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Aucun militaire n'a présidé le pays depuis la fin de la dictature (1985)
Guatemala-présidentielle: général Pérez Molina à nouveau favori avec sa "main dure"
 

CIUDAD DE GUATEMALA, samedi 10 septembre 2011 (LatinReporters.com) - Le 11 septembre ou le 6 novembre lors d'un éventuel second tour, la victoire probable à l'élection présidentielle du général retraité Otto Pérez Molina, 60 ans, en ferait le premier militaire à présider le Guatemala depuis la fin de la dictature, en 1985. Cela signifierait aussi le retour de la droite. Depuis 1954, elle n'a cédé à la gauche que les quatre ans du mandat de l'actuel président sortant, le social-démocrate Alvaro Colom.

"Mano dura" (Main dure). Avec un poing serré comme pour frapper, c'était déjà le slogan du général Otto Pérez Molina à l'élection présidentielle de 2007, qu'il perdit sur le fil devant Colom alors qu'il caracolait, comme aujourd'hui, en tête des sondages avec son Parti Patriote (droite). La "main dure" contre la criminalité et la corruption, le militaire retraité la brandit désormais aussi contre les puissants cartels de la drogue venus du Mexique, le grand voisin qui borde le nord et l'ouest du pays.

Avec 14 millions d'habitants, le Guatemala est le pays le plus peuplé d'Amérique centrale. La pauvreté y frappe 52% de la population. Ce taux dépasse 70% parmi les autochtones de souche précolombienne, essentiellement d'origine maya, qui représentent de 42% à 56% des Guatémaltèques selon des estimations non concordantes.

Les Mayas furent les principales victimes de la longue guerre civile qui opposa de 1960 à 1996 la droite gouvernementale à des guérillas d'extrême gauche. Le bilan de ce conflit, le plus meurtrier de ceux d'Amérique centrale pendant la seconde moitié du 20e siècle, fut de 200.000 morts, 45.000 à 60.000 disparus et un million de personnes déplacées. Les accords de paix de 1996 furent négociés et signés au nom de l'armée par Otto Pérez Molina. Aucune preuve n'a pu établir sa responsabilité dans des crimes contre l'humanité que tentent régulièrement de lui imputer des adversaires politiques.

Aux élections générales du 11 septembre, les 7,3 millions d'électeurs inscrits doivent choisir pour un mandat de quatre ans le président et le vice-président, les 158 députés du Congrès, les 20 représentants du Guatemala au Parlement centraméricain et les maires des 333 municipalités du pays.

Sauf l'Amérindienne Rigoberta Menchu, tous les candidats sont de droite

Trois ultimes sondages diffusés par les médias guatémaltèques les 7 et 8 septembre octroient pour l'élection présidentielle de 42,6% à 48,9% des suffrages à Otto Pérez Molina, suivi à grande distance par l'avocat et homme d'affaires populiste Manuel Baldizon (de 18,3% à 23,4%), puis par le mathématicien et physicien Eduardo Suger (de 11,5% à 15%). Sept autres candidats semblent n'avoir aucune chance d'affronter en duel Otto Pérez Molina lors d'un éventuel second tour, inévitable si les chiffres des sondages se confirmaient.

Particularité peu banale dans une Amérique latine largement conquise par diverses gauches au cours de la dernière décennie : neuf des dix candidats à la présidence du Guatemala relèvent de l'une ou l'autre droite. L'unique candidature de gauche est celle de l'Amérindienne Rigoberta Menchu, prix Nobel de la Paix en 1992, appuyée notamment par l'Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG), parti issu des anciens mouvements de guérilla.

Les intentions de vote attribuées par les sondages à Rigoberta Menchu, de l'ethnie maya des Quichés, sont inférieures à 2%. En 2007 déjà, elle avait été éliminée au premier tour de la présidentielle en ne récoltant que 3% des suffrages. Les raisons avancées alors pour expliquer le score humiliant de la célèbre Guatémaltèque demeurent sans doute valables aujourd'hui : faible appui financier interne et interdiction légale d'un appui financier international, style de communication peu efficace, influence négative de vieux tabous racistes et machistes et désunion tribale entre les plus de vingt ethnies mayas du Guatemala.

