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Crises économiques en Amérique latine: à qui la faute?

par Diego Benavente, économiste
dbenavente@gerens.cl

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SANTIAGO DU CHILI, mercredi 3 septembre 2003 (LatinReporters.com) - L'efficacité du capitalisme globalisé en tant que modèle de développement économique et de croissance soutenable des pays en développement est soumise à un ample débat. La manière dont s'est développée la globalisation provoque un mécontentement planétaire révélé en 1999 par la mobilisation, devenue icône, de Seattle contre l'Organisation mondiale du commerce. En 1997 déjà, la crise asiatique signifiait un échec, peut-être le plus important, de la globalisation. Le mécontentement s'étend, mais l'altermondialisme demeure plus axé sur la protestation que sur les propositions.

Les années 1990 furent une époque dorée pour les défenseurs de l'ouverture de marchés, ouverture acceptée par politiciens et économistes comme unique recette de développement. Sous la houlette du Fonds monétaire international (FMI), le paquet de réformes économiques en faveur de la croissance comprenait l'austérité fiscale, la privatisation et la libéralisation des marchés, surtout les marchés de capitaux.

Ces mesures étaient censées faire face aux volumineux déficits publics, accentués par des entreprises publiques inefficaces et des gouvernements enclins au gaspillage. Néanmoins, l'application de ce nouveau modèle a engendré des résultats passablement éloignés des prévisions théoriques. Les pays les plus développés n'ont même pas suivi à la lettre la nouvelle prédication, tout en obligeant , cela oui, d'autres à le faire. Sur ce plan, l'Amérique latine ne fut pas une exception.

Cette révolution menée principalement lors des années 1990 ne se préoccupa point d'autres nécessités cruciales des économies latino-américaines pour affronter la concurrence globale, tels que, notamment, des cadres de régulation appropriés et efficaces des marchés financiers, le développement d'organismes antimonopoles solides ou encore d'organismes et de mécanismes veillant à la transparence publique.

Il faut ajouter que les pays latino-américains, comme beaucoup d'autres pays émergents, basent leur économie et leurs exportations sur la production de matières premières, l'agriculture jouant un rôle prépondérant. Mais les pays développés, principalement l'Europe et les Etats-Unis, n'ont pas libéralisé le secteur agricole et ne pensent pas le faire, du moins à moyen terme. Ce secteur est donc toujours protégé par des droits de douane, des quotas d'importation et des subsides qui distordent les marchés internationaux. Il suffit, pour s'en persuader, de feuilleter le Farm Bill promu en 2002 par le président américain George W. Bush ou d'analyser la Politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne.

Sans entrer dans des détails techniques, on peut citer quelques contre-exemples s'opposant aux mesures conseillées et/ou imposées aux gouvernements latino-américains pour affronter les crises économiques.

Ainsi, la fameuse crise qui secoua en 1929 les Etats-Unis trouva une solution lorsque le gouvernement se décida à stimuler activement l'économie par une politique fiscale expansive. Ce fut le New Deal du président Franklin D. Roosevelt, qui incluait un vaste plan de travaux et d'emplois publics.

La Chine, elle, qui s'est refusée plusieurs fois à entreprendre des réformes de libéralisation économique au rythme souhaité par les puissances occidentales, a esquivé avec grand succès la crise asiatique grâce à une politique fiscale expansive et au maintien du contrôle des capitaux.

Et aux Etats-Unis, les discussions au Congrès sur le redémarrage de l'économie nord-américaine après les dégâts de la bulle technologique ont été centrées sur le montant de l'accroissement des dépenses gouvernementales.

Par contre, dans les pays latino-américains, la recette appliquée pour tenter de sortir de crises fut la baisse des dépenses publiques, la libéralisation des marchés et la hausse des taux d'intérêt pour inciter les investisseurs étrangers à revenir dans les pays malades.

La recette magique de l'augmentation de l'intérêt ne tint pas compte du coût de faillites d'entreprises locales étranglées par le manque de liquidités découlant de cette mesure. Il faut souligner, à cet égard, que lorsque les taux d'intérêts reviennent à un niveau considéré comme normal, la récupération des entreprises affectées par la hausse n'est pas aussi rapide que la baisse des taux. Dit d'une autre façon, on ne peut pas recoller les morceaux d'entreprises brisées et empêcher la destruction d'un capital difficilement récupérable.

Par conséquent, pour expliquer les crises, il ne suffit sans doute pas d'accuser d'irresponsabilité les pays d'Amérique latine et de dire que leurs gouvernements électoralistes appliquent mal leur politique économique. C'est dans une optique plus globale qu'il faut analyser certains échecs, notamment dans des pays tournés historiquement vers leur économie domestique, mais qui ont dû affronter du jour au lendemain un environnement inconnu pour lequel ils n'étaient pas préparés.

Il est clair que les politiques anti-crises appliquées par le FMI -qui négocie des prêts en échange de réformes structurelles telles que la privatisation d'entreprises, l'ouverture de marchés de capitaux et la réduction des dépenses publiques- n'ont pas permis de sortir, précisément, des crises et la confirmation la plus claire en est la débâcle de l'Argentine, longtemps considérée comme le meilleur élève du FMI.

Quelle serait la solution alternative aux politiques économiques d'ouverture des marchés qui ont échoué en Amérique latine? Peut-être une réincarnation de Keynes. Nous tenterons d'en reparler dans un prochain article.

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