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Brésil - Venezuela : présidents Lula et Chavez séparés par le G20

MADRID, samedi 4 avril 2009 (LatinReporters.com) - "Echec retentissant" selon le président vénézuélien Hugo Chavez; pas en avant "très important pour l'histoire du monde" aux yeux de son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva: ces appréciations contradictoires sur le dernier sommet du G20, tenu le 2 avril à Londres pour contrer la crise financière et économique mondiale, séparent clairement le radicalisme chaviste de la modération luliste au sein de la gauche latino-américaine.

Une enveloppe de 1.100 milliards de dollars pour relancer l'économie mondiale, dont le triplement à 750 milliards de dollars des ressources du Fonds monétaire international (FMI), placé au coeur de la réforme des institutions financières, ainsi que la relance du commerce international avec rejet du protectionnisme et la lutte contre les paradis fiscaux comptent parmi les mesures, consignées dans la déclaration finale, décidées à Londres par les chefs d'Etat et de gouvernement des principales puissances mondiales et des grandes économies émergentes de la planète qui constituent le G20. L'Amérique latine était représentée par le Brésil, l'Argentine et le Mexique. Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, fut la star du sommet.

Chavez: "Les mêmes médecines qui tuent le patient"

Le jour de la réunion du G20, Hugo Chavez entamait sa septième visite en Iran, devenu allié privilégié du socialisme dit bolivarien en vigueur à Caracas. "Le sommet du G20 s'est terminé sans peine ni gloire. Il suffit de lire ses conclusions. Elles ne sont en rien les solutions dont le monde a besoin face à la grande crise du capitalisme international" déclarait le 3 avril le président du Venezuela lors de l'inauguration, à Téhéran avec le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, de la première banque binationale fondée par les deux pays.

Le président Chavez a défendu à nouveau l'abolition du capitalisme et du libre commerce. Il a rejeté sur le FMI, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) la responsabilité de la crise globale actuelle.

A Londres, on a recouru aux remèdes habituels pour tenter de réanimer un système moribond, prônant "les mêmes médecines qui tuent le patient" a ironisé Hugo Chavez. "Mille milliards de dollars, autant d'argent supplémentaire dans un trou sans fond! En plus, ils ont décidé de renforcer l'un des grands coupables de la crise, le FMI. Il faudrait l'éliminer, mais ils prétendent lui donner de l'oxygène" a ajouté le leader bolivarien.

"Et comme si cela ne suffisait pas, ils se sont prononcés aussi pour le renforcement de l'OMC et des normes du libre marché. Le Dieu marché, disent-ils, l'instrument de l'impérialisme" s'est exclamé Chavez avant de proclamer que "l'heure de la fin de l'impérialisme a sonné. Il sombre et de ses cendres surgira un monde nouveau", dans lequel régnera "la paix, l'indépendance et la liberté". Selon Chavez, la création de ce monde viendrait de débuter à Téhéran avec la naissance de la banque binationale irano-vénézuélienne.

Par ailleurs, malgré le soutien mesuré de l'Iran à la stratégie afghane de Barack Obama lors de la conférence internationale sur l'Afghanistan du 31 mars à La Haye, Hugo Chavez s'est montré pessimiste sur les chances d'un éventuel dialogue entre Washington et Téhéran. "Je n'ai pas beaucoup d'espoir, car il existe un empire impérialiste derrière Obama. Il a les mains liées" a estimé le président du Venezuela dans une interview diffusée le 2 avril par la télévision officielle iranienne de langue anglaise Press TV.

Les relations entre Caracas et la Maison blanche restent tendues. Comme celle de l'ex-président George W. Bush, l'administration de Barack Obama continue à considérer le régime chaviste comme un facteur de déstabilisation en Amérique latine, notamment pour le soutien à la narco-guérilla colombienne des FARC que Washington impute toujours à Hugo Chavez.

Lula: sommet "important pour le futur de l'humanité"

Considéré, lui, comme le politicien "le plus populaire du monde" par Barack Obama qui l'avait déjà reçu le 14 mars à la Maison blanche, le président brésilien Lula da Silva juge les résultats du sommet du G20 "très importants pour l'histoire du monde". Lors d'une conférence de presse à l'issue du sommet dans la capitale britannique, il soulignait que cette importance historique réside dans le fait que, pour la première fois, pays développés et émergents se sont assis autour d'une même table avec un objectif commun. Ce consensus, insistait Lula, "est important pour le futur de l'humanité".

Il expliqua que le sommet de Londres fut "la première réunion au cours de laquelle on ne nous a pas traités comme si nous ne savions rien", pays riches et pays en développement siégeant "en conditions égales" à cause de la crise globale, contre laquelle "nul n'a la certitude ni même le FMI" de savoir ce qu'il convient de faire.

Le chef d'Etat brésilien s'est félicité de la décision de pénaliser les paradis fiscaux, dont la liste actualisée a été publiée le 2 avril par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il a surtout applaudi la décision de relancer dans le cadre de l'OMC les négociations dites du cycle de Doha, qui pourraient réduire les effets de la crise en favorisant le libre commerce. Lula s'est insurgé contre le protectionnisme, qu'il reproche notamment aux Etats-Unis et à l'Europe, principalement en matière de produits agricoles. Selon le président du Brésil, le protectionnisme est "un désastre pour l'économie mondiale ... Comme une drogue, il procure des moments d'extase, puis fait tomber dans une dépression dans laquelle on ne sait pas ce qui va se passer".

Lula da Silva a jugé positive l'augmentation des ressources du FMI et de la Banque mondiale "pour venir au secours des pays les plus nécessiteux". Et alors que la plupart des pays d'Amérique du Sud, dont le Brésil, s'étaient distanciés récemment des grandes organisations monétaires internationales, jugées coresponsables de la crise, le président Lula a confirmé que son pays "est en condition" d'apporter une contribution économique au FMI, dans la perspective de sa réforme qui, d'ici à janvier 2011, devrait accroître le rôle et l'influence des pays émergents au sein de cette institution.

"Il me plairait d'entrer dans l'histoire comme le président qui a prêté quelques réaux au FMI" a plaisanté Lula da Silva. Puis, sérieusement, le ministre brésilien des Finances, Guido Mantega, a précisé que l'apport du Brésil au FMI pourrait être défini "au cours des prochains jours".

Conscient des susceptibilités nationales, le président Lula s'est refusé à reconnaître la prépondérance du Brésil en Amérique latine, se définissant comme simple "compagnon" de ses pairs de la région.



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