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Coup à l'image de l'Organisation des Etats américains, de l'Amérique latine et du Costa Rica

Mandat d'arrêt international contre le nº1 de l'OEA, accusé de corruption au Costa Rica

Miguel Angel Rodriguez
Photo OEA
SAN JOSÉ, dimanche 10 octobre 2004 (LatinReporters.com) - Accusé de corruption et d'enrichissement illicite par la justice de son pays, l'ex-président du Costa Rica Miguel Angel Rodriguez présentait vendredi sa démission -effective à partir du 15 octobre prochain- du poste de secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), fonction qu'il assumait depuis à peine deux semaines. La justice costaricaine a lancé contre lui un mandat d'arrêt international. Cet épisode relance les inquiétudes sur l'ampleur de la corruption en Amérique latine.

A San José, le procureur général de la République du Costa Rica, Francisco Dall'Anese, a indiqué aux journalistes que le mandat d'arrêt a été remis à l'ambassade des Etats-Unis, dont la capitale, Washington, abrite le siège de l'OEA. Le mandat, a précisé le procureur, ne sera exécutoire qu'à partir du 15 octobre, date à laquelle sera effective la démission de Miguel Angel Rodriguez, qui perdra alors l'immunité diplomatique dont il jouissait en sa qualité de secrétaire général de l'OEA.

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Président du Costa Rica de 1998 à 2002, appartenant comme l'actuel président costaricain Abel Pacheco au Parti de l'unité sociale-chrétienne (PUSC, droite), Miguel Angel Rodriguez avait été élu à l'unanimité secrétaire général de l'OEA lors de l'Assemblée générale de cette institution continentale tenue en juin dernier à Quito (Equateur). Ce n'est toutefois que le 23 septembre dernier que l'ex-président costaricain succédait effectivement à ce poste à l'ex-président colombien César Gaviria.

La multinationale française Alcatel citée

Miguel Angel Rodriguez serait lié à une affaire de commissions occultes qu'aurait versées en 2001 la société Alcatel. Un collaborateur de l'ex-président, José Antonio Lobo, déclarait le 30 septembre dernier devant la justice costaricaine que Miguel Angel Rodriguez lui aurait réclamé 60% de la commission de 2,4 millions de dollars payée -selon José Antonio Lobo- par Alcatel après l'octroi à cette multinationale française d'un contrat d'installation de 400.000 lignes de téléphonie mobile pour un coût de quelque 150 millions de dollars.

A l'époque, Miguel Angel Rodriguez était président du Costa Rica et José Antonio Lobo directeur de l'Institut costaricain d'électricité (ICE), entreprise publique qui détient le monopole des télécommunications au Costa Rica. Lobo affirme avoir remis à Rodriguez 140.000 dollars en chèques et 370.000 dollars en liquide.

Réclamant la présomption d'innocence, Miguel Angel Rodriguez s'est référé aux 140.000 dollars en tant que "prêt personnel" de campagne pour sa candidature à l'OEA. Il dit ignorer que l'argent aurait été versé par Alcatel.

La société française a émis pour sa part, le 7 octobre dernier à Paris, le communiqué suivant: "Faisant référence aux informations publiées depuis plusieurs jours dans différents journaux du Costa Rica, Alcatel rappelle que le Groupe conduit ses activités en toute transparence, respectant les règles et les législations, à la fois locales et internationales. Alcatel a mis en place une équipe interne pour analyser ces informations. Si nécessaire, Alcatel prendra les mesures appropriées, en conformité avec son code de bonne conduite, et coopérera pleinement avec les autorités locales."

