L'opposition mise à nouveau sur la candidature de Henrique Capriles
Venezuela-Présidentielle le 14 avril: saint Chavez favori, via Maduro
 

par Christian GALLOY
 

Dimanche 10 mars 2013 (LatinReporters.com) - L'élection présidentielle anticipée consécutive au décès du président Hugo Chavez aura lieu le 14 avril prochain, a annoncé samedi à Caracas le Conseil national électoral. Le candidat de l'opposition sera probablement à nouveau Henrique Capriles. Honorablement battu par Chavez à la présidentielle du 7 octobre 2012, il risquera cette fois l'écrasement face à un adversaire plus redoutable encore : saint Chavez, incarné par le président intérimaire Nicolas Maduro.

Car "Chavez n'est pas mort, il s'est multiplié" répètent nombre de ses partisans, comme transformés en adorateurs d'un Saint-Esprit bolivarien qu'ils voudraient omniprésent. "Chavez entrera dans la mythologie des autels de rue, probablement avec autant de force que le Che Guevara" avait prédit l'ex-révolutionnaire salvadorien Joaquin Villalobos.

La file kilométrique menant à l'Académie militaire de Caracas ne se raccourcit pas. Le public peut y voir le Comandante depuis le soir du 6 mars, lendemain de sa mort due au cancer, à travers la vitre qui recouvre le haut de son cercueil. En impeccable costume militaire vert olive, cravate noire, coiffé de son légendaire béret rouge, Hugo Chavez arbore un visage serein, figé dans la mort, a noté un journaliste de l'AFP.

Selon les autorités, plus de deux millions de ses partisans ont vénéré depuis mercredi la dépouille du président. Et le culte risque peu d'être bref. Car Chavez sera "embaumé pour l'éternité, comme Lénine, Hô Chi Minh et Mao Tsé-toung", puis exposé dans un cercueil de verre au musée de la Révolution, a affirmé Nicolas Maduro.

"Chavez, c'est de Gaulle plus Léon Blum"

Victorin Lurel, ministre des Outre-mer dépêché par la France aux funérailles d'État de Hugo Chavez, s'est dit impressionné par la préparation du corps du défunt : "On avait l'impression qu'il y avait là une sorte d'opération, je pèse mes mots, de sanctification."

"C'était émouvant. On peut ne pas être d'accord avec telle ou telle action de Hugo Chavez, mais les gens sont fiers de ce qui a été fait en 14 ans" de présidence a ajouté le ministre Lurel, interrogé par les radios RTL et Europe1. Et d'enchaîner : "Toute chose égale par ailleurs, Chavez, c'est de Gaulle plus Léon Blum. De Gaulle parce qu'il a changé fondamentalement les institutions et puis Léon Blum, c'est-à-dire le Front populaire, parce qu'il lutte contre les injustices."

"Il lutte"... Qu'un ministre français, lapsus ou non, parle encore au présent du leader des gauches radicales latino-américaines, évoque sa sanctification et applaudisse son évangile social n'infirmera pas la thèse de l'influence du déjà saint Chavez sur l'élection du 14 avril. C'est ce saint-là qui sera le véritable candidat du Parti socialiste unifié du Venezuela, le PSUV chaviste. Et c'est lui, saint Chavez, qui remportera probablement la présidentielle, via Nicolas Maduro, le dauphin qu'il avait lui-même désigné et qui est largement favori dans les sondages effectués peu avant la mort attendue du leader bolivarien.

"Au nom de la loyauté la plus absolue au commandant Hugo Chavez, je jure que nous respecterons et ferons respecter cette Constitution bolivarienne avec la main de fer d'un peuple décidé à être libre, je le jure" clamait Nicolas Maduro, vendredi soir à l'Assemblée nationale, lors de son investiture comme président par intérim. "Chavez continuera à gouverner au travers de Maduro" résume l'ancien vice-président José Vicente Rangel. Et cela jusqu'en 2019 si les prédictions de victoire se concrétisent pour Maduro, ce qui porterait à 20 ans la durée du pouvoir chaviste.

Henrique Capriles confronté à un dilemme

Dès la convocation officielle, samedi, de l'élection présidentielle anticipée du 14 avril, la Table de l'unité démocratique (MUD), qui fédère de la gauche à la droite une vingtaine de partis d'opposition, a proposé à Henrique Capriles d'être à nouveau son candidat. Le 7 octobre 2012, ce jeune (40 ans) gouverneur de l'État de Miranda avait récolté 44,13% des voix contre 55,26% à Hugo Chavez, lequel remportait alors sa quatrième victoire consécutive à une élection présidentielle.

Capriles a invoqué la nécessité d'une "analyse" avant de communiquer à la MUD sa réponse "dans les prochaines heures". Jugeant anticonstitutionnelles les décisions judiciaires, gouvernementales et parlementaires qui ont abouti à faire de Nicolas Maduro un président par intérim candidat à l'élection présidentielle, le candidat potentiel de l'opposition est confronté à un dilemme frustrant. Affronter saint Chavez via Maduro devrait le mener à une défaite cinglante qui pourrait écourter sa carrière politique. Mais en refusant la candidature présidentielle, Henrique Capriles laisserait pour longtemps dans le désarroi une opposition qui perdrait sa seule personnalité ayant, selon les sondages, une véritable notoriété nationale.

Pour la MUD, en outre, l'espoir d'une rapide revanche à sa déroute aux élections régionales de décembre dernier s'est envolé, car en convoquant la présidentielle du 14 avril, le Conseil national électoral a reporté à une date indéterminée les municipales prévues pour le 14 juillet.

Même les présidents de droite ont gardé le cercueil de Chavez

Autre source de mélancolie pour l'opposition : parmi les 32 chefs d'État et de gouvernement qui relevaient la qualité des délégations de 54 pays aux funérailles de Hugo Chavez, quasi tous les présidents latino-américains classés à droite de l'échiquier politique étaient présents, conduits par le Mexicain Enrique Peña Nieto, le Colombien Juan Manuel Santos et le Chilien Sebastian Piñera. Leur présence aux côtés de leurs homologues de la gauche radicale ou modérée, participant ensemble à une garde symbolique du cercueil de Chavez, pouvait être perçue comme un tribut au rêve d'unification de l'Amérique latine poursuivi par le bouillant disciple de Bolivar.

Enfin, lorsque la MUD reproche à Chavez d'avoir négligé l'économie au profit d'un populisme social et de bafouer des droits fondamentaux, même des chavistes de base répliquent que dans les pays où revient en force le néolibéralisme, notamment ceux de l'Union européenne, la crise fait reculer à la fois l'économie et le social et dégrade l'exercice effectif du droit au logement, à la santé et à l'éducation.


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