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111 des 128 députés contre le rétablissement du président déchu
Honduras: non massif du Congrès au retour au pouvoir de Zelaya

TEGUCIGALPA, jeudi 3 décembre 2009 (LatinReporters.com) - Le retour au pouvoir du président hondurien Manuel Zelaya, écarté par le coup d'Etat du 28 juin, a été rejeté massivement le 2 décembre par les députés du Congrès national, le Parlement monocaméral du Honduras. Ce rejet confirme l'isolement national de M. Zelaya, que soutient par contre la majorité de la communauté internationale.

L'Accord Tegucigalpa / San José conclu le 30 octobre entre M. Zelaya et le président de facto qui le remplace depuis le 28 juin, Roberto Micheletti, prévoyait de soumettre au Congrès la question du retour du président déchu jusqu'à la fin de son mandat, le 27 janvier prochain. A cette date, le pouvoir sera remis au conservateur Porfirio Lobo, candidat victorieux du Parti national à la toute fraîche élection présidentielle du 29 novembre, programmée et convoquée longtemps avant le putsch.

Sur les 128 députés du Congrès, 111 ont voté contre le rétablissement de Manuel Zelaya à la présidence. A peine 14 se sont prononcés pour son retour au pouvoir. Trois députés étaient absents. Le président déchu a donc été abandonné par la quasi totalité des 63 députés de son propre parti, le Parti libéral.

C'est sous l'enseigne de ce parti de droite que M. Zelaya fut élu président en 2005. Son ralliement à la fois soudain et personnel, en 2008, au camp socialiste radical mené par le Vénézuélien Hugo Chavez et ses initiatives anticonstitutionnelles pour tenter d'instaurer la réélection présidentielle, strictement prohibée par la Constitution, levèrent contre lui ses coreligionnaires libéraux, ainsi que le Congrès, la Justice, l'Eglise et l'armée.

Les députés qui viennent de débouter définitivement Manuel Zelaya sont ceux élus démocratiquement le même jour que lui il y a quatre ans, en novembre 2005. M. Zelaya et ses partisans qualifient néanmoins le Congrès de putschiste.

"Imaginez que Sarkozy se déclare militant du Parti communiste"...

"Pour mieux comprendre, explique un journaliste hondurien, imaginez que demain le président Nicolas Sarkozy se déclare soudain militant du Parti communiste, signe des accords préférentiels avec le Venezuela et Cuba et prétende consacrer dans la Constitution l'appartenance de la France à une alliance de pays viscéralement antiaméricains"...

"Nicolas Sarkozy, poursuit ce journaliste, rassemblerait alors quelques milliers ou dizaines de milliers de radicaux qui n'avaient pas voté pour lui, mais qui justifieraient son retournement en rappelant qu'il fut élu démocratiquement. Néanmoins, la majorité des Français lui tournerait le dos en lui signifiant que personne ne l'a élu sur ce programme-là. Eh bien au Honduras, c'est ce qui se passe à l'égard de Manuel Zelaya. La communauté internationale l'aurait déjà compris s'il n'avait pas été stupidement malmené et expulsé au Costa Rica le 28 juin par nos militaires, lesquels, par ailleurs, n'occupent nullement le pouvoir".

Selon Manuel Zelaya, le vote du Congrès serait "une honte" confirmant "la complicité" de la majorité des députés dans le coup d'Etat, que les institutions honduriennes ne reconnaissent pas comme tel, lui préférant l'explication de destitution présidentielle sur décision judiciaire.

Réfugié à l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa depuis le 21 septembre, le président déchu affirme qu'il continuera à y "lutter pour la condamnation de la dictature et maintenant aussi contre la fraude électorale de dimanche" [les élections présidentielle, législatives et municipales du 29 novembre].

Quant au nouveau président élu, Porfirio Lobo, il "soutient et respecte la décision du Congrès" contre la restitution du pouvoir à M. Zelaya. Le vainqueur de la présidentielle avait pourtant lancé dimanche une invitation implicite à Manuel Zelaya en déclarant que "personne ne sera écarté" du "grand dialogue national" qu'il veut ouvrir immédiatement ou en tout cas avant son investiture du 27 janvier 2010.

Trois options pour Zelaya

L'élection à la présidence de Porfirio Lobo continue à diviser la communauté internationale. Elle n'a été reconnue clairement jusqu'à présent que par les Etats-Unis, le Pérou, le Panama, le Costa Rica, la Colombie et Taïwan. La plupart des autres pays, dont l'Espagne, fer de lance du soutien européen à Manuel Zelaya, n'octroient pas de légitimité à cette élection tout en admettant ne pas pouvoir l'ignorer, ce qui pourrait augurer, à terme, d'une reconnaissance ou d'une cohabitation de fait dans le concert des nations.

Parmi les alliés toujours inconditionnels de M. Zelaya figurent notamment, du moins dans les discours, le Brésil, l'Argentine, le Chili, l'Uruguay et les pays gouvernés par la gauche radicale latino-américaine (Venezuela, Cuba, Bolivie, Equateur et Nicaragua).

"La décision du Congrès a scellé le sort de Zelaya. A mon avis, il a désormais trois options: rester à l'ambassade [du Brésil], la quitter et être détenu et jugé pour les crimes dont on l'accuse [notamment celui de "haute trahison"; ndlr] ou négocier un sauf-conduit pour partir en exil" estime l'analyste Manuel Torres, directeur de l'agence Análisis y Audiovisuales de Prensa. Il croit par ailleurs que le vote du Congrès renforcera ceux qui refusent de reconnaître la légitimité des élections du 29 novembre.

Un autre analyste hondurien, Raul Pineda, ancien député du Parti national, estime que "Zelaya ne vit [politiquement] en ce moment que grâce au gilet de sauvetage de la communauté internationale".


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