Pressé de démissionner par le président et par le Parlement costaricains et soumis aux pressions de plusieurs des 34 pays membres de l'OEA (tous les pays des Amériques, sauf Cuba), Miguel Angel Rodriguez adressait vendredi au Comité permanent de l'organisation une lettre annonçant sa démission à la date du 15 octobre. L'ex-président costaricain écrivait notamment: "Je veux éviter des dépens à ma famille et à l'OEA et, très récemment, j'ai réalisé que je sous-estimais le temps et l'effort que nécessitera ma défense au Costa Rica... Je ne veux pas soumettre l'OEA à une persécution cruelle et prolongée de son secrétaire général, non seulement devant les tribunaux, mais aussi dans les médias".

La situation de Miguel Angel Rodriguez est d'autant plus précaire qu'une chaîne de télévision l'accuse d'avoir perçu un autre pot-de-vin de 200.000 dollars qu'aurait offert l'entreprise espagnole Abengoa pour un contrat d'électrification souterraine.

Dans l'attente de l'élection d'un nouveau secrétaire général de l'OEA, l'intérim sera assuré par un diplomate des Etats-Unis, Luigi Einaudi, actuel secrétaire général adjoint de l'organisation.

Le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a déploré la démission de Miguel Angel Rodriguez, rappelant que Washington avait soutenu son élection.

La corruption, facteur de pauvreté


Qu'un secrétaire général de l'OEA soit contraint à la démission sous l'accusation de corruption deux semaines seulement après avoir été investi porte un rude coup au crédit de l'OEA, de l'Amérique latine et du Costa Rica, dont Miguel Angel Rodriguez fut le président.

L'OEA s'est en effet érigée en défenseur de la démocratie et de la transparence dans l'ensemble des Amériques, de l'Alaska à la Terre de Feu. La Charte démocratique interaméricaine adoptée par l'OEA le 11 septembre 2001 indique notamment, à l'article 4, que "la transparence des activités gouvernementales, la probité, une gestion responsable des affaires publiques par les gouvernements, le respect des droits sociaux, la liberté d'expression et la liberté de la presse constituent des composantes fondamentales de la démocratie."

Dans son discours d'investiture prononcé le 23 septembre dernier à Washington devant le Conseil permanent de l'OEA, Miguel Angel Rodriguez lui-même déclarait que la mondialisation "doit aussi être un facteur de nivellement politique pour que la démocratie puisse être renforcée, pour qu’il y ait des gouvernements et des entreprises transparents, pour que le corrompu soit puni...".

"Stimuler et protéger la démocratie", ajoutait-il, suppose l'existence "de partis politiques forts et transparents; ... de médias qui mènent des enquêtes, informent et ouvrent des débats en toute liberté; de gouvernements honnêtes qui soumettent des comptes, avec le moins de réserve possible, assujettis à la Constitution, à la loi et à l'examen judiciaire...".

Sans armée, car bannie de la Constitution depuis 1948, considéré comme un modèle de démocratie dans sa région et jouissant d'un produit intérieur brut par habitant de près de 4.000 dollars par an, le Costa Rica bénéficie d'une image privilégiée en Amérique latine. Aussi le président costaricain Abel Pacheco, élu en avril 2002 sur un programme empreint de promesses de lutte contre la corruption, exprime-t-il avec d'autant plus de conviction sa "rage de se sentir trahi" par son prédécesseur et compagnon de parti Miguel Angel Rodriguez.

L'ampleur de la corruption en Amérique latine est souvent considérée comme l'une des causes essentielles de la pauvreté qui frappe encore plus de 40% de la population de cette région.

Parmi 133 pays classés en 2003 par l'organisation non gouvernementale Transparency International, seuls deux pays d'Amérique latine obtenaient une note supérieure à 5 sur une échelle marquant de 1 à 10 le niveau de confiance inspiré par ces pays dans la lutte contre la corruption.

L'Uruguay décrochait la 33e place avec un niveau de confiance de 5,5. Et à la 20e place -avec un niveau de 7,4- le Chili devançait notamment la France et l'Espagne, ex æquo à la 23e place avec un score de 6,9. Première du classement, la Finlande demeurait le modèle à suivre, inspirant un niveau de confiance de 9,7.

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