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Colombie: "maudit pays imaginaire" des enfants martyrs

Enfant colombien
enrôlé dans la
guérilla
©Ministerio de
Defensa Nacional
QUITO, samedi 8 décembre 2001 (LatinReporters.com) - La guerre civile colombienne n'épargne pas les enfants. Depuis 1964, l'insurrection de la guérilla marxiste (FARC) et guévariste (ELN), ainsi que la contre-offensive permanente de l'armée et des paramilitaires ont fait plus de 200.000 morts et déplacé plus de deux millions de personnes. Depuis près de quarante ans, chaque année, des centaines de petits Colombiens meurent sous les balles, sont séquestrés contre rançon ou enrôlés de force dans la guérilla.

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Dossier Colombie

A la sauvagerie des hommes s'ajoute parfois la cruauté de la nature. Comme dans la ville d'Armero, ensevelie en novembre 1985 sous une avalanche de boue descendue des flancs du volcan Nevado del Ruiz. Les jambes prisonnières des débris de sa maison, la petite Omayra, 12 ans, y mourut lentement devant les caméras des télévisions internationales.

C'est notamment Omayra, symbole des 22.000 morts d'Armero, qu'évoque sans la nommer l'émouvant poème "Maudit pays imaginaire!" écrit par Catalina Guerra et envoyé de Colombie au siège équatorien de Latinreporters.com, à Quito.

La poétesse évoque aussi, sans le nommer davantage, le petit Andres Felipe Perez, un garçonnet colombien de 12 ans également, dont le plus beau cadeau de Noël serait de revoir son père, un sous-officier de police prisonnier depuis 22 mois de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Cette Noël 2001 sera sans doute la dernière d'Andres Felipe, atteint d'un cancer en phase terminale. Mais la guérilla ne s'en émeut pas, contrairement aux médias colombiens et internationaux, qui ont soulevé dans le continent américain une vague de solidarité en faveur du garçonnet.

Sous la plume de Catalina Guerra, Omayra et Andres Felipe deviennent les symboles des enfants martyrs colombiens.

Voici la traduction française du poème, suivie du texte original en espagnol, avec les mentions qui accompagnaient la signature.

 

Maudit pays imaginaire!

Une fillette, enterrée jusqu'au cou, dans un Armero qui n'existe déjà plus, un garçonnet mourant de cancer dans un pays qui, également, n'existe plus. C'est un pays fictif, où les fils n'ont pas de père, et les mères pleurent les fils qui n'existent plus.

C'est une mort lente celle de ce pays fictif qui éteint ses fils un à un. Une mort comme celle du garçon de la presse, comme celle de la fillette d'Armero.

Maudit pays imaginaire!

Nous regardons, nous, les enfants, terrorisés, le pays fictif nous enlever nos parents et nous ensevelir lentement dans une avalanche de fumier. Nous mourons là, les enfants. Lentement, à la lumière des caméras et des journaux du monde.

La mort arrive, lente, dans ce pays fictif, elle s'assied à tes côtés, silencieuse, comme la faim. Elle te donne la main, la mort lente, te caresse, te rappelle que tu es une fillette fictive dans un pays imaginaire, où la vie est mourir.

Maudit pays imaginaire!

Et moi je me lève, je touche ma peau, je ne suis pas encore tout à fait morte, pas comme la fillette qui mourut dans la boue, ni comme le garçonnet naufragé dans la presse. Je prends la mort par la main, doucement, et je chemine, dans le pays imaginaire, à la recherche de cette enfance perdue.

Je cherche un père pour lui donner un fils, un fils pour le ramener à une mère, je cherche un frère qui perdit la trace de sa soeur. Je cherche encore la tombe vide, je cherche à cheminer vers un village fictif et entendre au loin le tumulte d'enfants inexistants mais gais, je cherche le fils qui n'est pas parti, celui qu'ils n'emmenèrent pas, celui qu'ils ne ramenèrent pas déchiqueté.

Maudit pays imaginaire!

Viens, si tu vis encore, si tu n'es pas déjà mort de la mort lente de l'enfance arrachée, oui, viens...Cherchons un enfant qui meurt lentement, serrons-le sur la poitrine, donnons-lui la vie, cherchons-lui son père, faisons-le rire avec des contes extravagants de cités lointaines et imaginaires, faisons-le pleurer avec notre bonté.

Dans un pays fictif, où l'enfance meurt d'une mort lente imaginaire, on cherche un acte d'amour, spontané, juste, décisif. Un seul, avant de mourir.

Catalina Guerra

Texte original en espagnol:

¡Maldito pais imaginario!

Una niña, enterrada hasta el cuello, en un Armero que ya no existe, un niño muriendo de cancer en un pais que tampoco existe ya. Es un pais ficticio, donde los hijos carecen de padres, y las madres lloran por hijos que ya no existen.

Es una muerte lenta la de ese pais ficticio, que extingue uno a uno a sus hijos. Una muerte como la del niño de la prensa, como la de la niña de Armero.

¡Maldito pais imaginario!

Miramos, Nosotros, los niños, aterrorizados, como el pais ficticio Nos quita a Nuestros padres, y lentamente Nos sepultan en un alud de estiercol. Morimos alli, los niños. Lentamente, a la luz de las camaras y los periodicos del mundo.

La muerte llega lenta, en ese pais ficticio, se sienta a tu lado, callada, como el hambre. Te da la mano, la muerte lenta, te acaricia, te recuerda que eres una niña ficticia en un pais imaginario, donde la vida es morir.

¡Maldito pais imaginario!

Y yo me levanto, toco mi piel, aun no he muerto del todo, no como la niña que murio en el lodo, ni el niño que naufragó en la prensa. Tomo la muerte de la mano, suavemente, y camino, por el pais imaginario, en busca de aquella niñez perdida.

Busco un padre para darselo a un hijo, un hijo para regresarselo a una madre, busco un hermano que extravió a su hermana. Busco encontrar la tumba vacia, busco caminar hacia un pueblo ficticio y de lejos oir el bullicio de niños inexistentes pero alegres, busco al hijo que no se fue, al que no se llevaron, al que no trajeron en pedazos.

¡Maldito pais imaginario!

Ven, si aun tienes vida, si no has muerto aun la lenta muerte de la infancia arrebatada, si, ven... Busquemos un niño que muere lentamente, apretémolo contra el pecho, démole vida, busquémole su padre, hagámoslos reir con cuentos estrafalarios de ciudades distantes e imaginarias, hagámolos llorar con Nuestra bondad.

En un pais ficticio, donde la niñez muere una lenta muerte imaginaria, se busca un acto de amor, espontaneo, certero, contundente. Uno solo, antes de morir.

Catalina Guerra © 2001
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