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Après la rébellion des ultranationalistes "etnocaceristas" à Andahuaylas

L'un des frères Humala sera-t-il le Hugo Chavez du Pérou?

Au centre, en kaki militaire, Ollanta Humala (avec chapeau) et son frère Antauro lors de leur rébellion d'octobre 2000 - Photo MNP
LIMA, mercredi 5 janvier 2005 (LatinReporters.com) - La rébellion, avortée mardi à Andahuaylas (sud-est du Pérou), d'ultranationalistes de l'ex-major Antauro Humala, qui réclamait la démission du président Alejandro Toledo, a relancé la saga des frères Humala. Un mouvement qu'ils inspirent recueille des signatures pour les élections législatives et présidentielle de 2006, alors que les Péruviens sont désabusés par la corruption et les inégalités sociales.

Antauro et son aîné Ollanta sont connus depuis une première rébellion armée en 2000. Leur parcours parallèle à celui du président Chavez du Venezuela - qui les "fascine"- et leur discours indigéniste ont dans les Andes plus d'écho qu'on ne l'admet à Lima.

Indigéniste, militariste et antioccidental, le Mouvement nationaliste péruvien (Movimiento Nacionalista Peruano, MNP), dont Antauro Humala est le secrétaire général, se lançait en campagne dès la fin de 2003 pour recueillir 390.000 signatures d'adhérents et se présenter aux élections de 2006.

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S'il serait difficile à Antauro Humala d'être candidat -car il risque jusqu'à 20 ans de prison pour la rébellion et les 4 policiers tués à Andahuaylas- son frère Ollanta pourrait être tenté de briguer la présidence de la République. L'an dernier, des médias lui en prêtaient l'intention. Mais il ne semble pas que le MNP puisse satisfaire à temps aux exigences légales pour se soumettre aux électeurs en 2006.

Lieutenant-colonel de l'armée, actuellement attaché militaire à l'ambassade du Pérou à Séoul, Ollanta est aussi célèbre que son frère cadet Antauro pour avoir mené avec lui, en octobre 2000 à partir de la ville méridionale de Tacna, une mini-rébellion contre le régime alors déjà déliquescent de l'ex-président Alberto Fujimori.

Les deux militaires dénonçaient ainsi à leur façon la corruption. Ils furent graciés après la chute de Fujimori. La mise à la retraite d'Ollanta Humala peu avant les événements d'Andahuaylas va le ramener très prochainement au Pérou.

Même parcours que Chavez et Gutierrez


Métis dans un pays dominé par la minorité blanche, officiers de l'armée, soulevés contre un régime impopulaire, emprisonnés, puis lancés en politique avec le bagage publicitaire de leur rébellion semi-folklorique et un message national-militariste contre la corruption et le libéralisme économique: tous ces signes d'identité sont partagés par les frères Humala avec deux ex-putschistes latino-américains récemment plébiscités: le président Hugo Chavez du Venezuela et le président Lucio Gutierrez d'Equateur.

Les frères Humala jouissent de la sympathie de généraux à la retraite et de l'appui de nombreux réservistes livrés au chômage depuis leur sortie de l'armée. Véhiculé notamment par le bimensuel "Ollanta" (le prénom du frère d'Antauro), le message du MNP et des frères Humala s'autoqualifie d'etnocacerista ("ethnocacériste"), en référence au général Andrés Avelino Caceres, ancien président du Pérou et héros de la guerre perdue en 1883 contre le Chili.

Vendu à un sol (0,3 dollar), le bimensuel "Ollanta" a une diffusion variant de 60.000 à 140.000 exemplaires. Il touche notamment les régions andines d'Arequipa, d'Andahuaylas et de Cuzco. Dans ces villes, des manifestations spontanées de centaines d'habitants ont soutenu la rébellion menée du 1er au 4 janvier par près de 200 "réservistes ethnocacéristes" d'Antauro Humala.

Au Pérou, 80% des 25 millions d'habitants sont Indiens ou métis et un sondage évaluait l'an dernier à 21% le taux de réceptivité du message "ethnocacériste". Un pourcentage peut-être peu réaliste, l'extrémisme des frères Humala compliquant leur pénétration sociale. Par contre, nul ne doute au Pérou que la popularité du président Alejandro Toledo végète au-dessous de 10%, comme l'indique la plupart des enquêtes d'opinion.

Etat inca dans le style des Etats islamistes

"Quelle vision avez-vous du Pérou?" demandait en octobre 2003 à Antauro Humala le mensuel Ideele édité par l'ONG péruvienne Instituto de Defensa Legal.

"Cela ressemble à l'Afrique du Sud avant Mandela. C'est l'apartheid. La majorité de la population est cuivrée [allusion probable au teint des métis et des Indiens], mais économiquement, elle est minoritaire. Nous, nous allons rectifier cela" répondait le cadet des Humala, qui reconnaît que "Hugo Chavez me fascine".

Il traçait pour le même mensuel les grandes lignes d'un éventuel Etat "ethnocacériste": autarcie économique avec suspension des importations et développement de l'agriculture locale, y compris de la coca, matière première de la cocaïne; primauté du droit inca, même sur les droits de l'homme; peloton d'exécution pour les corrompus; interdiction de l'Eglise catholique et relance des croyances ancestrales; récupération des territoires perdus au 19e siècle dans la guerre contre le Chili...

"En somme, un Etat inca dans le style des Etats islamistes" diagnostiquait le mensuel Ideele.

Antauro Humala se dit aussi solidaire des leaders indiens Evo Morales et Felipe Quispe de la Bolivie voisine. Il a prétendu à la radio péruvienne CPN qu'un contingent de ses "réservistes" aurait participé à la révolte des communautés autochtones boliviennes qui forcèrent la chute et l'exil aux Etats-Unis, en octobre 2003, du président bolivien Gonzalo Sanchez de Lozada. Des "ethnocacéristes" forment aussi le noyau dur et souvent violent de nombreuses manifestations sociales au Pérou.

L'influent journaliste péruvien Alvaro Vargas Llosa écrivait mardi: "Cette année [au Pérou], les lynchages et les prises de locaux ont déclenché un débat national sur la décomposition institutionnelle et le chaos social dans de nombreuses régions. Ce qui vient de se passer dans l'Apurimac [département dont Andahuaylas est le chef-lieu] est l'expression de la désarticulation de l'Etat... reflétée dans les sondages qui mesurent l'aliénation croissante des régions andines".

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