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Fin officielle d'excavations ne mettant à nu que la roche
Espagne-Garcia Lorca: ni cadavre ni fosse, donc pas d'exhumation

MADRID, vendredi 18 décembre 2009 (LatinReporters.com) - Ni cadavre ni fosse commune. Près de deux mois d'excavations n'ont mis à nu que la roche. Fusillé au début de la guerre civile d'Espagne (1936-1939) par des insurgés franquistes, affirme-t-on généralement, le célèbre poète espagnol Federico Garcia Lorca n'est donc pas enterré là où le prétendent les historiens. Les recherches étaient assumées par les autorités andalouses, un an après l'abandon forcé par le juge Garzon de son instruction pénale sur les disparus du franquisme.

Le gouvernement régional d'Andalousie a mis fin vendredi à la mission archéologique menée depuis début novembre à 9 km de Grenade, entre les localités de Viznar et Alfacar. Les archéologues devaient ouvrir la fosse commune dans laquelle auraient été jetés Garcia Lorca, ainsi qu'un maître d'école, deux banderilleros anarchistes et peut-être aussi un inspecteur des impôts et un restaurateur.

Hostile à une possible exploitation politico-médiatique, la famille de Garcia Lorca s'est longtemps opposée à l'exhumation des restes du poète. Le souhait contraire de descendants de certains de ses présumés compagnons d'infortune l'avait toutefois finalement emporté et les autorités socialistes andalouses avaient ordonné l'ouverture de la fosse.

On la croyait localisée approximativement dans la zone, devenue lieu de pèlerinage, où aujourd'hui un parc portant le nom de Garcia Lorca et un monolithe rappellent la tragédie. C'est là que Francisco Carrion et son équipe du département de Préhistoire et d'Archéologie de l'Université de Grenade ont creusé la terre.

Leur "Rapport préliminaire nº2 sur les excavations" a été présenté à la presse le 18 décembre à Grenade. On y lit que "dans les zones d'excavation, sélectionnées sur la base de la documentation de spécialistes en histoire contemporaine, ... ne sont apparus ni restes osseux humains ni aucun indice de fosses de la guerre civile".

Le rapport souligne l'existence de "niveaux géologiques affleurant à faible profondeur" sous une mince couche de "niveaux sédimentaires". Cela veut dire, ont expliqué de vive voix les membres de la mission, que là où ils creusaient, la roche était omniprésente sous à peine 40 cm de terre, une épaisseur insuffisante pour y enterrer qui que ce soit.

D'où cette conclusion sans appel de l'équipe archéologique, en page 8 (point 12) de son rapport: "Nous croyons que dans toute la zone des excavations n'ont jamais été creusées des fosses pour enterrement ni n'ont existé des restes osseux humains. Cette certitude est avalisée par le travail archéologique, qui non seulement n'a rencontré ni indices ri restes, mais en outre l'étude de la stratigraphie de cette zone est décisive et ne laisse aucune place au doute".

Conclusion personnelle, non écrite, d'un responsable des recherches avortées: "Désormais, il faudra écrire l'histoire sur la base de données scientifiques. C'en est fini des spéculations".

Cette gifle frappera notamment l'historien Ian Gibson. Naturalisé espagnol et Irlandais d'origine, il est considéré jusqu'à présent comme le meilleur biographe de Federico Garcia Lorca. Il avait recueilli le témoignage d'un certain Manuel Castilla Blanco, surnommé "Manolo le communiste", le présentant comme l'homme qui avait enterré de ses propres mains le poète et ceux fusillés avec lui.

"Il les enterra dans une tranchée étroite, l'un au-dessus de l'autre, au pied d'un olivier qui existe encore, à côté de la stèle qui signale le lieu du drame" écrivit Ian Gibson, convaincu donc de savoir où gisait Garcia Lorca. C'est dans la zone qu'il désignait que les archéologues de l'Université de Grenade viennent de creuser longuement en vain.

La conviction de l'Hispano-Irlandais était communicative. Elle faisait autorité dans les colonnes d'El Pais, le quotidien espagnol dit de référence. A titre d'exemple, c'est dans ce journal que Francisco Gonzalez, alors président de l'Association pour la récupération de la mémoire historique de Grenade, déclarait le 21 septembre 2008: "Là, à côté de la pinède où se trouve la fosse signalée par Gibson, nous calculons qu'il y a 40 fosses".

La même Association chiffrait "entre 2.500 et 2.700" le nombre de morts enterrés non loin de Federico Garcia Lorca. On serait tenté de croire aujourd'hui que c'est peu probable, puisque dans cette zone affleure ou presque la roche.

Enterré aux côtés de Franco?

L'échec des excavations reporte à une date très indéterminée l'éventuelle exhumation du disparu qu'est aujourd'hui plus que jamais Garcia Lorca, demeuré aux yeux de la gauche la victime la plus emblématique de la guerre civile. Cet échec congèle le bénéfice politique qu'un succès, même non revendiqué par décence, aurait apporté au gouvernement socialiste espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero, actuellement devancé par la droite dans les sondages.

Un article publié le 16 octobre 2009 par le quotidien français Le Monde pourrait redevenir d'actualité. On y lisait ce paragraphe:

"Une thèse veut que Garcia Lorca ait survécu au peloton d'exécution. Amnésique et mentalement diminué, il aurait été hébergé dans un couvent jusqu'à sa mort, en 1954. D'autres auteurs ont soutenu que le corps du poète a été rapidement déterré et transporté dans la propriété familiale : il reposerait encore dans la cour de la maison-musée de Grenade, sous un noyer planté précisément à l'époque de sa mort. Enfin, des chercheurs ont avancé, encore récemment, que ses restes auraient fait partie de ceux que Franco fit transférer sous le mausolée franquiste de la Valle de los Caidos, au nord de Madrid."

LatinReporters parcourait partiellement le même chemin en avril 2007 dans un article intitulé "Espagne - Garcia Lorca enterré aux côtés de Franco?..."


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