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Reprise de la négociation de l'association UE-Amérique centrale
Honduras: leçon du putsch "correctif" et premier geste de l'UE

par Christian GALLOY, directeur de LatinReporters.com

MADRID, dimanche 31 janvier 2010 (LatinReporters.com) - Le gouvernement du nouveau président conservateur du Honduras, Porfirio Lobo, sera représenté ce 1er février à Bruxelles lors de la préparation de la reprise des négociations, suspendues depuis le putsch du 28 juin 2009, d'un accord d'association entre l'Union européenne (UE) et l'Amérique centrale. L'UE reconnaît ou pour le moins accepte ainsi de fait le nouveau régime hondurien. Cette normalisation pragmatique accentue la défaite de l'ex-président Manuel Zelaya, à nouveau exilé, et de ses alliés de la gauche radicale latino-américaine, Hugo Chavez en tête. Quelle leçon essentielle tirer du putsch "correctif" au Honduras?

L'expression "coup d'Etat correctif" était utilisée dès novembre dernier à propos du Honduras par Dante Caputo, conseiller spécial du Secrétariat général de l'Organisation des Etats américains (OEA) et ex-ministre argentin des Affaires étrangères. "Ce n'est pas un coup d'Etat pour rester au pouvoir, mais pour le corriger. Je corrige ce qui ne me plaît pas, puis immédiatement des élections et je m'en vais" expliquait-il à la presse en marge d'un débat sur la démocratie régionale organisé au Panama.

Effectivement, le Honduras a voté le 29 novembre 2009, date fixée longtemps avant le coup d'Etat, portant à la présidence le conservateur Porfirio Lobo, immédiatement reconnu par les Etats-Unis. Le jour de son investiture, le 27 janvier 2010, l'ex-président évincé par le putsch, Manuel Zelaya, reprenait le chemin de l'exil, cette fois en République dominicaine. La veille, donc quelques heures avant de s'effacer pour occuper tout de même un fauteuil de député à vie, le président intérimaire Roberto Micheletti, placé à la tête de l'Etat par le vote quasi unanime du Parlement au soir même du putsch de juin, concrétisait en le ratifiant l'abandon par le Honduras de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) que Manuel Zelaya avait ralliée en août 2008. Là réside la défaite du président vénézuélien Hugo Chavez, créateur en décembre 2004 avec Fidel Castro de cette alliance politico-économique de pays de la gauche radicale cimentée par l'antiaméricanisme.

Dante Caputo a jugé "hyperdangereux" le "coup d'Etat correctif" hondurien dans la mesure où cette nouvelle modalité, sans prise du pouvoir par les militaires qui se sont bornés à exécuter le coup de force, risquerait de servir de référence à de prochaines aventures dans d'autres pays latino-américains.

Le "césarisme" présidentiel inquiète

L'ex-ministre argentin s'inquiétait parallèlement de l'existence en Amérique latine d'un "présidentialisme extrême, au bord du césarisme". L'un de ses attributs serait la réélection présidentielle, longtemps interdite dans la plupart des pays de la région dans l'espoir de mieux se prémunir contre la dictature et la corruption.

Selon Dante Caputo, "la réélection présidentielle permanente [adoptée par référendum le 15 février 2009 au Venezuela; ndlr], avec des systèmes de contrôle républicains très affaiblis, avec un Parlement n'exerçant pas pleinement ses fonctions qu'il délègue, ce n'est pas la même histoire" qu'en Europe. Si des chefs de gouvernement européens exercent le pouvoir pendant plusieurs législatures consécutives, ajoute-t-il en substance, c'est dans le cadre de systèmes parlementaires disposant du vote de censure et d'autres mécanismes permanents de contrôle démocratique plus réels qu'en Amérique latine.

Or, rappellent des observateurs dans ce contexte, c'est l'ambition de Manuel Zelaya d'introduire, sans doute à son profit, la réélection présidentielle prohibée par la Constitution du Honduras qui a provoqué le coup d'Etat du 28 juin 2009. Aujourd'hui encore, l'éviction manu militari de Manuel Zelaya est présentée à Tegucigalpa comme la "relève constitutionnelle" d'un président coupable de violer la Charte fondamentale, malgré le refus et les avertissements de la Cour suprême de Justice, du Parquet de la République, du Tribunal suprême électoral et du Congrès national (Parlement).

