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Honduras : échec de la 2e tentative de retour de Zelaya et place à la diplomatie

MANAGUA / TEGUCIGALPA, samedi 25 juillet 2009 (LatinReporters.com) - Quelques pas, vendredi, au Honduras au-delà de la chaîne le délimitant du Nicaragua, mais sans sortir de la zone neutre qui précède le poste de contrôle frontalier renforcé par la police et l'armée. Puis, retour au Nicaragua. C'est donc l'échec de la deuxième tentative de retour dans son pays du président hondurien déchu, Manuel Zelaya, expulsé lors du coup d'Etat du 28 juin. Les efforts diplomatiques en faveur de la médiation du Costa Rica reviennent au premier plan.

S'il était "entouré de son peuple" au poste frontière de Las Manos, comme l'affirme la télévision satellitaire vénézuélienne Telesur dans la vidéo que nous reproduisons, pourquoi Manuel Zelaya n'a-t-il pas poursuivi sa marche en direction de Tegucigalpa, la capitale hondurienne?

L'armée aurait-elle tiré sur "le peuple" devant les dizaines de journalistes présents? La police aurait-elle osé arracher Zelaya à son "peuple" pour l'emprisonner? Le problème est que parmi les centaines de personnes entourant à Las Manos le président déchu -les images peuvent faire croire à des milliers- les journalistes et surtout les activistes et membres en civil de la sécurité sandiniste mobilisés par le président nicaraguayen Daniel Ortega pour épauler Zelaya laissaient peu de place au "peuple" hondurien.

Aller de l'avant en pareille compagnie, enrichie même par le ministre vénézuélien des Relations extérieures, Nicolas Maduro, eut été un trop beau cadeau pour le président de facto du Honduras, Roberto Micheletti. Il aurait eu en mains la preuve du prétendu "complot" international qu'il ne cesse de dénoncer.

Au Honduras même, des centaines de zelayistes, dont la famille du président déchu, étaient bloqués vendredi par l'armée et le couvre-feu à El Paraiso, à 12 km seulement de Las Manos. Mais au même moment, des dizaines de milliers de Honduriens manifestaient à San Pedro Sula, poumon économique du pays, pour dire dire non à la "dictature" de Manuel Zelaya et de son allié vénézuélien Hugo Chavez, chef de file de la gauche radicale latino-américaine.

Malgré la diffusion quotidienne d'images semblant relever d'une insurrection au Honduras, l'ampleur du soutien populaire au président déchu est difficilement mesurable. Grand propriétaire terrien et magnat de l'industrie du bois, élu en 2005 président du Honduras comme candidat du Parti libéral (droite), mais renié par ce même parti après un virage à gauche inattendu, Manuel Zelaya n'a plus pour soutien parlementaire visible dans son propre pays que les 5 députés (sur un total de 128) du petit parti d'extrême gauche Unification démocratique.

La plus importante manifestation en faveur de Zelaya, le 5 juillet à l'aéroport de Tegucigalpa, lorsque l'armée frustrait une première tentative de retour en empêchant tout atterrissage, avait réuni 30.000 personnes, y compris peut-être, selon les soupçons des autorités, de nombreux activistes venus clandestinement du Salvador, du Guatemala et surtout du Nicaragua, trois pays gouvernés à gauche et frontaliers du Honduras.

Autant, voire plus que sur "le peuple", c'est sur l'armée hondurienne que mise Manuel Zelaya. En la retournant, il reviendrait au pouvoir par un coup d'Etat contre le coup d'Etat! De là ses appels appuyés aux "soldats, fils du peuple" et sans doute aussi sa tentative de dialogue, vendredi à Las Manos, avec le lieutenant-colonel Recarte, responsable du poste-frontière.

