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Seuls les Etats-Unis et l'Espagne aident militairement la Colombie contre la guérilla

Colombie: l'achat polémique à l'Espagne de 46 chars inquiète le Venezuela

Le président colombien Alvaro Uribe (à gauche) recevant le président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, le 21 février à Cartagena de Indias
Photo César Carrión - SNE
BOGOTA, mercredi 25 février 2004 (LatinReporters.com) - Les 46 chars que Madrid devrait livrer à l'armée colombienne avant la fin de l'année provoquent une polémique nationale et internationale.

Non adaptés à une topographie à la fois andine et amazonienne, ces chars contribueront-ils vraiment à la lutte contre la guérilla? Seront-ils déployés à la frontière avec le Venezuela pro-cubain du président Hugo Chavez, que Bogota accuse régulièrement de soutenir les guérilleros colombiens? L'Espagne est avec avec les Etats-Unis le seul pays à aider militairement la Colombie contre la guérilla, que les trois pays qualifient de "terroriste".

"L'acquisition de chars utiles au système de protection de nos routes et à la dissuasion des terroristes" avait été confirmée le 21 février par le président colombien Alvaro Uribe, qui recevait à Cartagena de Indias le président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar. Ce dernier avait alors réaffirmé que "l'Espagne appuie tous les efforts du président Uribe dans la lutte antiterroriste", soit contre les guérillas d'extrême gauche des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie, considérées comme "terroristes" par l'Union européenne aussi) et de l'ELN (Armée de libération nationale).

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Négociée et acquise il y a un an à Madrid, la coopération militaire hispano-colombienne avait été placée, dès le 28 février 2003, dans le cadre de la "lutte contre le terrorisme" par le ministre espagnol de la Défense, Federico Trillo. Cette coopération déboucha d'emblée sur un cactus inattendu: le général Hector Velasco, chef à l'époque de la force aérienne colombienne, rejeta la donation par l'Espagne de huit avions de chasse Mirage F1, "plus vieux que les appareils utilisés par la Colombie" et dont le reconditionnement serait, ajoutait le général, "trop coûteux". D'autres aspects de la coopération militaire bilatérale se développent néanmoins normalement.

Les 46 chars annoncés, des AMX 30, ne sont pas non plus de première jeunesse. Les Espagnols les fabriquèrent sous licence française dans les années 70. Leur moteur, leur armement et autres équipements ont néanmoins été modernisés. Proposés, selon Bogota, à un prix compris entre 110.000 et 115.000 dollars pièce, avec une nouvelle vie utile estimée à un minimum de 10 ou 12 ans, ces chars constitueraient "un véritable cadeau", à en croire des experts militaires colombiens qui estiment leur valeur réelle à plus de quatre fois le prix demandé par l'Espagne.

Dissuader le Venezuela?

Mais c'est l'utilisation et non l'âge de ces véhicules blindés qui alimente la polémique. Titrant en couverture "Les chars d'Uribe", l'influent hebdomadaire colombien Cambio affirmait le week-end dernier qu'ils s'inscriront dans une politique de dissuasion à l'égard du Venezuela, notamment dans le département septentrional de La Guajira, en bordure du Golfe de Maracaibo. Cette région est l'objet d'une vieille dispute territoriale entre les deux pays. Leurs relations se compliquent aujourd'hui par la certitude des autorités de Bogota que la guérilla des FARC et de l'ELN jouit de facilités en territoire vénézuélien.

Interrogé par Cambio, l'expert colombien en matière de sécurité Alfredo Rangel affirme, à propos de l'achat des AMX 30, que "c'est la première fois depuis de nombreuses années qu'une dépense sert à faire face à l'hypothèse d'un conflit conventionnel avec le Venezuela". Il ajoute: "Vu l'influence des groupes armés [de la guérilla] à la frontière commune, on ne peut exclure que ces groupes puissent provoquer des chocs entre les armées des deux pays".

Le ministre colombien de la Défense, Jorge Alberto Uribe (sans lien de parenté avec le président Alvaro Uribe), démentait une telle interprétation dès dimanche à Bogota, lors d'une conférence de presse convoquée au palais présidentiel de Nariño. "Proche de ses 200 ans d'existence, disait-il, la Colombie n'a jamais commis et ne commettra jamais une action belliqueuse contre aucun de ses cinq voisins... Seul un esprit malade pourrait voir dans l'acquisition de ces équipements [les chars] une finalité agressive contre un quelconque voisin".

Selon le ministre, les AMX 30 serviront à la dissuasion et au contrôle internes, en des points névralgiques du réseau routier national dans plusieurs départements.

Néanmoins, interrogé sur l'éventualité d'un déploiement de chars en certains points de la frontière colombo-vénézuélienne où pourraient être signalés des groupes de rebelles ou des trafiquants de drogue et d'armes, le ministre de la Défense répondait: "Les chars seront là où il seront nécessaires, même s'il s'agit d'une frontière".

Course aux armements

Le Venezuela est entré dans ce débat par la voix de son ex-ministre de la Défense Fernando Ochoa Antich, qui fut aussi ministre des Affaires étrangères. Il prétend que les 46 AMX 30, ajoutés aux hélicoptères livrés à Bogota par les Etats-Unis pour combattre la guérilla, vont rompre l'équilibre militaire entre la Colombie et le Venezuela et "obligeront [le président vénézuélien] Hugo Chavez à déclencher une course aux armements".

Un autre ex-ministre de la Défense, le sénateur colombien Rafael Pardo, estime que le poids (36 tonnes) des AMX 30 les rend inutiles non seulement dans la topographie montagneuse et forestière de la Colombie à la fois andine et amazonienne, mais aussi sur la plupart des routes et des ponts du pays, qui risqueraient de céder.

L'expert colombien en sécurité nationale et terrorisme Andres Villamizar est du même avis. Selon lui, les chars espagnols sont une arme de terrain plat et vouloir les utiliser contre la guérilla dans la géographie colombienne reviendrait à tenter "de tuer des mouches avec un marteau".

Souhaitant peut-être mettre tout le monde d'accord, le professeur Roman Ortiz, de l'Université des Andes, laisse entière la polémique internationale et nationale en estimant que "les chars peuvent servir tant dans un conflit extérieur que dans le conflit interne, dans la mesure où les groupes armés illégaux opèreraient en zone plane et routière"...

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