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Accident probable, mais soupçons d'exécution massive extrajudiciaire

Honduras: 104 détenus meurent dans l'incendie de leur prison

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Honduras

TEGUCIGALPA , mardi 18 mai 2004 (LatinReporters.com) - Le bilan de l'incendie survenu "accidentellement" -des parents endeuillés en doutent- dans la nuit de dimanche à lundi dans la prison de San Pedro Sula, à 240 km au nord de Tegucigalpa, est de 104 morts et 24 blessés. Toutes les victimes sont des détenus, pour la plupart des jeunes de l'un des gangs les plus violents du Honduras, la "mara" (bande) Salvatrucha. Ce drame, le pire de l'histoire pénitentiaire du Honduras, souligne trois problèmes connus: surpopulation des prisons, soupçons d'esprit de vengeance extrajudiciaire contre les jeunes délinquants et marginalisation sociale à l'origine de la criminalité.

Le président hondurien, Ricardo Maduro, a interrompu à Rome une tournée en Europe. Il était attendu au pays au plus tard mercredi. Chef d'Etat intérimaire en son absence, le vice-président Vicente Williams avait aussitôt prié le procureur général de mener une enquête exhaustive sur le drame de San Pedro Sula.

Vicente Williams a indiqué que, selon un premier rapport des pompiers, la cause de l'incendie serait une surchauffe des câbles électriques de l'air conditionné. Un rideau aurait alors pris feu, les flammes s'étendant à des matelas de fibres artificielles, dont la combustion dégagea des gaz hautement toxiques qui ont asphyxié les victimes.

Le pénitencier était surpeuplé. Prévu pour 1.700 prisonniers, il en hébergeait 2.227, dont 182 dans l'aile sinistrée. Un rescapé, le détenu Pablo Cardona, affirme qu'au lieu d'ouvrir les portes des cellules pour permettre aux prisonniers de sortir, les gardiens auraient tiré sur eux. "Ils voulaient notre mort" prétend le détenu.

Toutefois, Francisco Herrera, responsable de services de médecine légale, affirme qu'aucune marque de blessure par arme à feu n'a été décelée sur les dizaines de cadavres qu'il a examinés.

"L'incendie s'est déclaré à 1h30 du matin et les gardiens n'ont pas ouvert notre cellule avant 3h30, en dépit de nos appels au secours" affirme un autre prisonnier rescapé, Antonio Hernandez.

"On les a tués en les empêchant de sortir" criaient des parents de détenus, accourus par dizaines lundi matin aux portes de la prison de San Pedro Sula. Certains d'entre eux voulaient y voir "une extermination préméditée".

De nombreuses victimes étaient de race noire, issues donc d'un secteur de la population particulièrement marginalisé. Le Honduras compte 66% de pauvres. Il est avec la Bolivie, le Guatemala, Haïti et le Nicaragua l'un des cinq pays les plus démunis du continent américain.

Indignés, comme l'Eglise, par une tragédie "prévisible" en fonction de l'état lamentable des prisons, les éditorialistes de la presse de Tegucigalpa ne partageaient toutefois pas, mardi, l'hypothèse du complot criminel.

2.500 jeunes abattus sommairement depuis 1998

En avril 2003, dans la prison El Porvenir de la ville de La Ceiba, à 185 km au nord de Tegucigalpa, une mutinerie avait fait 68 morts, la plupart également des prisonniers membres de "maras". Soupçonnés de massacre dans le cadre de cette mutinerie, 51 militaires, policiers et détenus n'ont pas encore été jugés.

En août dernier, le Parlement hondurien approuvait une réforme légale facilitant l'arrestation des membres des bandes de jeunes. Selon les autorités, le Honduras compterait près de 500 "maras" rassemblant quelque 100.000 délinquants potentiels. Selon diverses organisations humanitaires, environ 2.500 jeunes auraient été abattus sommairement depuis 1998, soit par des "escadrons de la mort", soit par la police, soit encore, dans la majorité des cas, lors d'affrontements entre bandes rivales.

Candidat du Parti national (conservateur), le président Ricardo Maduro avait été élu en novembre 2001 en prônant la "tolérance zéro à l'égard des délinquants". Il fut frappé dans sa propre chair par la violence criminelle, son fils aîné ayant été assassiné en 1997 lors d'une tentative d'enlèvement crapuleux.

De Rome, où il venait d'être reçu par le pape Jean-Paul II et où il a annoncé son retour immédiat au pays, Ricardo Maduro a qualifié de "tragédie nationale" le drame de San Pedro Sula. Il a envisagé l'ouverture de centres de détention dans des installations militaires afin de remédier à la surpopulation carcérale. Il sollicitera par ailleurs une assistance financière internationale pour moderniser le système pénitentiaire hondurien.

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