En août 2008, lorsqu'il signait l'adhésion du Honduras à l'Alternative [aujourd'hui Alliance; ndlr] bolivarienne pour les Amériques, l'ALBA, en présence de ses homologues du Venezuela, de Bolivie et du Nicaragua, le président Zelaya se prévalait du soutien de l'armée et de l'Eglise. Ces deux institutions, ainsi que La Cour suprême de justice, le Parquet de la République, le Tribunal suprême électoral et le Congrès national (Parlement), ont toutefois appuyé le coup d'Etat du 28 juin et qualifié de "succession constitutionnelle" l'avènement du président de facto Roberto Micheletti. A leurs yeux, Manuel Zelaya est coupable d'abus de pouvoir et même de "trahison" pour avoir violé la Constitution dans l'espoir de la modifier conformément aux critères en vigueur dans les principaux pays de l'ALBA.

Retour à la diplomatie

Mais au lieu de le soumettre à une procédure légale de destitution, on laissa l'armée jeter Manuel Zelaya, en pyjama à l'aube du 28 juin, dans un avion à destination du Costa Rica. La communauté internationale condamna logiquement le coup d'Etat. Elle est unanime à réclamer le retour de Manuel Zelaya à la présidence du Honduras jusqu'à la fin de son mandat, qui expire le 27 janvier prochain. Ni l'armée ni "le peuple" ne se prêtant, du moins aujourd'hui, à un retour en force, la diplomatie reprend ses droits.

Au risque d'irriter Chavez, Zelaya se tourne à nouveau vers les Etats-Unis. Le porte-parole adjoint du département d'Etat, Philip Crowley, vient d'annoncer que le président déchu envisage un nouvelle visite à Washington, mardi, pour y "converser davantage" sur la crise hondurienne avec l'administration américaine.

La secrétaire d'Etat Hillary Clinton a jugé "imprudente", car pouvant déboucher sur la violence, la tentative de retour de Manuel Zelaya. "Elle ne contribue pas à l'effort général engagé pour rétablir la démocratie et l'ordre constitutionnel au Honduras" a estimé la chef de la diplomatie américaine, appelant Zelaya à "accepter" les dernières propositions du président et médiateur costaricain Oscar Arias, présentées le 22 juillet. Il les avait alors rejetées, rappelant et invoquant le rejet par le gouvernement hondurien de facto de Roberto Micheletti de la première version du Plan Arias.

Le Plan Arias initial, remanié moins sur le fond que sur la forme pour être rebaptisé Accord de San José (nom de la capitale du Costa Rica), prévoit le rétablissement conditionnel de Manuel Zelaya à la présidence du Honduras jusqu'au 27 janvier, une amnistie politique, la formation d'un "gouvernement d'unité et de réconciliation nationale", des élections anticipées et une commission de vérification de l'application de l'accord chapeautée par l'Organisation des Etats américains (OEA).

La principale condition imposée par l'Accord de San José à Manuel Zelaya est de renoncer à tenter de convoquer une Assemblée constituante ou de réformer la Constitution en violant ses propres dispositions pour y introduire la réélection présidentielle ou modifier la forme de gouvernement. [Cette prétention extraconstitutionnelle de Manuel Zelaya fut à l'origine du coup d'Etat du 28 juin; ndlr].

Roberto Micheletti, lui, devrait accepter le retour de Manuel Zelaya à la présidence. Il s'y refuse farouchement. Son ministre des Relations extérieures, Carlos Lopez, indique "qu'on n'a pas évalué à sa juste dimension" l'offre de Micheletti de renoncer à la présidence si Zelaya y renonçait aussi. Pour le gouvernement de facto de Tegucigalpa, la solution passerait donc par la nomination d'un troisième homme à la présidence jusqu'en janvier.

Visant manifestement à fissurer l'embargo diplomatique et progressivement commercial et financier qui frappe le Honduras, Roberto Micheletti a exprimé vendredi son "intérêt et engagement à maintenir" la médiation costaricaine d'Oscar Arias, qu'il avait pourtant fait capoter dans sa première mouture. Rejetée par le Venezuela et ses alliés de la gauche radicale, cette médiation est appuyée explicitement par les Etats-Unis, l'Union européenne, l'OEA, le Panama, la Colombie, l'Uruguay et le Chili. Roberto Micheletti invite en outre l'Allemagne, la Belgique, le Canada, la Colombie, le Japon et le Panama a être des observateurs du dialogue parrainé par le Costa Rica. Mais il faudrait d'abord que ce dialogue soit renoué.



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