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Equateur : la crise institutionnelle inquiète l'armée

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Equateur

QUITO, 10 mai 2001 (LatinReporters.com) - Sur fond de mécontentement populaire et de nouvelles menaces de mobilisation de la minorité indienne, un choc institutionnel entre le Congrès et la Présidence du pays à propos d’une hausse de la TVA inquiète l’armée équatorienne. Le ministre de la Défense, le général Hugo Unda, ne cache pas son irritation à l’égard des députés.

Une hausse de la TVA de 12 à 14% exigée par le Fonds monétaire international (FMI) est le détonateur de ce nouvel épisode de l’instabilité politique permanente de l’Equateur. Mardi soir, pour la deuxième fois en un mois, le Congrès des députés rejetait massivement ce projet de hausse très impopulaire. La séance fut désordonnée et violente.

Mais, la semaine dernière, les députés n’avaient pas été assez nombreux pour repousser un recours du président de la République, Gustavo Noboa, contre le premier vote du Congrès. Aussi le gouvernement du président Noboa promettait-il l’entrée en vigueur de la hausse de la TVA dès sa publication ce 10 mai au journal officiel. Les législateurs, eux, vont saisir le Tribunal constitutionnel pour s’y opposer.

Dans la nuit de mardi à mercredi, Gustavo Noboa recevait les chefs militaires au palais présidentiel pour analyser le vote négatif des députés. " Ils jouent avec le futur du pays et du peuple équatorien et nous avons le devoir de faire quelque chose pour qu’il n’en soit pas ainsi " déclarait alors à la presse le général et ministre de la Défense Hugo Unda. Il ne donna toutefois aucun détail sur une éventuelle action de l’armée.

Les conséquences juridiques, économiques et politiques de cette crise institutionnelle sont imprévisibles. Le paradoxe est que tant une hausse de la TVA que le maintien à son niveau actuel peuvent produire des effets désastreux.

Une hausse va mobiliser contre le gouvernement l’immense minorité indienne, qui compte le tiers des 12,5 millions d’Equatoriens. Leur Confédération des nations indiennes d’Equateur, la CONAIE, est, après l’armée, l’organisation la plus puissante du pays. C’est elle qui avait créé un climat insurrectionnel en février pour réussir, au prix de 7 morts et d’une centaine de blessés, à faire baisser le prix du gaz et obliger le gouvernement à ouvrir des négociations sociales.

La CONAIE considère la hausse de la TVA comme une déclaration de guerre. Elle a annoncé la prochaine constitution de ses propres " tribunaux du peuple " pour juger les politiciens " corrompus " qui soutiendraient cette hausse.

C’est encore la mobilisation de la CONAIE, rejointe par quelques dizaines d’officiers putschistes, qui avait balayé en janvier 2000 le président démocrate-chrétien Jamil Mahuad, aujourd´hui exilé aux Etats-Unis. Son successeur, Gustavo Noboa, était son vice-président. Ce professeur d’université indépendant ne dispose d’aucun relais politique ni au Congrès ni dans la société.

Quant aux Equatoriens en général, les sondages indiquent qu’ils sont plus de 80% à rejeter l’augmentation de la pression fiscale. Selon la Chambre de commerce de Quito, 69% de la population nationale vit dans la pauvreté. Le sous-emploi frappe plus de 50% des travailleurs, qui émigrent par dizaines de milliers vers les Etats-Unis et l’Espagne. Lors de l’élection présidentielle de l’an prochain, les Equatoriens défavorisés risquent d’être sensibles au populisme d’extrême gauche de l’ex-colonel putschiste Lucio Gutierrez.

Quant à l’annulation éventuelle de la hausse de la TVA, elle provoquerait la banqueroute de l’Equateur. Tant le FMI que le Club de Paris refuseraient alors, ils l’ont averti, d’éponger davantage la dette publique extérieure de du pays. Elle s’élève à 11,2 milliards de dollars, plus de 65% du produit intérieur brut.

L’Equateur s’enfoncerait en conséquence davantage dans une crise économique qui est déjà la pire de son histoire. Malgré -ou à cause ?- de la dollarisation, qui a remplacé la monnaie nationale (le sucre), l’inflation culmina à 91% l’an dernier. Des milliers d’épargnants de la classe moyenne n’ont pas encore récupéré leur économies congelées lors du crash bancaire de 1999.

Le dernier sondage jauge à 26% seulement la popularité du président Noboa. Mais le Congrès ne recueille, lui, que 5%, victime de l’image de corruption qui pèse sur la classe politique.

Dans ces circonstances, les militaires feraient facilement figure de sauveurs de la patrie. Ils se rappelleront toutefois que le récent Sommet des Amériques de Québec a menacé de mise en quarantaine politique et économique toute nation qui souffrirait d’une " altération ou interruption inconstitutionnelles de l’ordre démocratique ".


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