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Présidentielle et législatives du 6 décembre 2009
Bolivie-élections: Evo Morales vise la majorité des deux tiers, clé du pouvoir absolu

Evo Morales au meeting de clôture de sa campagne électorale, au soir du 3 décembre 2009 à El Alto. Sur un écran géant s'inscrit le slogan "Le changement est en toi". (Photo Presidencia / Daniel Caballero)

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LA PAZ, samedi 5 décembre 2009 (LatinReporters.com) - Au-delà de sa réélection, considérée comme certaine dès le premier tour, le président bolivien Evo Morales veut s'imposer sur le score écrasant, dit-il, de 70% des suffrages à l'élection présidentielle et aux législatives du 6 décembre. Il surpasserait ainsi ce qui est à ses yeux le véritable enjeu du scrutin : la majorité des deux tiers pour son Mouvement vers le socialisme (MAS) dans les deux chambres d'un Parlement rebaptisé Assemblée législative plurinationale. Le pouvoir présidentiel deviendrait alors démocratiquement absolu.

Autochtone de l'ethnie aymara, Evo Morales, 50 ans, devint le premier président amérindien de la Bolivie en récoltant 53,7% des voix à la présidentielle de décembre 2005. En janvier dernier, sa nouvelle Constitution, très indigéniste, était plébiscitée par 61,5% des électeurs. Cinq mois plus tôt, en août 2008, lors du référendum dit révocatoire par lequel il mettait volontairement en jeu son mandat pour désamorcer la dérive centrifuge des riches départements orientaux, l'appui populaire d'Evo Morales se hissa à 67,4%.

La majorité parlementaire des deux tiers serait donc théoriquement à sa portée si, comme il l'espère, le MAS bénéficie pleinement de la popularité présidentielle. "Le vote croisé serait une trahison" clamait Evo Morales pendant la campagne électorale, estimant que tout vote pour lui à la présidentielle doit s'accompagner d'un vote pour le MAS aux législatives concomitantes et vice-versa. Un sondage n'attribuait cependant le 2 décembre "que" 52,6% des intentions de vote au président Morales, soit tout de même plus du double des préférences attribuées au plus proche de ses sept concurrents, l'ex-capitaine de l'armée Manfred Reyes Villa, classé 3e à la présidentielle de 2002.

L'ancien militaire est néanmoins favori dans le département de Santa Cruz, poumon économique du pays, ainsi que dans ceux de Pando et Beni, ce qui confirme la division de la Bolivie entre son occident andin socialiste à majorité amérindienne et son orient libéral plus métissé, riche en gaz naturel, en produits agricoles et en industries diverses. A la tête de son mouvement PPB-CN (Plan Progrès Bolivie - Convergence Nationale), Manfred Reyes pourrait récupérer la plupart des électeurs du moribond Podemos, le parti de l'ex-président conservateur Jorge Quiroga.

Accusé en pleine campagne électorale de "dommages économiques" remontant à sa gestion de gouverneur du département de Cochabamba, de 2006 à 2008, et de soudoyer des responsables du scrutin de ce 6 décembre, leur offrant, selon une écoute téléphonique diffusée vendredi par le ministre de l'Intérieur, 150.000 dollars pour qu'ils gonflent son score, Manfred Reyes Villa est la cible d'une offensive judiciaire peut-être téléguidée par le pouvoir. Son choix polémique comme candidat à la vice-présidence d'un ex-gouverneur du département de Pando en attente de jugement après un massacre d'autochtones n'aide pas à dissiper des accusations que Manfred Reyes qualifie de "montage" gouvernemental. Un discrédit de l'ex-capitaine rapprocherait Evo Morales de son objectif de la majorité des deux tiers.

Si les observateurs de l'Union européenne (UE) et de l'Organisation des Etats américains (OEA) n'émettent pas jusqu'à présent d'objections importantes sur le déroulement du processus électoral, ils considèrent néanmoins comme un mauvais signe le soudain acharnement de la justice contre le principal rival d'Evo Morales. Les poursuites judiciaires en campagne électorale contre des adversaires du pouvoir sont suspectes en Amérique latine. Elles ont été constatées récemment aussi au Venezuela, en Equateur et au Nicaragua, pays qui appartiennent comme la Bolivie à l'ALBA, l'Alliance bolivarienne pour les Amériques, organisation politico-économique de pays dominés par la gauche radicale.