Gauche présidentielle éliminée par la justice

Autre première depuis le retour du Guatemala à la démocratie : le parti au pouvoir n'a pas de candidat présidentiel. La gauche sociale-démocrate incarnée par l'Union Nationale de l'Espérance (UNE) du président sortant Alvaro Colom a en effet été éliminée par la justice de la course à la présidence à cause de l'impatiente ambition de l'ex-Première dame, Sandra Torres, candidate présentée conjointement par l'UNE et par les ex-conservateurs de la Grande alliance nationale (GANA, au pouvoir de 2004 à 2008). Selon trois instances judiciaires successives, le divorce du président Alvaro Colom et de sa femme Sandra Torres, cinq mois seulement avant les élections générales, était une "fraude de loi" visant à contourner la Constitution. Celle-ci interdit non seulement au président sortant, mais aussi à ses parents proches de briguer la charge suprême.

"Sandra n'aura désormais ni mari ni présidence" ont noté avec un plaisir amusé des éditorialistes. Mais l'ex-Première dame, qui coordonnait les programmes sociaux du gouvernement, a fait campagne jusqu'au bout pour soutenir les candidats de l'UNE aux législatives et aux municipales. S'ils faisaient un bon score ce 11 septembre et si une abstention anormalement importante frappait le même jour le scrutin présidentiel, Sandra Torres pourrait s'en prévaloir pour préparer une candidature parfaitement légale en 2015. Avant son élimination, prononcée définitivement le 8 août par la Cour constitutionnelle, les sondages ne lui attribuaient toutefois qu'un maigre 15% des intentions de vote.

"Main dure" avec l'armée contre les cartels de la drogue

En clôturant jeudi sa campagne électorale devant 10.000 personnes réunies dans le centre historique de la capitale, Ciudad de Guatemala, le général Otto Pérez Molina les a exhortées à assurer sa victoire au premier tour. Il a promis, sans faire allusion à Sandra Torres, non seulement de maintenir "les programmes sociaux" [que chapeautait l'ex-Première dame; ndlr), mais aussi de les "institutionnaliser" en créant un ministère du Développement social.

Le général retraité, ancien chef de la redoutable Direction du renseignement militaire (G2), a adoucit son slogan vedette "Mano dura" en affirmant qu'il signifiait aussi "faire les choses avec caractère, avec la tête et avec le coeur" pour créer des emplois et garantir la sécurité des citoyens.

L'insécurité étant la principale préoccupation de 70% des Guatémaltèques, c'est évidemment le message sécuritaire qui contribuerait le plus à la probable victoire de Pérez Molina. D'autant que le président sortant Alvaro Colom reconnaît avoir "mal mesuré" en début de mandat l'ampleur d'une violence qui a fait 41,5 morts par tranche de 100.000 habitants en 2010, alors que la moyenne mondiale est de 8 morts / 100.000 hab. et de 14,9 pour l'ensemble de l'Amérique latine selon l'Organisation des Etats américains (OEA).

Les autorités guatémaltèques reconnaissent que des cellules des cartels de Sinaola, du Golfo et surtout de Los Zetas, les principaux cartels mexicains du narcotrafic, sont installées et accroissent leur pouvoir au Guatemala depuis 2007. Après un massacre perpétré en mai dernier par Los Zetas dans le département de Petén (nord), le président Colom y décréta l'état de siège.

Il faut récupérer les territoires occupés par les narcotrafiquants et "seule l'armée peut le faire" disait récemment Otto Pérez Molina à des correspondants étrangers. Considérant que la police nationale "est très faible" et "n'a pas la capacité technique ni l'entraînement" permettant d'affronter cette criminalité organisée, le général prône la création de commandos de choc armés et techniquement équipés au même niveau que les narcotrafiquants, avec l'appui d'un service de renseignement renforcé.

Au Mexique voisin, néanmoins, la militarisation de la lutte contre les barons de la drogue a décuplé la violence et sa mortalité. Et à propos de l'influence des cartels du narcotrafic, le chef de la mission d'observation électorale de l'OEA, José Octavio Ordoñez, y fait peut-être implicitement allusion en affirmant que la campagne menée par les partis en lice est globalement "la plus coûteuse de l'histoire du Guatemala" et que "le plus préoccupant est qu'on ignore d'où vient cet argent".


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