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Colombie: Alvaro Uribe élu président au 1er tour pour sa fermeté avec la guérilla

Il lance toutefois aux rebelles une offre conditionnée de dialogue

Alvaro Uribe. Son premier
défi: rester en vie
© alvarouribevelez.com
BOGOTA, lundi 27 mai 2002 (LatinReporters.com) - Presqu'inconnu il y a un an, le dissident du Parti Libéral Alvaro Uribe a remporté dimanche en Colombie l'élection présidentielle avec 53% des suffrages. C'est la première fois qu'un président colombien est élu au 1er tour depuis l'instauration des deux tours, en 1994. La première fois aussi que la présidence revient à un indépendant n'ayant pas (encore) de parti politique propre.

Ce triomphe est dû au message de fermeté d'Alvaro Uribe à l'égard de la guérilla. La multiplication des attentats de la guérilla pendant la campagne électorale a d'ailleurs crédibilisé le discours dur du vainqueur, qui sera investi le 7 août pour un mandat de quatre ans. Il a néanmoins lancé une offre conditionnée de dialogue avec les rebelles.

Résultats
de l'élection
présidentielle

Score des cinq premiers candidats, sur un total de onze, après dépouillement des bulletins de 98,99% des bureaux de vote:

-Alvaro Uribe (dissident du Parti Libéral): 53,04%
-Horacio Serpa (Parti Libéral): 31,72%
-Luis Eduardo Garzon (gauche): 6,18%
-Noemi Sanin (dissidente du Parti Conservateur): 5,82%
-Ingrid Betancourt (écologiste, actuellement séquestrée par la guérilla des FARC): 0,49%

L'abstention s'élève à 54,6%, ce qui est habituel en Colombie, compte tenu notamment des menaces exercées par la guérilla, dans les zones qu'elle domine, afin de dissuader les électeurs de voter.

Dans son premier discours à la nation, dimanche soir, Alvaro Uribe a en effet annoncé qu'il solliciterait rapidement une médiation internationale pour tenter d'ouvrir un dialogue avec les "groupes armés en marge de la loi" (une expression pouvant inclure tant la guérilla que les paramilitaires), les invitant à se réinsérer dans la vie politique démocratique, qui permet "la révolution des idées".

Mais le successeur du président Pastrana a conditionné ce dialogue à un cessez-le-feu et à l'abandon du terrorisme. Pendant la campagne, il avait en outre refusé toute concession territoriale à la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), qui réclame, au sud du pays, la démilitarisation d'une zone de 130.000 km2, aussi grande que l'Angleterre et trois fois plus étendue que celle qui lui a été reprise par l'armée en février dernier.

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Dans l'immédiat, la guérilla risque de subir la manière dure. Le programme électoral d'Alvaro Uribe, que ses adversaires estiment lié aux paramilitaires d'extrême droite, propose notamment d'augmenter d'un milliard de dollars le budget de la sécurité, de doubler le nombre de policiers et de soldats de métier, d'octroyer certaines fonctions de police à l'armée et d'organiser un contingent d'un million de citoyens pour collaborer avec les forces de l'ordre.

Cette dernière proposition est polémique. Ce million de citoyens serait appelé à collaborer essentiellement sur le plan de l'information. Mais les gardiens d'immeubles par exemple, déjà armés, seront intégrés à ce contingent. D'autres collaborateurs seront-ils armés aussi, au risque, selon les adversaires d'Alvaro Uribe, de former des escadrons légaux de paramilitaires? Des commandants de la guérilla des FARC ont affirmé qu'un million d'informateurs deviendraient automatiquement "un million de nouvelles cibles" pour les guérilleros. Le risque d'un embrasement du conflit intérieur est donc réel.

Mais le premier défi à relever par Alvaro Uribe sera de conserver la vie. Il a déjà échappé à quinze tentatives d'attentats attribuées à la guérilla. La dernière remonte au mois d'avril. Son père fut lui-même tué par les FARC, lors d'une tentative d'enlèvement, en 1983.

Dans son discours à la nation, Alvaro Uribe a rendu avec émotion hommage à la mémoire de son père. Il a également exprimé sa solidarité avec les personnes séquestrées par la guérilla, citant l'écologiste Ingrid Betancourt, enlevée par les FARC le 23 février dernier. Cinquième de l'élection présidentielle, à laquelle elle était candidate par contumace, Ingrid Betancourt n'a récolté que 0,5% des voix.

Ex-maire de Medellin, ex-sénateur et ex-gouverneur du département d'Antioquia, Alvaro Uribe, avocat de 49 ans, a plus de 21 points d'avance sur son concurrent direct, le candidat du Parti Libéral, Horacio Serpa. Ce dernier avait mené une campagne de style social-démocrate axée sur des problèmes sociaux, notamment l'emploi et les tarifs des services publics. Cette erreur tactique fut aussi celle de la plupart des onze candidats à la présidence.

Seul Alvaro Uribe, bourreau du travail n'aimant pas l'alcool, avait martelé sans répit, pendant la campagne électorale, la promesse de rétablir l'autorité de l'Etat sans concession à la guérilla. Il semble avoir ainsi répondu à l'angoisse de la majorité des 42 millions de Colombiens. Leur principal problème social est en effet celui de la sécurité la plus élémentaire après 38 ans d'une guerre civile qui a fait 200.000 morts et deux millions de déplacés.

Les concurrents d'Alvaro Uribe partaient de la conviction que les problèmes sociaux -très réels en Colombie- doivent d'abord être résolus pour pouvoir aboutir à la paix. Cette vision idéaliste a pour désavantage de justifier la violence aussi longtemps que ne disparaîtront pas des inégalités sociales difficiles à effacer en moins d'une génération.

Alvaro Uribe estime, lui, qu'aujourd'hui le conflit armé et le terrorisme ne sont plus, en Colombie, la conséquence de la pauvreté, mais ses principales causes. Ce message a été capté, comme en témoignent les graphiques d'évolution des résultats des sondages. Ils  révèlent que février 2002, mois qui vit la fin des espoirs de paix négociée avec la guérilla, mais aussi septembre 2001, mois de l'offensive terroriste islamiste contre les Etats-Unis, furent deux jalons dans l'ascension fulgurante de la popularité d'Alvaro Uribe. La guérilla des FARC avait applaudi l'affront sanglant subi par les Etats-Unis le 11 septembre dernier.

Dans les rues de Bogota, dimanche soir, des milliers de partisans d'Alvaro Uribe fêtaient bruyamment son triomphe. L'ambassadrice des Etats-Unis, Anne Patterson, s'est rendue à l'hôtel d'Alvaro Uribe pour le féliciter personnellement avant même qu'il ne soit proclamé officiellement vainqueur de l'élection présidentielle. Alvaro Uribe souhaite un accroissement de l'aide militaire américaine et son utilisation contre la guérilla. Actuellement, cette aide est théoriquement limitée à la lutte contre le narcotrafic.

Sur leur site Internet, les paramilitaires des AUC (Autodéfenses unies de Colombie, extrême droite) ont salué l'élection d'un "président digne", mais aussi la troisième place du candidat de la gauche démocratique, Luis Eduardo Garzon, affirmant qu'elle démontre "qu'en Colombie il n'y a pas besoin d'une armée de guérilleros pour promouvoir les intérêts des classes les plus défavorisées".


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