"On n'utilise plus l'armée, mais des tourbes paramilitaires, la coercition fiscale, le harcèlement administratif et le chantage judiciaire" estimait le mois dernier le Nicaraguayen Edmundo Jarquin, leader du dissident Mouvement rénovateur sandiniste, pour définir "le nouvel autoritarisme latino-américain" que personnifieraient les présidents Hugo Chavez (Venezuela), Rafael Correa (Equateur), Daniel Ortega (Nicaragua) et Evo Morales. Le coup d'Etat du 28 juin dernier au Honduras montre toutefois que le "nouvel autoritarisme" n'a pas éclipsé complètement l'ancien.

Manfred Reyes classe dans ce chapitre des dérives autoritaires les pressions d'Evo Morales et d'organisations sociales chapeautées par le MAS qui ont contraint, sous menace de mobilisations populaires, la Cour nationale électorale à accepter parmi les 5.138.583 électeurs boliviens recensés un contingent douteux de 400.671 présumés citoyens dont la Cour n'a retrouvé aucune trace dans les registres municipaux. L'opposition veut y voir une "fraude" gigantesque au profit de l'ambition maximaliste du président Morales. Les observateurs de l'UE et de l'OEA ne se prononcent ni sur cette accusation ni sur le pas en arrière de la haute autorité électorale.

La nouvelle Constitution, comme l'ancienne, fait de la majorité parlementaire des deux tiers la clé d'un pouvoir sans partage.
C'est précisément parce qu'il ne la contrôlait pas dans la législature sortante qu'Evo Morales, minoritaire au Sénat, a dû, malgré sa majorité absolue à la Chambre des députés, négocier longuement avec la droite, dans un contexte parfois dramatique, la nouvelle Charte fondamentale sans réussir à y faire sauter le verrou omniprésent des deux tiers. Pour faire aboutir cette négociation, Evo Morales a promis qu'il ne briguerait plus la présidence en 2014, acceptant de comptabiliser son mandat actuel comme le premier des deux mandats successifs autorisés à l'exclusion de tout autre à un même président par la nouvelle Constitution.

Le verrou de la majorité des deux tiers contrôle notamment toute révision constitutionnelle, la présélection des magistrats qui seront soumis au suffrage universel pour occuper les principaux échelons du pouvoir judiciaire, la levée de l'immunité et la comparution en justice des députés, des sénateurs et du président de la République, la censure et la destitution de ministres, la désignation du Défenseur du peuple, celle aussi du Procureur général et l'approbation de lois essentielles développant la nouvelle Constitution, dont la Loi cadre sur les autonomies et la décentralisation.

Bref, dans l'espoir que le score de son Mouvement vers le socialisme aux législatives sera au moins égal au sien à la présidentielle simultanée, Evo Morales estime donc devoir réunir près de 70% des suffrages pour mener à bien sa "révolution démocratique, culturelle et anti-impérialiste", marquée par la promotion sociale de la majorité indigène longtemps marginalisée, la nationalisation des hydrocarbures et d'autres secteurs économiques stratégiques, ainsi que par un antiaméricanisme que n'a pas atténué Barack Obama, le premier locataire noir de la Maison blanche. "Je suis au regret de dire qu'avec Monsieur Obama seule la couleur a changé, mais nullement l'idéologie ni les programmes [du gouvernement des Etats-Unis]... Au Honduras, il y a une dictature dirigée par l'Empire" affirmait le 1er décembre Evo Morales devant les correspondants de la presse étrangère à La Paz.

Outre l'élection du président et des parlementaires pour un mandat de cinq ans, une partie des électeurs se prononcera aussi, le même 6 décembre lors de 18 consultations locales diverses, sur des autonomies départementales, régionales, municipales ou indigènes. Plusieurs de ces consultations seront le premier pas de la "libre détermination" reconnue par la nouvelle Constitution aux "peuples indigènes", désormais dotés théoriquement de compétences politiques, économiques, territoriales, administratives et judiciaires adaptées à leurs traditions.