Sur la même longueur d'onde que Dante Caputo, les analystes internationaux de l'influente Corporación Latinobarómetro, basée à Santiago du Chili, posent dans leur Rapport 2009 ces questions "surgies des événements du Honduras" :
  • "L'autoritarisme présidentiel est-il une forme de néodémocratie dans laquelle on octroie le pouvoir total au président considéré comme substitut du système démocratique?"
  • "Où se situe la ligne séparant la démocratie de la néodémocratie dans laquelle le président agit comme substitut de la légitimité des institutions, disposant de pouvoirs au-delà du raisonnable?"
  • L'Amérique latine ne réagit-elle que lorsque les coups d'Etat apparaissent comme tels, comme au Honduras? Et que se passe-t-il lorsqu'on transgresse les institutions au-delà de ce qui relève de la démocratie?
Cette dernière question de la Corporación Latinobarómetro est fondamentale dans le cas du Honduras, comme elle pourrait l'être actuellement dans d'autres pays. On peut la reformuler en se demandant si une réaction en temps opportun de la communauté internationale, surtout des Nations unies et de l'OEA, pour endiguer le défi lancé par Manuel Zelaya à l'ensemble des principales institutions du Honduras aurait désamorcé la préparation du coup d'Etat du 28 juin.

Le problème est que la Charte démocratique interaméricaine n'est activée efficacement que lorsqu'elle est invoquée par des gouvernements. Les autres acteurs et institutions sont moins écoutés. Le secrétaire général de l'OEA, le socialiste chilien José Miguel Insulza, le reconnaissait le 16 juillet 2009, moins de trois semaines après la défenestration de Manuel Zelaya. Il ouvrait alors la porte à une éventuelle réforme de cette Charte démocratique continentale en estimant que "c'est l'heure de débattre de son contenu et de ses limitations".

La réforme, qui se fait attendre, répondrait peut-être à "l'inquiétude" exprimée par la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, le 11 décembre 2009 à Washington, à propos "des leaders élus de façon juste et légitime, mais qui commencent ensuite à saper l'ordre constitutionnel et démocratique, le secteur privé, les droits des citoyens à vivre sans être harcelés ni opprimés"... Une évidence qui aurait plus de poids si elle était soulignée au nom d'un pays qui a moins traumatisé l'Amérique latine.

En résumé, la leçon essentielle du coup d'Etat au Honduras serait qu'une alarme devrait pouvoir mobiliser rapidement le système interaméricain que chapeaute l'OEA dès les premiers dommages infligés aux institutions démocratiques d'un pays de la région, sans attendre que s'y produise l'irréparable. (Dans ce cas, Manuel Zelaya aurait peut-être été aux yeux de la communauté internationale l'accusé, mais non la victime).

Le Venezuela d'Hugo Chavez et ses principaux alliés régionaux (Cuba, Bolivie, Equateur, Nicaragua) ne partageront pas cette démarche qui les mettrait sous observation permanente. Ils ont depuis longtemps abouti à la conclusion plus simple et pas nécessairement fausse que les Etats-Unis, qu'ils impliquent dans le putsch hondurien, n'auraient pas renoncé à leur politique de domination en dépit des espoirs soulevés par le président Barack Obama.

Représentants de Porfirio Lobo invités par l'UE à Bruxelles

Quant à la normalisation de la position internationale du Honduras, mis au ban des nations depuis le coup d'Etat, l'Union européenne y contribue par son invitation au gouvernement de Porfirio Lobo à participer, du 1er au 3 février à Bruxelles, à la "réunion informelle" devant préparer l'imminente reprise des négociations d'un accord d'association entre l'UE et l'Amérique centrale (Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama).

Le chef de la délégation de la Commission européenne pour l'Amérique centrale, Mendel Goldstein, confirmait le 28 janvier à Managua (Nicaragua) que l'UE espère conclure les négociations en avril afin que l'accord puisse être signé lors du VIe sommet UE-Amérique latine-Caraïbes, le 18 mai à Madrid.

La commissaire européenne Benita Ferrero-Waldner disait la même chose une semaine plus tôt à San José (Costa Rica). "Aucun pays ne pourra bloquer la négociation" ajoutait-elle alors, se référant probablement au Nicaragua. Son président sandiniste, Daniel Ortega, ainsi que les autres présidents des pays de l'ALBA, dont Hugo Chavez, se refusent à reconnaître le président hondurien Porfirio Lobo, jugeant illégitime son élection organisée sous un gouvernement "putschiste".


CONFIRMATION DE LA PRÉSIDENCE ESPAGNOLE DE L'UNION EUROPÉENNE

Sous le titre "Reprise des négociations commerciales UE-Amérique centrale en vue", la présidence semestrielle espagnole de l'UE indique ce 31 janvier 2010 sur son site Internet officiel que "La tenue d'élections et l'investiture de Porfirio Lobo au poste de président du Honduras ont débloqué la voie pour que l'UE puisse normaliser ses relations avec ce pays d'Amérique centrale et que les négociations puissent reprendre en vue de la signature d'un accord d'association bi-régional".

"Entre le 1er et le 3 février, les négociateurs commerciaux des pays d'Amérique centrale et de la Commission européenne tiendront une réunion informelle à Bruxelles, pour établir le bilan des négociations en vue de leur reprise fin février" précise la présidence espagnole.



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