques alors autorisé, les votes pro-ETA s'élevaient à 12,44%. Une partie du vote indépendantiste radical s'est sans doute reporté sur le parti indépendantiste Aralar, qui s'est détaché de la mouvance de l'ETA en rejetant la violence. Aralar est passé de 2,3% à 6% des voix et de un à quatre députés régionaux.

En dépit de la majorité parlementaire "espagnoliste", le total des suffrages valables et annulés émis en faveur des options nationalistes et indépendantistes, y compris les votes recueillis par les communistes basques, en pleine dérive nationaliste, totalisent 60% de l'électorat régional. "Le Parlement ne reflète pas cette réalité sociale" dénonce l'éditorialiste de Gara, quotidien proche de l'ETA. Il attribue ce décalage à l'interdiction, qu'il qualifie d'"apartheid", des partis proches de l'organisation armée. Le problème basque reste donc d'actualité.




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