Retour / Back

Zapatero: "N'oublions jamais l'amitié de la France"
Basques-ETA: Txeroki, bête noire de l'Espagne, arrêté en France

MADRID, lundi 17 novembre 2008 (LatinReporters.com) - Le président français Nicolas Sarkozy, sa ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie et la police française "ont montré une fois de plus qu'ils sont les amis de l'Espagne et je souhaite que les Espagnols nous n'oubliions jamais cette amitié de la France" a déclaré lundi le président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero. Il saluait à Madrid l'arrestation, lundi à l'aube à Cauterets (Hautes-Pyrénées), de Mikel Garikoitz Aspiazu Rubina, alias Txeroki, chef présumé de l'appareil militaire des séparatistes basques de l'ETA.

"Plus haut dirigeant opérationnel" de l'ETA selon M. Zapatero et "objectif nº1 des forces de sécurité de l'Etat" selon son ministre de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, Txeroki était depuis au moins cinq ans la bête noire de l'Espagne, une sorte d'Oussama ben Laden ou d'Attila basque. A 35 ans, il symbolisait le jusqu'au-boutisme d'une nouvelle génération de pistoleros indépendantistes, issus souvent de la kale boroka (violence urbaine). "Responsable des commandos [de l'ETA], il ordonnait tous les attentats" a affirmé en conférence de presse le ministre Rubalcaba.

Voilà donc imputée implicitement à Txeroki pleine responsabilité dans, notamment, divers assassinats, la préparation d'un attentat contre le roi Juan Carlos, l'explosion de voitures piégées à l'Université de Navarre et aux portes de casernes de la garde civile, d'un commissariat de la police basque et de l'imprimerie d'un journal, ainsi que le plasticage de plages touristiques et de locaux divers, dont des représentations régionales du parti socialiste.

Outre cette série déjà très noire, Txeroki est présenté par la police et les médias espagnols comme le terroriste ayant ordonné la destruction du parking du terminal 4 de l'aéroport international de Madrid-Barajas, soufflé le 30 décembre 2006 par une camionnette piégée. Cet attentat qui fit 2 morts et 19 blessés précipita l'échec des ambitieuses négociations de paix ouvertes officiellement neuf mois plus tôt avec l'ETA par M. Zapatero. Le leader socialiste a aussi attribué lundi à Txeroki une participation directe "apparemment évidente" au meurtre, le 1er décembre 2007 à Capbreton (Landes), de deux gardes civils espagnols effectuant en France une mission de renseignement coordonnée avec la police française. Ce double crime souleva une forte émotion en Espagne.

Pareil pedigree fait dire à José Luis Rodriguez Zapatero que l'arrestation en France de Txeroki, fruit de la coopération policière franco-espagnole, est une "opération déterminante dans la lutte contre l'ETA" et un "coup important porté à son organisation et à sa capacité opérationnelle". L'influente Association [espagnole] des victimes du terrorisme applaudit cette "nouvelle magnifique". "Aujourd'hui, l'ETA est plus faible et la démocratie espagnole plus forte" a surenchéri devant les journalistes M. Zapatero. Il a promis de "travailler sans répit pour en finir avec la bande terroriste" basque et le terrorisme en général.

C'est à 3h30 du matin, lundi 17 novembre, que la police française forçait la porte d'un appartement loué quelques jours plus tôt par Txeroki à Cauterets, à une trentaine de kilomètres de Lourdes. Le caudillo indépendantiste était surpris dans son lit avec sa compagne basque, Leire Lopez Zurutuza, arrêtée elle aussi. Ont été saisis 2 revolvers, de faux documents espagnols, français et britanniques, quelques milliers d'euros et surtout deux ordinateurs portables.

Comme la guérilla des FARC en Colombie, avec laquelle ils ont des liens que dénonce la justice tant espagnole que colombienne, les pistoleros basques planifient leur révolution sur des disques durs et des clés USB susceptibles d'être saisis et décryptés. Selon la télévision publique espagnole, les ordinateurs de Txeroki en diraient long sur la préparation des prochains attentats de l'ETA et sur la formation impartie à ses nouvelles recrues. [NDLR - Il serait toutefois étonnant que la police française ait déjà pu découvrir ou contourner le code d'accès des deux portables du chef terroriste].

Posées sur une Peugeot 207 volée, de fausses plaques d'immatriculation françaises "ne pouvant pas exister actuellement, car correspondant à une autre époque" furent "l'élément clé" ayant conduit à la capture de Txeroki a révélé le ministre de l'Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba. Il y voit "un indice de la situation de l'ETA". A cet égard, les analystes jugent que le rythme accéléré des arrestations de chefs et de militants de l'organisation indépendantiste en aurait rabaissé le niveau de "professionnalisme".

Un journaliste espagnol suggérant que la surveillance policière d'adresses de courrier Internet aurait aussi perdu Txeroki, le ministre Rubalcabla a répondu: "L'ETA utilise les cybercafés et nos services le savent".

Les attentats de l'ETA ont fait depuis 1968 plus de 800 morts et des milliers de blessés. Les séparatistes sont considérés officiellement comme terroristes par les 27 pays de l'Union européenne et par les Etats-Unis.

Le quotidien espagnol de centre gauche El Pais notait le 14 novembre que jamais le nombre de membres de l'ETA incarcérés n'a été aussi élevé qu'actuellement. Ils sont plus de 700, 614 en Espagne et une centaine d'autres en France. Reflet de l'efficacité policière, le chiffre est considérable, compte tenu d'une population basque dépassant à peine les deux millions d'âmes. Proportionnellement, c'est comme si la France, 30 fois plus peuplée que le Pays basque espagnol, détenait dans ses geôles plus de 20.000 terroristes d'une seule et même organisation, soit une armée. De quoi se convaincre de la complexité du problème basque.

Et a ce propos, à peine Txeroki est-il neutralisé que circulent déjà dans les médias espagnols la photo et le nom -Aitzol Iriondo Yarza, alias Gurbitz- de son possible successeur à la tête des commandos de l'ETA. Des représailles au coup de filet policier de Cauterets sont attendues. "Tout conseille de mettre les forces de sécurité en alerte maximale" reconnaît le ministre Rubalcaba.




© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
Le texte de cet article peut être reproduit s'il est clairement attribué
à LatinReporters.com avec lien actif sur LatinReporters.com