La guerre civile guatémaltèque fit 200.000 morts et disparus
Guatemala-génocide: 80 ans de prison pour l'ex-dictateur Rios Montt
 

CIUDAD DE GUATEMALA, samedi 11 mai 2013 (LatinReporters.com) - Une peine de 80 ans de prison, 50 pour génocide et 30 pour crimes de guerre, a été infligée vendredi par un tribunal du Guatemala à l'ancien dictateur militaire José Efrain Rios Montt. Aussitôt incarcéré, mais pouvant interjeter appel, il est à 86 ans le premier ex-président d'un pays d'Amérique du Sud condamné pour génocide.

L'ex-chef du renseignement militaire José Mauricio Rodriguez Sanchez a, lui, été absous des même crimes, le tribunal estimant qu'il n'était pas intervenu "dans le champ des opérations".

Longtemps protégé par une immunité parlementaire, Rios Montt a échappé à la justice pendant près de trente ans, avant de quitter le Parlement en 2012. L'ancien militaire a finalement été jugé entre le 19 mars et le 10 mai 2013 et reconnu coupable de génocide pour le massacre par l'armée de 1.771 indiens mayas de l'ethnie ixil dans le département de Quiché.

À la faveur d'un coup d'État, l'alors général Rios Montt gouverna le Guatemala de mars 1982 à août 1983. Cette brève période fut l'une des plus meurtrières de la longue guerre civile guatémaltèque (1960-1996), qui fit selon les Nations unies 200.000 morts et disparus dans ce pays qui compte actuellement 14 millions d'habitants.

Au nom de la lutte contre-insurrectionnelle, en pleine guerre froide, le putschiste désormais condamné avait mis en place une politique de la "terre brûlée" contre des communautés indigènes soupçonnées de soutenir les guérillas de gauche.

"Les actes de José Efrain Rios Montt relèvent du génocide [...] et la peine qui y correspond doit être appliquée" a déclaré la juge et présidente du tribunal Jazmin Barrios lors de la lecture du verdict.

"Les actions violentes contre les Ixils ne furent pas spontanées. Elles résultèrent d'une concertation et de plans élaborés" expliqua la magistrate. "Nous considérons que l'accusé José Efrain Rios Montt avait eu connaissance de ce qui se passait et il ne l'empêcha pas" a-t-elle poursuivi.

Condamnation "emblématique" estime Human Rights Watch

Vêtu d'un costume sombre, l'ex-dictateur a écouté impassible le verdict. La juge Jazmin Barrios a également demandé la révocation de son placement en résidence surveillée depuis début 2012 et son incarcération.

Devant la presse, Rios Montt a qualifié sa condamnation de "show politique international qui va affecter l'âme et le cœur du peuple guatémaltèque". Affirmant que "jamais nous n'avons couvert nos mains du sang de nos frères", il a annoncé qu'il allait faire appel de ce verdict, accueilli dans la salle de la Cour suprême de justice par des cris de joie et des applaudissements des proches des victimes des massacres.

L'activiste et prix Nobel de la paix Rigoberta Menchu, elle-même guatémaltèque d'origine maya, s'est félicitée de la sentence dans les bras de femmes qui, comme elle, ont souffert des conséquences de la guerre civile.

Qualifiant d'"emblématique" la condamnation de Rios Montt, le directeur pour les Amériques de l'organisation non gouvernementale internationale Human Rights Watch, José Miguel Vivanco, y voit "un message puissant disant au Guatemala et au monde que même un ex-chef d'État n'est pas au-dessus de la loi lorsqu'il s'agit de génocide".

Pour l'anecdote, longtemps avant que ne sévisse Rios Montt, l'interventionnisme militaire au Guatemala avait eu pour témoin un jeune médecin argentin, Ernesto Guevara, le Che. Cherchant un poste dans les services de santé de ce pays d'Amérique centrale, il y vécut en juin 1954 le coup d'État qui renversa Jacobo Arbenz Guzman. Ce président élu démocratiquement avait irrité Washington en lançant une réforme agraire qui obligea l'américaine United Fruit Company à céder des terres aux paysans. Ces événements radicalisèrent le Che, qui rejoignit ensuite le Mouvement du 26 juillet, un groupe révolutionnaire cubain animé par un certain Fidel Castro.

Dernière heure
ANNULATION DE LA CONDAMNATION DE RIOS MONTT

CIUDAD DE GUATEMALA, mardi 21 mai 2013 (avec AFP) - La Cour constitutionnelle du Guatemala a annulé lundi 20 mai, pour vice de procédure portant atteinte aux droits de la défense, la condamnation historique de l'ex-dictateur Efrain Rios Montt, néanmoins renvoyé devant la justice.

Le 10 mai, Rios Montt, 86 ans, avait été reconnu coupable et condamné à 80 ans de prison, 50 pour génocide et 30 pour crimes de guerre (voir article ci-contre). Mais Martin Guzman, porte-parole de la Cour constitutionnelle, annonçait lundi soir que le jugement était "annulé" à la suite d'un recours des avocats de Rios Montt pour vice de procédure.

Roberto Molina, un des trois juges de la Cour (sur cinq) en faveur de l'annulation, a expliqué dans la presse locale la décision en disant que "dans tout processus (judiciaire), on doit respecter les droits de la défense". Or, le tribunal qui a jugé Rios Montt avait refusé d'examiner la récusation de deux de ses magistrats sollicitée par la défense de l'ancien dictateur.

La décision de la Cour constitutionnelle annule toutes les étapes après l'interruption provisoire du procès le 19 avril, ainsi que la condamnation prononcée le 10 mai, sans pour autant mettre en cause la justification du procès et les témoignages. La Cour renvoie l'accusé devant le tribunal qui l'a jugé, à une date non définie.

La défense de Rios Montt a fait part à l'AFP de son intention d'exiger qu'il comparaisse devant d'autres juges que ceux qui ont mené le précédent procès, sous peine de recourir à nouveau à la récusation.

Réactions

L'annulation de la condamnation a été saluée par les partisans de l'ancien général, interné depuis une semaine à l'Hôpital Militaire, après avoir passé plus d'un an en résidence surveillée, puis un week-end en prison après sa condamnation. Des dizaines de partisans de l'ancien dictateur se sont rassemblés aux abords de l'Hôpital Militaire.

"Avec cette décision, ce sont tous les Guatémaltèques qui gagnent, car le processus reprend son cours et les juges doivent émettre leurs décisions dans le respect de la Constitution et non pas au nom d'intérêt particuliers, idéologiques, dictés par des consignes internationales", a déclaré Me Moisés Galindo, l'un des défenseurs de Rios Montt.

"C'est une bonne nouvelle pour le pays parce que la Cour s'est conformée au droit et demande que la procédure soit respectée", a estimé Santiago Molina, président d'un organisme patronal.

Mais de son siège à Londres, Amnesty International a dénoncé par la voix de Sebastian Elgueta, enquêteur sur le Guatemala, "un coup dévastateur pour les victimes de graves violations de droits de l'homme" pendant la guerre civile.

"Ce type de décision nous fait apparaître comme un pays attardé, ça crée une image négative. C'est une gifle aux victimes, c'est une gifle à la justice", a commenté de son côté dans les médias le directeur du bureau des droits de l'homme de l'archevêché de la ville de Guatemala, Nery Rodenas.


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