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Irak - Amérique latine: aspects politiques et économiques de la guerre contre Saddam Hussein

par Christian Galloy

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MADRID, vendredi 14 mars 2003 (latinreporters.com) - Leur mobilisation militaire contre l'Irak de Saddam Hussein éloigne davantage les Etats-Unis des préoccupations politiques, économiques et sociales des pays d'Amérique latine, qui s'en trouvent davantage menacés d'instabilité. Sur un plan géopolitique, le désordre diplomatique mondial provoqué par le dossier irakien confronte les nations latino-américaines au dilemme de se joindre ou non aux efforts d'une grande partie de l'Europe et du reste du monde visant à limiter l'hégémonie des Etats-Unis.

Ministre mexicain des Relations extérieures jusqu'en janvier dernier (sa politique de rapprochement avec les Etats-Unis demeura sans réponse, accélérant sa démission, à cause de la priorité absolue donnée par Washington à la lutte contre le terrorisme), Jorge Castañeda écrivait hier dans le quotidien madrilène El Pais: "En matière d'environnement, de droits des indigènes ou des émigrés, de droits de l'homme ou de commerce international, de défense de la démocratie ou de droits du travail, les nations d'Amérique latine ont plus à gagner et moins à perdre qu'une quelconque autre région du monde dans la création d'un régime de valeurs universelles".

Pour expliciter l'enjeu, Jorge Castañeda précisait que la question est de savoir si "l'Amérique latine doit participer activement à l'ébauche et à la construction du nouvel ordre mondial de l'après-guerre froide, caractérisé simultanément par l'hégémonie des Etats-Unis et par l'effort du reste du monde pour délimiter et contrôler cette hégémonie".

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, nouvelle référence de la gauche latino-américaine, est partisan de cette démarche. Il affirmait, mercredi, vouloir le désarmement de l'Irak sans recourir à la guerre et il suggérait la convocation urgente d'un débat rassemblant tous les pays soutenant cette position. Le chef de l'Etat brésilien estime qu'il serait injuste de déclencher une guerre sans que les pays qui ne la souhaitent pas, et qui sont majoritaires, n'aient pu auparavant débattre de la gravité du moment.

En début de mandat, il y a un peu plus de deux ans, le président américain George W. Bush déclarait que "ce siècle sera le siècle des Amériques". Les attentats terroristes islamistes du 11 septembre 2001 contre New York et Washington ont bousculé cette priorité, laissant dans l'expectative même des pays qui ont misé beaucoup sur l'intensification de leurs relations avec les Etats-Unis, tels le Mexique ou le Chili. On comprend mieux, sous cet angle, les hésitations de ces deux pays au Conseil de sécurité des Nations unies, dont ils sont actuellement les seuls membres latino-américains, à l'égard des thèses maximalistes de Washington en faveur d'une offensive militaire contre l'Irak de Saddam Hussein.

"Chaque jour, les Etats-Unis dédient moins d'énergie et d'attention aux questions latino-américaines" confirme à Washington Joseph Tulchin, du Centre Woodrow Wilson, un influent institut d'études politiques.

Cette absence soudaine de leadership américain -toutefois plus critiqué lorsqu'il s'exerce que lorsqu'il fait défaut- est d'autant plus ressentie que plusieurs pays de la région traversent de fortes turbulences.

Le Venezuela frôle depuis un an une guerre civile entre partisans et adversaires du président populiste de gauche Hugo Chavez. Acculé politiquement et économiquement, le président conservateur bolivien Gonzalo Sanchez de Lozada a dû recourir le mois dernier, au prix de plus de trente morts, à l'armée pour contenir des policiers mutinés contre un nouvel impôt. La guérilla marxiste colombienne des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) étend désormais, à coup de voitures piégées, son offensive terroriste jusqu'au coeur de Bogota. Une autre guérilla, celle des maoïstes du Sentier lumineux, renaît au Pérou en profitant de la faiblesse politique du président centriste Alejandro Toledo. Et en Argentine, l'agonie économico-sociale se prolonge, poussant certains dirigeants "piqueteros" à brandir la menace d'un retour éventuel de la lutte armée. Cette crise argentine secoue économiquement les autres pays du Mercosur, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay.

Cette instabilité serait probablement renforcée par une guerre contre l'Irak, qui compliquerait les problèmes économiques et sociaux des pays latino-américains. La guerre accentuerait en effet le ralentissement des flux commerciaux, des investissements étrangers et du tourisme ressenti après les attentats islamistes du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis.

L'intensité de cet impact négatif dépendrait "de la durée de la guerre, de son effet sur l'économie des Etats-Unis et de l'évolution du marché du pétrole" estime Sidney Weintraub, maître-analyste du Centre d'études internationales et de sécurité de Washington.

Une guerre longue réduirait de 1,5% le produit intérieur brut des Etats-Unis, selon John Person, analyste financier de la banque d'investissements Infinity Brokerage. L'hypothèse d'une guerre prolongée n'est pas la plus probable, mais si elle se vérifiait, Wall Street s'attendrait à une poursuite de la hausse du prix du pétrole brut -qui grimperait en flèche en cas d'incendie des puits irakiens- ce qui nuirait fortement aux pays latino-américains, très dépendants du marché américain pour leurs exportations et tous importateurs nets de pétrole, à l'exception du Venezuela, du Mexique et de l'Equateur.

Le ministre brésilien des Relations extérieures, Celso Amorim, avertit que le conflit avec l'Irak pourrait porter à 50 dollars le prix du baril de pétrole. Ce prix oscillait mercredi entre 33,80 dollars (qualité brent mer du Nord) à Londres et 37,58 dollars à New York pour le brut de référence livrable en avril. "Aussi courte soit une guerre contre l'Irak, son impact sera énorme sur tous les pays qui dépendent des capitaux étrangers" ajoute Celso Amorim.

Même si cette hausse des produits pétroliers bénéficiait dans un premier temps aux exportateurs nets de brut que sont le Venezuela, le Mexique et l'Equateur, il est à craindre, selon divers analystes, que le ralentissement progressif de l'économie continentale consécutive à un nouveau conflit n'annule cet avantage initial, plongeant ces trois pays, comme les autres, dans de nouveaux problèmes fimanciers, économiques, sociaux et donc nécessairement aussi politiques.

Le Chili risquerait un report de l'entrée en vigueur de son traité de libre-échange avec les Etats-Unis et le Mexique un dédain prolongé de Washington à l'égard d'un accord libéralisant l'immigration mexicaine. Ces risques particuliers sont liés non seulement à l'évolution économique globale, mais aussi à la position (pro-américaine ou non) de ces deux pays au Conseil de sécurité des Nations unies.

Globalement, les effets néfastes d'une guerre au Moyen-Orient pourraient accroître la pauvreté et les inégalités sociales, déjà très marquées dans les pays latino-américains. En juillet dernier, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) établissait un parallélisme entre la paralysie des progrès démocratiques et la faillite économique en Amérique latine.


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