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Argentine : le contexte politique de l'accord avec le FMI

Par Julio Burdman

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Dossier Argentine

BUENOS AIRES, lundi 22 septembre 2003 (NuevaMayoria.com) - Ni la conclusion de l'accord ni sa forme et son contenu ne peuvent se comprendre intégralement sans considérer la politique en jeu derrière chacun des signataires: d'une part, le FMI (Fonds monétaire international) et Washington, qui est son actionnaire majoritaire; d'autre part, l'Argentine du président Nestor Kirchner en plein processus électoral.

L'appui actif de l'ambassade américaine -et des fonctionnaires du Département d'Etat chargés de l'Amérique latine- à la signature de l'accord a surgi d'une décision prise à Washington. L'intérêt essentiel des Etats-Unis était d'éviter qu'une nouvelle crise ne retombe sur le FMI et ne rouvre un débat au Congrès. Il s'agissait aussi de prévenir un possible regain de tension en Amérique latine. La réflexion de base était que si Washington lâchait l'Argentine, celle-ci risquait de virer à gauche, soulevant des répercussions régionales. En revanche, en la retenant, on pouvait gagner un allié utile en certaines circonstances.

Eviter d'accentuer des tensions au sein du FMI et dans la région est donc la raison qui a poussé les Etats-Unis à appuyer l'accord entre le FMI et l'Argentine. Ce dossier qui risquait, pour les deux parties, de déboucher sur un conflit de grandes proportions a ainsi bénéficié d'une bouffée d'air frais qui l'a fait progresser.

Kirchner connaissait la position nord-américaine au moment où son agenda était centré sur la politique interne. D'importantes élections régionales prenaient figure de second tour de son élection "incomplète" à la présidence. Le forfait de son adversaire, Carlos Menem, lors de la présidentielle d'avril dernier avait en effet contraint Kirchner à n'accéder à la magistrature suprême qu'avec son score du premier tour, un maigre 22% (dont à peine le tiers pouvait être attribué à ses mérites propres).

Aussi les formes de l'accord avec le FMI (le "timing" de la signature, les messages à la société et la manière de "vendre" le succès) étaient-elles aussi importantes que son contenu. Kirchner n'obtint qu'un accord cadre à court terme assorti de quelques concessions politiques au FMI. Il prit néanmoins la tête de la négociation et réussit à se présenter à la société comme un gouvernant ayant résolu la crise grâce, selon ses propres paroles, à "une négociation ferme et digne pour défendre les intérêts argentins, sans accepter de pressions ni d'extorsions".

Nestor Kirchner profita donc de la signature de l'accord pour favoriser son image personnelle et il mena les négociations de manière à ce qu'elles occupent le centre de l'attention des médias et de l'opinion publique, quelques heures avant des élections aussi importantes pour lui que celles de Buenos Aires (ville et province). L'accord avec le FMI fut une victoire pour Kirchner, surtout politiquement.

La "politique de l'accord" n'intéressait pas seulement Kirchner et l'Argentine. L'agenda de Washington cherchait en effet à éviter deux conflits: au FMI et dans la région. Dans le contexte de sa perte de réputation et des fortes critiques émises par des membres du Congrès des Etats-Unis (en particulier dans les rangs mêmes des républicains), le FMI aurait dû, en l'absence d'accord, assumer la perte des dettes de l'Argentine à l'égard des organismes internationaux. Cela aurait signifié l'élargissement de la crise, ainsi que du débat ouvert il y a quelques années par la "critique conservatrice" à l'égard du FMI, nourrie par des législateurs et représentants nord-américains qui veulent réduire les budgets alloués au fonctionnement des organismes multilatéraux et à la solution des crises financières internationales.

L'accord évitait aussi à l'administration du président Bush, qui commence à baliser le chemin de sa réélection, d'affronter le problème régional qu'aurait créé un éventuel virage à gauche d'un Argentine incapable de sortir du défaut.

L'agenda de Kirchner, lui, se concentrait sur un accroissement de popularité pour gagner des élections. Tandis que l'Argentine négociait avec le FMI, le véritable second tour de l'élection de Kirchner à la présidence se jouait dans l'élection du gouverneur de la province de Buenos Aires et du maire de la capitale. Deux scrutins locaux d'un grand impact sur la politique nationale avec, pour enjeu réel, la gouvernabilité et l'horizon politique de l'équipe de Kirchner. Un triomphe de Mauricio Macri, président du club de football Boca Juniors et adversaire d'Anibal Ibarra, le candidat soutenu par Kirchner dans la capitale, aurait pu signifier la résurgence, au sein du péronisme, du courant modéré ou de centre droit. Cela, le président voulait l'éviter à tout prix.

L'accord fut retardé de quelques jours, afin que son "timing" soit celui recherché et concoure à mettre en valeur un président qui "négocie avec dignité", défend les intérêts nationaux et, de surcroît, atteint ses objectifs. Dans ce contexte de popularité croissante du président Kirchner, on favorisa "l'effet nationalisation" des élections locales.

"L'effet nationalisation" convenait clairement à Anibal Ibarra, candidat à la mairie de Buenos Aires, car il ramenait sur lui l'image présidentielle. Son adversaire, Mauricio Macri, jouissait d'une image forte en matière de gestion et d'administration locale, mais, dans l'atmosphère dramatique entourant, quelques jours avant le scrutin, la conclusion de l'accord avec le FMI, l'agenda "local" fut éclipsé par le "national". Ibarra gagna le 14 septembre les élections dans la capitale. Il s'agit de la principale victoire politique de Kirchner depuis le 27 avril, date de son élection à la présidence.

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