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Analyse, par Christian Galloy

Colombie - La narcoguérilla plus cruelle que Pinochet

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Dossier Colombie

BOGOTA, 15 avril 2001 (LatinReporters.com) - Les nations occidentales, européennes en particulier, saluent à juste titre l’inculpation d’Augusto Pinochet pour les crimes commis pendant sa dictature. Mais elles passent sous silence les atrocités plus nombreuses et au moins aussi graves perpétrées actuellement par la guérilla colombienne, dirigée par des idéologues marxistes reconvertis en trafiquants de drogue.

Dix-sept ans de dictature du général Pinochet (1973-1990) laissent un bilan tragique de 3000 morts et disparus. Au moins autant de Colombiens sont abattus chaque année par les deux narcoguérillas marxistes du pays, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et l’Armée de Libération Nationale (ELN). Selon l’Institut de Médecine Légiste de Bogota, plus de 20.000 Colombiens ont péri l’année dernière victimes d’armes à feu.

Aux morts s’ajoutent les séquestrés. L’ONG (organisation non gouvernementale) colombienne " Pays Libre " attribue aux FARC et à l’ELN la moitié des 3029 enlèvements, dont ceux de 264 enfants, recensés en Colombie pendant la seule année 2000. Pour les deux premiers mois de 2001, " Pays Libre " évalue le nombre d’enlèvements à 418, perpétrés à raison de 68% par les deux narcoguérillas.

Les séquestrés, souvent retenus de longs mois dans la forêt amazonienne, ne sont libérés, s’ils survivent, que contre des rançons de plusieurs millions de pesos. (Un million de pesos vaut environ 900 dollars.)

Quant à l’extorsion de fonds appelée " impôt révolutionnaire ", exigé sous peine de mort ou d’enlèvement, elle a rapporté 110 millions de dollars aux seules FARC au cours des douze derniers mois, estime à partir de sources policières le respecté " El Tiempo ", quotidien libéral de Bogota.

Les morts, les séquestrés et les extorqués sont, pour la plupart, des villageois soupçonnés d’aider le camp adverse, des petits commerçants ne pouvant s’offrir une garde privée ou de simples voyageurs pris dans les dizaines de barrages routiers que dressent par surprise les guérilleros.

Le 12 avril dernier, jeudi saint, un porte-parole de l’armée colombienne annonçait la découverte de fosses communes où étaient enterrés 44 paysans victimes des FARC, tués pour avoir refusé de payer " l’impôt révolutionnaire ".

Enfants enrôlés de force

La presse n’est pas épargnée. Victimes des guérillas marxistes, de commandos d’extrême droite ou de narcotrafiquants, plus de 150 journalistes ont été tués en Colombie depuis vingt ans, 53 pris en otage et des dizaines d’autres contraints à l’exil.

Des enfants sont enrôlés de force dans la guérilla. Parmi les 21.000 combattants que comptent ensemble les FARC et l’ELN, près de 6.000 sont des mineurs âgés de 12 à 17 ans, estime l’Institut Colombien du Bien-être Familial. Ceux qui réussissent à déserter montrent des signes d’endoctrinement idéologique.

La guerre civile en Colombie a fait 200.000 morts depuis 1964. A l’origine, des doctrines égalitaires alimentées par la guerre froide animaient la guérilla colombienne. Les FARC et l’ELN étaient alors financées principalement par l’Union soviétique et Cuba.

A partir des années 80, le déclin et l’éclatement de l’empire soviétique ont tari les ressources des guérilleros. Les FARC et l’ELN ont alors généralisé l’extorsion et les enlèvements. Pour assurer ses finances, la guérilla s’est aussi alliée aux barons de la drogue.

" Nous avons découvert les documents qui démontrent la participation des FARC à tout le processus de la culture, de la production et de la commercialisation de la cocaïne avec les cartels internationaux " affirmait le 4 avril dernier le général Jorge Mora, commandant de l’armée de terre colombienne.

Le général a accusé les FARC et notamment l’un de ses commandants, " Negro Acacia ", d’échanger des armes contre de la drogue avec le capo brésilien Luis Fernando Da Costa. " Il ne manque plus aux FARC qu’à vendre de la drogue dans les rues de New York " s’est exclamé le militaire.

Les guérilleros développent la culture et le traitement de la feuille de coca dans l’enclave démilitarisée de 42.000 km2, grande comme la Suisse, remise en novembre 1998 par le président colombien Andres Pastrana aux FARC en guise de " laboratoire de paix ".

Une vie dédiée à semer la terreur "

Responsables eux aussi de nombreux massacres, des commandos d’extrême droite, les paramilitaires des Autodéfenses Unies de Colombie (AUC), mènent actuellement une violente offensive contre l’ELN pour dissuader le président Pastrana d’offrir à cette branche de la guérilla une autre enclave démilitarisée.

Organisations humanitaires et gouvernements occidentaux condamnent avec raison les AUC. Mais ils ne dénoncent ni les crimes des FARC ni ceux de l’ELN.

Le 21 mars dernier, 26 pays qualifiés " d’amis " envoyaient au nom d’une paix introuvable leur ambassadeur donner l’accolade au chef des FARC, Manuel Marulanda. Parmi ces pays figurent notamment la France, le Canada, la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, l’Italie, l’Espagne, la Norvège, les Pays-bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède.

La France, la Suisse, la Norvège et l’Espagne forment aussi, avec Cuba, le " groupe des cinq pays amis " qui avalise les négociations sur l’octroi par Bogota d’un territoire à l’ELN.

Cette honorabilité offerte par l’Europe, mais refusée par les Etats-Unis, à la narcoguérilla étonne nombre de Colombiens.

Rappelant l’entrée triomphale à Mexico, en mars, du sous-commandant zapatiste Marcos, un éditorialiste du quotidien libéral " El Tiempo ", Alfonso Llano Escobar, écrit : " Si Marulanda (le chef des FARC) défilait aujourd’hui vers la Place Bolivar de Bogota, je suis persuadé qu’il y entrerait seul, car sa cause est impopulaire. Toute une vie dédiée à semer la terreur et la mort, à assassiner, à séquestrer et à détruire. Personne ne l’admire, personne ne l’aime... ".


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