Géopolitique suicidaire
Terrorisme - Et l'Occident misa sur l'intégrisme islamique…

Source : « El terrorismo y las ficciones, un análisis político tras los atentados en Cataluña », article de l'écrivain et analyste espagnol Daniel Bernabé publié après les attentats djihadistes de Barcelone et Cambrils. Comme l'autorise la licence CC BY-SA 3.0 de cet article, LatinReporters.com l'a traduit et adapté, sélectionnant des éléments d'analyse non limités à l'Espagne.

Madrid, 3 septembre 2017 - Le fondamentalisme islamique comme arme géopolitique fut une idée lancée en Occident dans les locaux aseptiques d'un think tank et qui, libérée, devint incontrôlable.

Depuis que les États-Unis lancèrent l'Opération Cyclone en 1979 contre le gouvernement socialiste de l'Afghanistan soutenu par l'URSS, armant et encourageant le fondamentalisme islamique pour provoquer une mal nommée guerre civile, le modus operandi consistant à appliquer ce scénario aux pays arabes réticents à entrer dans l'orbite des intérêts occidentaux a eu des effets désastreux.

Mentionnons principalement la destruction et la mortalité sur le terrain, mais aussi, dans une optique européenne, l'éviction de gouvernements qui, même dictatoriaux, freinaient l'intégrisme.

L'organisation État islamique (ÉI) n'a pas surgi du néant, mais d'un processus de décomposition en Irak, en Syrie et en Libye qui permit au fanatisme islamiste de prendre racine dans ces pays, ainsi qu'en Europe par le retour de combattants et la création d'un système sophistiqué de propagande et de recrutement dont Internet et les réseaux sociaux sont l'allié inespéré.

La fiction de l'ultime défense face à barbarie

Le panorama est désolant et complexe, mais la lecture est simple : pour l'Europe, la déstabilisation de zones quasi voisines en stimulant l'intégrisme religieux fut une idée néfaste. L'objectif final de la fiction sécuritaire, déjà chancelante, est d'exonérer les gouvernements occidentaux en les présentant comme l'ultime défense face à la barbarie, alors qu'ils l'ont inspirée avec la collaboration inestimable d'alliés tels que les dictatures wahhabites du Golfe.

Seule une lecture partielle, maladroite ou intéressée pourrait voir dans cet exposé de faits et de certitudes une justification du terrorisme de l'ÉI.

Il est possible que la population occidentale ait vécu le dos au monde et à la géopolitique suicidaire de ses gouvernants, toujours éperonnés par les intérêts des élites économiques, mais cela ne la rend pas responsable de ces faits et moins encore digne de subir cette violence.

Il ne s'agit pas de justifier les terroristes, qui se présentent comme des libérateurs face aux armées des croisés, mais qui en réalité mènent leur bataille contre les armées syrienne et irakienne (entre autres), soit contre des musulmans que leur intégrisme juge impies.

Il n'y a pas si longtemps, les grands médias nous vendaient ces fanatiques comme des rebelles luttant pour la démocratie, alors qu'ils décapitaient déjà. Les hémérothèques en témoignent et, une fois de plus, elles sentent mauvais.

Le fondamentalisme islamique comme arme géopolitique fut une idée lancée en Occident dans les locaux aseptiques d'un think tank et qui, libérée, devint incontrôlable, semant la mort sur la moitié de la planète. [Note de LatinReporters.com - L'appui quasi inconditionnel des États-Unis et d'autres pays occidentaux à Tel Aviv dans le conflit israélo-palestinien fut aussi et demeure un terreau, peut-être le plus dense, du terrorisme islamique].

Le problème n'est plus d'en finir avec l'ÉI et son califat à cheval sur la Syrie et l'Irak, cela se produira tôt ou tard. Le défi est plutôt la progression déjà imparable en tant qu'idée de l'ÉI dans l'imaginaire de musulmans.

Il est aussi essentiel de comprendre que le terrorisme djihadiste n'affecte nullement la structure de pouvoir entre classes sociales ni l'équilibre de pouvoir impérialiste, qui s'en trouve au contraire renforcé.

À plus de peur, plus d'ordre, plus d'ordre d'un type déterminé, celui qui nous a conduit à la situation actuelle.

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