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Colombie - Espagne : vente de chars annulée, mais coopération militaire maintenue

Cette vente inquiétait le Venezuela

Le président colombien Alvaro Uribe (à gauche) reçoit à Bogota le ministre espagnol des Affaires extérieures, Miguel Angel Moratinos. Au centre, Noemi Sanin, ex-ministre des Affaires étrangères et actuelle ambassadrice de Colombie à Madrid - Photo Fernando Ruiz-SNE
BOGOTA / MADRID, samedi 24 juillet 2004 (LatinReporters.com) - L'Espagne redéfinira en septembre son aide militaire, mais elle pousuivra sa coopération avec la Colombie, y compris "en matière de sécurité et de défense", a annoncé vendredi à Bogota le ministre des Affaires extérieures du nouveau gouvernement socialiste espagnol, Miguel Angel Moratinos. Il a confirmé l'annulation de la vente à la Colombie de 46 vieux chars AMX-30, qui inquiétait le Venezuela voisin.

Le gouvernement conservateur espagnol de José Maria Aznar, dont le Parti populaire (PP) fut vaincu aux élections législatives du 14 mars dernier, avait situé la vente des chars et l'ensemble de la coopération militaire avec la Colombie dans le cadre de la "lutte antiterroriste" -selon l'expression de M. Aznar- menée par le président colombien Alvaro Uribe contre les guérillas colombiennes d'extrême gauche.

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Depuis l'an dernier, l'Espagne est avec les Etats-Unis le seul pays à aider militairement la Colombie contre la guérilla. Le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero tente de gommer les aspects les plus polémiques de cette coopération et de mettre davantage l'accent sur le rôle de médiateur que pourrait assumer l'Espagne pour favoriser la négociation entre le gouvernement colombien et la guérilla ou les paramilitaires.

Néanmoins l'Union européenne, y compris donc l'Espagne, considère officiellement comme "terroristes" non seulement les paramilitaires colombiens, mais aussi les guérillas des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie, marxistes) et de l'ELN (Armée de libération nationale, pro-cubaine). Pays européen le plus frappé par le terrorisme -basque et islamiste- l'Espagne, fût-elle aujourd'hui socialiste, a donc une bonne raison de maintenir une coopération militaire avec la Colombie, d'autant plus que les services secrets espagnols estiment probable l'existence de liens entre les FARC et les indépendantistes basques de l'ETA.

Par ailleurs, l'Espagne, principal investisseur étranger en Colombie après les Etats-Unis, n'a pas l'intention de mettre en péril ses positions économiques et ne prendra donc pas brusquement le contre-pied du gouvernement de ce pays andin.

Quant à la collusion, dénoncée par les organisations de défense des droits de l'homme, entre paramilitaires d'extrême droite et l'armée colombienne, l'Espagne ne peut l'aborder qu'avec discrétion. Dans les années 1980, sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez, l'Espagne fut en effet le seul pays d'Europe occidentale à abriter au cours du dernier quart de siècle des commandos parapoliciers (sous le sigle du GAL, Groupe antiterroriste de libération) pour exécuter des opposants, en l'occurrence des militants et des terroristes de l'organisation séparatiste basque ETA.

Le juge Baltazar Garzon, célèbre mondialement pour ses poursuites contre l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, fit condamner un secrétaire d'Etat à la Sécurité et un ministre de l'Intérieur de Felipe Gonzalez pour implication dans le dossier du GAL (28 morts entre 1983 et 1987).

Reçu hier à Bogota par le président Alvaro Uribe et par son homologue colombienne Carolina Barco, le ministre espagnol des Affaires extérieures, Miguel Angel Moratinos, a déclaré à la presse que l'aide militaire sera redéfinie en septembre, lors d'une visite à Bogota du ministre espagnol de la Défense, le socialiste José Bono.

"Nos gouvernements, a ajouté le ministre Moratinos, sont convenus de rechercher les domaines dans lesquels ils se sentiront les plus à l'aise pour développer et accroître leur coopération en matière de sécurité et de défense". L'aide espagnole, a-t-il précisé, s'étendra "évidemment à la lutte contre le terrorisme" et à "la politique de sécurité démocratique du président Uribe". Il s'agira aussi d'une "lutte commune contre l'injustice, la pauvreté et la misère".

Réduire la tension entre la Colombie et le Venezuela

L'annulation de la vente de 46 chars espagnols AMX-30, vieux de trente ans quoique modernisés, n'a pas surpris. Le président colombien Alvaro Uribe avait lui-même affirmé le 14 juillet dernier, à l'issue d'un entretien avec le président vénézuélien Hugo Chavez, qu'il chercherait à acheter à l'Espagne "quelque chose de plus utile". Il détendait ainsi l'atmosphère avec le Venezuela, inquiet du réarmement d'une Colombie déjà bénéficiaire de l'aide militaire américaine.

Bogota accuse régulièrement le régime pro-cubain de Hugo Chavez d'offrir des facilités à la guérilla colombienne. Les services de sécurité vénézuéliens annonçaient, eux, en mai dernier, la capture de plusieurs dizaines de présumés paramilitaires colombiens à proximité de Caracas. Ils furent accusés de préparer un nouveau putsch contre le président Chavez.

En mai dernier à Madrid, une commission du Parlement vénézuélien avait prié le nouveau gouvernement socialiste espagnol de suspendre les livraisons d'armes à Bogota afin de réduire les risques d'un conflit entre la Colombie et le Venezuela. Le 23 juin, le Congrès espagnol des députés approuvait une résolution des communistes d'Izquierda Unida (Gauche unie) demandant au gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero de respecter le code de conduite de l'Union européenne interdisant l'exportation d'armes vers des pays qui, comme la Colombie, sont en conflit ou violeraient gravement les droits de l'homme.

Annuler la livraison des chars satisfait à la fois le Venezuela, la gauche espagnole et le gouvernement de Madrid (sa majorité relative socialiste a besoin de l'appui ponctuel des communistes) et même la Colombie, où des experts militaires doutent de l'utilité de chars de 36 tonnes pour combattre la guérilla dans les montagnes andines et la forêt amazonienne.

Mais d'autres aspects de la coopération militaire hispano-colombienne négociée à l'époque du gouvernement conservateur espagnol de José Maria Aznar ne sont pas remis en question. Il s'agit notamment de la vente de 8 avions espagnols CX-212 de transport militaire (seront-ils livrés comme avions-ambulances?) et d'une coopération industrielle pouvant déboucher sur la production d'armes en Colombie grâce à la technologie espagnole.

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