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Analyse, par Christian Galloy

Conflit colombien: Amnesty International constate l'échec du président Pastrana

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Dossier Colombie

BOGOTA, 31 mai 2001 (LatinReporters.com) - La politique de concessions à la guérilla du président colombien Andres Pastrana semble attiser le drame intérieur au lieu de le résoudre. L’organisation humanitaire Amnesty International déplore l’extension, au cours de l’année 2000, du conflit colombien " chaque fois plus sanglant " et dont les enfants et les paysans sont les premières victimes. L’impuissance du président Pastrana à assurer la sécurité serait soulignée si la Coupe America de Football, prévue en Colombie en juillet, était confiée à un autre pays.

Porté à la présidence en 1998 par son message de paix, le conservateur Andres Pastrana veut marquer de son nom l’histoire de la Colombie en clôturant un conflit intérieur vieux de 37 ans, qui a fait 200.000 morts et contraint plus de 2 millions de paysans à abandonner leurs terres.

Dès novembre 1998, sans exiger un cessez-le-feu, le chef de l’Etat offrait à la principale guérilla du pays, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes) une enclave démilitarisée en guise de " laboratoire de paix ". Située au sud, à la frontière avec l’Equateur, cette enclave de 42.000 km2 est aussi étendue que la Suisse ou le Danemark.

Les guérilleros furent les premiers surpris de se retrouver maîtres sans combat d’un tel territoire. Ils y virent une victoire augurant de leur triomphe final et transformèrent en deux ans leur "laboratoire de paix " en premier producteur mondial de coca pour financer l’extension de leur combat.

Le recrutement forcé dans la zone permit aux FARC de gonfler leurs effectifs de 11.000 à plus de 17.000 combattants, dont plusieurs milliers d’enfants selon la fondation humanitaire colombienne Pays Libre. Le " laboratoire de paix " sert aussi de prison aux civils Colombiens séquestrés, que les FARC ne libèrent que contre rançon.

Ce territoire où les FARC administrent même la justice est devenu le centre logistique où aboutit un trafic d’armes international financé par la cocaïne et où se préparent les offensives contre d’autres régions de Colombie.

En échange d’autant d’avantages, les FARC permettent de temps à autre au président Pastrana et à des diplomates européens et sud-américains des incursions touristiques médiatisées dans leur " laboratoire " pour y parler d’une paix introuvable... et sans doute inutile pour des guérilleros qui, de fait, contrôlent leur " Etat ".

Plus de victimes l’an dernier en Colombie qu’en 17 ans de dictature au Chili

L’exemple des FARC a donné des ailes à l’autre guérilla, celle de l’Armée de libération nationale (ELN, pro-cubaine). L’ELN multiplie les offensives en réclamant elle aussi son " laboratoire de paix ", que le président Pastrana lui aurait déjà octroyé au Nord de la Colombie si les populations concernées et les paramilitaires ne s’y opposaient pas avec détermination.

La montée en puissance des guérillas et les concessions du président Pastrana renforcent l’appui des Colombiens à ce troisième protagoniste du conflit que sont les paramilitaires d’extrême-droite. Mieux que l’armée et parfois en accord tacite avec elle, leurs 8.500 hommes font souvent reculer les guérilleros. Mais les atrocités qu’ils commettent ne sont égales qu’à celles des FARC et de l’ELN.

Pour la seule année 2000, Amnesty International dénonçait mercredi 4.000 " homicides politiques ", 300 " disparitions " et 3.000 enlèvements, dont ceux de 200 enfants, perpétrés en Colombie par les FARC, l’ELN et les paramilitaires. A titre de comparaison, la dictature du général Pinochet au Chili a laissé un bilan tragique de 3.000 morts et disparus, mais sur une période de 17 ans.

Sans le vouloir, Amnesty International confirme ainsi l’impuissance du président Pastrana et l’échec de ses concessions sans contrepartie.

Par ailleurs, une série d’attentats à la voiture piégée étendant désormais le conflit colombien jusqu’au coeur des villes, la Confédération sud-américaine de football a convoqué pour la semaine prochaine une réunion d’urgence. On y décidera du déplacement ou non dans un autre pays de la Coupe America de football prévue en Colombie du 11 au 29 juillet.

Le transfert de la Coupe serait un symbole universellement perçu de l’échec de la politique de concessions d’Andres Pastrana. A un an des élections présidentielles, le chef de l’Etat colombien, que l’on dit en quête du prix Nobel de la paix, ne pouvait redouter pire affront. Le président colombien l’a compris. Il lançait dès mercredi une campagne relayée par tous les médias nationaux afin que la Coupe America reste en Colombie et soit " la coupe de la paix ".


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