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RÉÉLU, EVO MORALES
DIT AVOIR LA MAJORITÉ
DES DEUX TIERS
AU PARLEMENT

LA PAZ, lundi 7 décembre 2009 - L'Amérindien Evo Morales, président socialiste de la Bolivie, a été réélu triomphalement dimanche 6 décembre au premier tour de l'élection présidentielle, avec 61 à 63 % des voix selon trois sondages concordants effectués à la sortie des urnes.

Il a dédié sa victoire aux "présidents, gouvernements et peuples anti-impérialistes".

Ses rivaux ont reconnu leur défaite. Crédité de 23 à 25% des suffrages, l'ancien militaire et ex-gouverneur départemental conservateur Manfred Reyes Villa se classe 2e de la présidentielle, suivi de l'entrepreneur et ex-ministre de centre droit Samuel Doria Medina (7% à 10%).

Les premiers résultats officiels partiels sont attendus à partir de mardi, mais Evo Morales affirme déjà que les législatives simultanées donneraient à son Mouvement vers le socialisme (MAS) le contrôle inédit des deux tiers des deux chambres du Parlement (rebaptisé Assemblée législative plurinationale), ce qui était le principal objectif du chef de l'Etat, dont personne ne doutait de la réélection.

"Cette majorité de plus des deux tiers des députés et sénateurs nous oblige, m'oblige, à accélérer le processus de changement" du pays, lançait Evo Morales dimanche soir a des milliers de partisans en liesse massés sous le balcon du Palais présidentiel à La Paz.

Ce "changement", a-t-il expliqué, reposera sur la mise en œuvre de la nouvelle Constitution de janvier 2009, une charte radicale et complexe qui octroie une place centrale aux droits indigènes, ainsi qu'au contrôle des ressources naturelles, et qui renforce le rôle de l'Etat tout en admettant une décentralisation et divers types d'autonomies.

Si la majorité parlementaire des deux tiers du MAS présidentiel se confirmait, Evo Morales disposerait d'une toute-puissance redoutée par l'opposition et qui préoccupe aussi des observateurs indépendants. La droite dénonce un risque de dérive autocratique aussi marquée que celle du président vénézuélien Hugo Chavez, allié et mentor d'Evo Morales et de la gauche radicale latino-américaine. La rhétorique anti-libérale d'Evo Morales et ses alliances (Venezuela, Iran), restent par ailleurs suspectes aux yeux de nombre de pays occidentaux, tout comme le poids croissant du narcotrafic en Bolivie, 3e producteur mondial de cocaïne.

La majorité parlementaire des deux tiers permet notamment d'approuver -sous réserve de confirmation par référendum- la révision de la Constitution, de présélectionner les magistrats qui seront soumis au suffrage universel pour régir le pouvoir judiciaire, de lever l'immunité et d'autoriser la comparution en justice des députés, des sénateurs et du président de la République, de censurer et destituer les ministres, de désigner le Défenseur du peuple et le Procureur général et d'approuver les lois essentielles développant la nouvelle Constitution, dont la Loi cadre sur les autonomies et la décentralisation.

Dans ce contexte, des députés du MAS estiment "légitime" qu'Evo Morales, qui s'était engagé l'an dernier à ne plus se représenter à la présidence aux élections de 2014, puisse néanmoins envisager à son profit une interprétation ou une modification de l'article constitutionnel n'autorisant actuellement que deux mandats présidentiels successifs.

Le président Morales lui-même laissait planer dimanche la possibilité d'un 3e mandat, estimant que sur la base de la nouvelle Constitution plébiscitée en janvier dernier, son 2e mandat pourrait être considéré "comme une première élection".

Le conseiller spécial du Secrétariat général de l'Organisation des Etats américains, Dante Caputo, ex-ministre argentin des Affaires étrangères, s'inquiétait en novembre dernier du développement en Amérique latine d'un "présidentialisme extrême", non tempéré par le contrôle parlementaire permanent de l'exécutif qui caractérise les démocraties européennes.
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