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BILAN DE L'EXPERTISE PRÉLIMINAIRE GLOBALE
Espagne - séisme : 58% des immeubles de Lorca habitables; immigrés défavorisés

MADRID, dimanche 15 mai 2011 (LatinReporters.com) - Miracle, malgré 9 morts, 293 blessés et des milliers de sans-abri? Non, mais pour le moins soulagement relatif, car on a frôlé l'hécatombe. La terre a en effet arrêté de trembler, le 11 mai, au moment où quasi tous les immeubles de la ville de Lorca, au sud-est de l'Espagne, étaient peu ou prou mutilés. A peine 58% sont aujourd'hui habitables. Les immigrés en souffrent le plus.

Les édifices effondrés sont rares. Ils se seraient probablement affaissés par dizaines sur les occupants rentrés après la première secousse si la seconde, moins de deux heures plus tard, avait duré quelques secondes de plus. La municipalité de Lorca, 92.000 habitants dont les deux tiers dans la ville proprement dite, semble presqu'intacte vue du ciel. Mais vue d'en bas, elle est lézardée de toutes parts, y compris à l'intérieur de bâtiments qui extérieurement paraissent épargnés.

La mairie a communiqué samedi le bilan de l'expertise préliminaire des immeubles : 1.597 (57,76%) sont habitables, ce qu'atteste à l'entrée une marque de peinture verte; 791 (28,61%) signalés par une marque jaune nécessitent une importante restauration et seul un accès momentané y est autorisé; 377 (13,63%) estampillés de rouge ou de noir souffrent de dommages structurels pouvant entraîner une éventuelle démolition et leur accès est prohibé.

Quartiers d'immigration les plus touchés

Globalement, 42% des édifices étant actuellement inaccessibles, plusieurs dizaines de milliers d'habitants de Lorca sont théoriquement des sans-abri. Et dire qu'on peut vivre aujourd'hui dans 58% des immeubles de la ville est tout aussi théorique. En fait, des milliers de Lorquinos sont déjà relogés provisoirement chez des parents, chez des amis ou dans une éventuelle résidence secondaire sur la côte méditerranéenne, distante de 40 km. Nombre d'entre eux prolongent prudemment cet éloignement à cause des murs fissurés de logements pourtant décrétés habitables. A cause aussi et peut-être surtout des secousses secondaires qui répliquent quasi quotidiennement aux deux tremblements du 11 mai.

Sous-prolétaires dans l'agriculture intensive de la région de Murcie, les 18.000 immigrés de Lorca, dont 6.700 Equatoriens et 6.500 Marocains, ne jouissent pas des mêmes échappatoires que les Lorquinos de souche. Leurs zones d'habitation, notamment le quartier de La Viña, ont en outre été les plus touchées par le double séisme. Des milliers de Maghrébins, de Sud-Américains et de Subsahariens ne peuvent plus regagner leur modeste logis, voué à une longue restauration ou à la démolition.

Depuis le 11 mai, ils dorment sous tente ou à la belle étoile. Ils occupent 80% des lits dans les campements dressés à Lorca par l'armée et la Croix-Rouge. Pour recevoir eau et nourriture, pour se laver, pour se renseigner sur leur sort et les possibilités d'aide, ils ne cessent de faire la queue, certains avec des enfants dans les bras.

Le jour des funérailles officielles de quatre victimes du séisme principal (les familles des cinq autres morts ont préféré l'intimité), funérailles présidées le 13 mai à Lorca par le prince héritier Felipe et son épouse Letizia, le gouvernement espagnol du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero a présenté en faveur des sinistrés un éventail d'indemnités de décès et d'invalidité, de déductions fiscales et d'aides au logement et à la reconstruction. Des compensations inabordables quand on est sans-papiers, comme le sont de nombreux immigrés.

Même le bon Dieu s'en est allé

Des représentants consulaires de l'Equateur, du Maroc et de la Bolivie sont allés dans les campements de Lorca à la rencontre de leurs nationaux pour évaluer leurs préoccupations et les moyens d'y remédier.

Cecilia Erique, consul d'Equateur dans la région de Murcie, dont dépend Lorca, a monté sur place ce qu'elle appelle un "consulat mobile" de 5 personnes. Evaluant à environ 2.000 les Equatoriens qui n'ont plus accès dans la ville à leur logement inhabitable et dangereux, elle révèle que "la demande principale" de certains, dont elle ne précise pas le nombre, est que "le gouvernement équatorien les rapatrie".

La consul fait état de plaintes d'Equatoriens qui reprochent à la police espagnole de les traiter parfois "de manière despotique pour le seul fait d'être des immigrés". Elle appelle aussi à "une nécessaire flexibilité" les responsables d'entreprises "qui exigent des femmes et des hommes équatoriens qu'ils aillent travailler, sous peine de les congédier", malgré leur désarroi consécutif au double tremblement de terre du 11 mai.

De quoi croire que le bon Dieu s'en est allé de Lorca. Le lui reprocher frôlerait l'injustice puisque les treize églises de la ville sont toutes fermées pour cause de dommages structurels. Sur les murs d'au moins l'une d'elles, une affiche avertit que "les services religieux sont suspendus pour plusieurs années"...


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