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Etat d'urgence, couvre-feu et intervention de l'armée dans le département d'Arequipa

Pérou: émeutes contre les premières privatisations du président Toledo

Alejandro Toledo et son épouse d'origine belge, Eliane Karp, pendant la campagne électorale de 2001. Depuis, la popularité d'Alejandro Toledo s'est effondrée - Photo Peru Posible
LIMA, lundi 17 juin 2002 (LatinReporters.com) - Après trois jours d'émeutes contre les premières privatisations d'entreprises publiques décidées par le président centriste Alejandro Toledo, le gouvernement de Lima a décrété l'état d'urgence pour une période de trente jours, avec suspension des garanties constitutionnelles, dans le département d'Arequipa, au sud du Pérou. L'armée est chargée d'y rétablir l'ordre. Depuis son élection, en juin 2001, la popularité du président Toledo a chuté de 60 à 20%.

Tractebel, filiale belge de la multinationale française Suez-Lyonnaise des Eaux, acquérait vendredi, pour 167 millions de dollars, deux sociétés publiques péruviennes productrices d'électricité, Egasa et Egesur. Cette première privatisation sous la présidence d'Alejandro Toledo a provoqué des manifestations violentes à Arequipa, la grande ville du sud-péruvien, région où siègent les entreprises vendues.

Dernière heure

Un mort, 152 blessés
et extension des émeutes

Pour le 4e jour consécutif et malgré l'état d'urgence, les mobilisations contre la privatisation des deux entreprises publiques Egasa et Egesur se sont poursuivies lundi à Arequipa et se sont étendues au département voisin de Tacna, où des manifestants et la police se sont affrontés.

Le bilan de 4 jours d'incidents était lundi soir d'un mort, un étudiant ayant reçu en pleine tête une grenade lacrymogène lancée par la police, 152 blessés et plus de 100 millions de dollars de pertes économiques et de dégâts.

L'ex-président Alan Garcia, leader du Parti Apriste (opposition et second parti du Pérou) a invité le président Alejandro Toledo à lever l'état d'urgence "qui ternit le caractère démocratique du gouvernement".

"Qui sème des promesses et ne les tient pas récolte des tempêtes" a ajouté Alan Garcia, se référant à la promesse d'Alejandro Toledo, pendant la campagne électorale de 2001, de ne pas privatiser Egasa et Egesur.

Le bilan de trois jours d'émeutes est d'au moins une centaine de policiers et de manifestants blessés, une banque saccagée et des commerces pillés. Soutenus par le maire d'Arequipa et par d'autres autorités régionales opposées à la privatisation, les manifestants, au nombre de plusieurs milliers, ont coupé par des barricades des routes nationales et départementales et bloqué les principaux accès à Arequipa. Ils ont occupé par intermittence l'aéroport et les gares routières de cette ville de près d'un million d'habitants, la plus importante du Pérou après Lima.

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Le gouvernement national évalue les pertes et dégâts à quelque 100 millions de dollars, ce qui fait de la privatisation contestée une opération peu rentable.  Dimanche soir, à l'issue d'un conseil des ministres, le ministre péruvien de la Défense, Aurelio Loret de Mola, annonçait l'instauration de l'état d'urgence à Arequipa et dans sa région. Le général Oscar Gomez de la Torre Ovalle a été nommé chef d'une autorité politico-militaire chargée de rétablir l'ordre. Il imposait aussitôt à Arequipa un couvre-feu, de 22h à 5h du matin.

Pendant trente jours, l'état d'urgence y suspendra les garanties constitutionnelles relatives notamment à l'inviolabilité du domicile, à la liberté de réunion et à la libre circulation.

Echaudées par la banqueroute de l'Argentine, pays qui a privatisé dans les années 1990 ses principales entreprises publiques, les autorités d'Arequipa et de nombreuses organisations sociales de la région craignent que la privatisation d'Egasa et d'Egesur ne renchérisse l'électricité et n'accroisse le chômage.

Un tribunal avait suspendu la vente des deux entreprises, la possession de la majorité des actions étant revendiquée par la région d'Arequipa, qui ne voulait pas vendre. Mais le gouvernement de Lima a passé outre et le représentant de l'acheteur, la société belge Tractebel, estime que la signature des derniers documents a rendu la privatisation irréversible. Néanmoins, le maire d'Arequipa, Juan Manuel Guillen, a annoncé un nouveau recours en justice.

Dans un message à la nation, le président Toledo affirmait dimanche soir qu'il respecterait les décisions des tribunaux, mais que son "gouvernement démocratique et d'autorité" poursuivrait sa politique de privatisations afin de dégager les ressources nécessaires à l'aménagement d'infrastructures, notamment la construction d'écoles et de routes.

Du côté de l'opposition, Lourdes Flores, dirigeante de l'Union nationale, troisième parti politique du Pérou, a prié Alejandro Toledo d'expliquer aux Arequipiens pourquoi il vient de vendre des entreprises publiques qu'il avait pourtant promis de ne pas privatiser lors de la campagne électorale de l'an dernier.

Confronté à un fort mécontentement social et à la résurgence du terrorisme du mouvement maoïste Sentier Lumineux, Alejandro Toledo, premier président péruvien d'origine amérindienne, a vu sa popularité s'effondrer de 60 à 20% au cours des douze derniers mois. Les syndicats reprochent au chef de l'Etat et à ses ministres de qualifier régulièrement "d'ennemis de la démocratie" ceux qui manifestent contre la politique économique et sociale du gouvernement.

Dans deux autres pays d'Amérique du Sud, le Paraguay et l'Equateur, une forte opposition populaire et les réticences d'autorités régionales paralysent actuellement les privatisations d'entreprises publiques.

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